Les dissidents juifs et/ou israéliens sont à la pensée politique ce que sont les grands écrivains à la littérature : ils livrent l’aspect désespéré de la réalité telle qu’elle est et, du seul fait qu’ils existent, des raisons d’espérer. À cet égard, le travail que vient d’accomplir Sylvain Cypel est exemplaire. On devine l’effort et le courage qu’il lui aura fallu pour le mener à terme. Il y a quelque chose de quasi insoutenable dans ce constat répété de la perversion du pouvoir israélien usant, jour après jour, et chaque jour davantage, de son droit autoproclamé à l’impunité.
De ce point de vue, l’imposture de Netanyahu bat des records historiques. Démontée pièce par pièce dans cet ouvrage, elle est d’autant plus éprouvante à supporter qu’elle passe comme lettre à la poste auprès de la majeure partie de l’opinion israélienne. Aussi nocive à terme pour les Israéliens que pour les Palestiniens, elle est en train de miner, voire de détruire, le principal capital d’Israël : sa démocratie. Outre l’insupportable injustice/humiliation qu’elle inflige aux Palestiniens, elle hypothèque l’avenir et elle insulte le passé. De son propre passé, voici le peu que nous en dit Cypel. Son père est né en 1911 dans une bourgade nommée Loudmir, en Volhynie, située dans le nord-ouest de l’Ukraine actuelle. « Une ville typique des bouleversements qu’avait connus sa région. Elle comptait 40 000 habitants : 20 000 Ukrainiens, 15 000 Juifs, deux ou trois milliers de Polonais et quelques autres. » L’Armée rouge, en 1919, créa l’espoir d’en avoir fini avec les Pogroms. Mais deux ans plus tard, « la ville passait sous la coupe de l’État nationaliste polonais, avec son cortège d’agressions antisémites. En 1939, elle connaissait l’occupation soviétique. Puis en 1941, celle des troupes allemandes ». En un jour la famille Cypel fut décimée par l’horreur nazie. L’auteur de L’État d’Israël Contre Les Juifs, la résume en quatre lignes, pas un mot de plus : « Le 1er septembre 1942, les Einsatzgruppen nazis assassinèrent la quasi-totalité de sa population juive, dont les parents de mon père, ses frères, leurs femmes et tous leurs enfants, ses oncles, tantes, cousins. »
Telle est l’histoire familiale à laquelle est adossé le parcours intellectuel de celui qui fut tour à tour, directeur de la rédaction de Courrier International, rédacteur en chef au Monde et correspondant de ce même journal aux États-Unis.
Son ouvrage aborde la politique ségrégationniste d’Israël, sous tous les aspects, à commencer par le domaine juridique qui perd à toute allure de son intégrité et de son indépendance. Infiltré par la promulgation de lois racistes, soumis aux pressions des partis d’extrême droite, il contribue grandement à laisser faire l’inacceptable. La Cour suprême elle-même n’est un rempart contre l’injustice que lorsqu’il s’agit de la société juive israélienne. Depuis 1967, la Cour a « constamment validé les destructions de maisons palestiniennes et les expropriations », écrit Cypel. Autrement dit, « en cinquante ans, il n’existe pas un seul référé devant la Cour suprême contestant une démolition de maison palestinienne qui ait obtenu un avis favorable ». Interrogée sur l’évolution du système judiciaire en Israël, l’avocate israélienne, Leah Tsemel – qui contribua notamment à la libération des prisonniers de Khiam dans le Liban Sud – évoque les procureurs et les juges en ces termes : « Nous ne sommes plus du tout sur la même planète. À une époque, il était possible de se comprendre, il y avait toujours une sorte d’excuse pour le fait que nous étions des occupants et que nous devions quelque chose à quelqu’un. Aujourd’hui, cela a disparu. Et personne n’en a honte. »
Cette fin de la culpabilité et de la honte occupe une place centrale dans le livre de Cypel. Elle éclaire notamment l’absence totale d’inhibition quant aux alliances de Netanyahu avec les régimes les plus rédhibitoires, et pour certains les plus antisémites qui soient. De Bolsonaro à Modi, en passant par Orbàn et Min Aung Hlaing, tous les arrangements sont bons dès lors qu’il s’agit d’ostraciser et d’exclure au nom d’un nationalisme pur et dur. Et ce sont les mêmes – les sbires de Netanyahou et leurs soutiens à l’étranger – qui s’autorisent sans le moindre scrupule à traiter d’antisémite quiconque s’aventure à critiquer cette politique d’apartheid. Le trop c’est trop, l’abus de l’abus, a toutefois ceci de bien qu’il finit par réveiller les esprits. En faisant voter par la Knesset la loi du 19 juillet 2018 et en déclarant sans détour qu’« Israël n’est pas l’État de tous ses citoyens, il est l’État-nation des seuls juifs », le chef du Likoud, soutenu par son ami Trump, a franchi un pas que Cypel résume ainsi : « Désormais, Israël est formellement un État ségrégationniste. » Le journaliste dissident, Gideon Levy, emploie d’autres mots : « Enfin, une loi dit la vérité (…) Un terme est mis à la farce d’un Israël juif et démocratique. » Mais ce ne sont pas seulement les intellectuels militants ou les associations israéliennes de défense des droits, tel que B’Tselem, qui sonnent l’alarme, ce sont de nouvelles voix excédées par la brutalité de Netanyahou et accessoirement par ce phénomène appelé chutzpah, qui « désigne le culot monstre, la goujaterie et l’aplomb affichés en toute bonne conscience ». « Une plaisanterie résume cette notion, ajoute Cypel, c’est cet avocat d’un homme qui a tué père et mère et qui demande la clémence du jury sous prétexte que son client est devenu orphelin. » Chutzpah, voici un terme qui irait comme un gant à nos chefs de clans libanais…
« Que Netanyahou puisse entretenir les meilleures relations avec Trump, mais aussi avec Poutine et Orbàn et avec les évangélistes, ça rend la grande majorité des Juifs américains dingues », note le professeur d’université, Michael Walzer, sioniste et homme de gauche modéré. Les Juifs américains ont été aussi très choqués par l’adoption en Israël de la loi sur l’État-nation. Dans un article titré « Ce n’est pas ce que nous (les Juifs) sommes », Ron Lauder, président du Congrès juif mondial, a récusé cette loi qui « aiguise la polarisation et la discorde ». On apprend aussi à la lecture de ce livre que quatorze grandes organisations juives sionistes ou prosionistes ont publié un texte déclarant que « cette loi mettra fin à ce qui définit une démocratie moderne ». Les exemples pleuvent. Dans un chapitre intitulé, « Il n’est pas nécessaire ni sain de se taire », Cypel nous en apprend beaucoup sur les changements d’opinion parmi les Juifs de la diaspora, notamment aux États-Unis. Pourquoi en France, cette même opinion, tarde-t-elle dangereusement à se réveiller ? Pourquoi le CRIF, Conseil représentatif des institutions juives de France n’a-t-il rien trouvé à redire au sujet de la loi discriminatoire de 2018 ? L’historien français, Pierre Birnbaum conclut à « une israélisation des Juifs de France ». Son avis est partagé par l’universitaire Christophe Attias selon qui « le lien avec Israël est devenu ombilical ». « Où sont les Vidal-Naquet d’aujourd’hui en France ? », s’interroge de son côté l’intellectuel francophile new-yorkais Adam Shatz. « Certes, poursuit Cypel, les opinions réactionnaires sont loin d’être majoritaires au sein de l’ensemble des Juifs de France, mais ceux qui les véhiculent sont les plus actifs et en nombre croissant au sein du judaïsme communautarisé. »
Il faut lire ce livre qui est une mine d’informations, si l’on veut s’armer intelligemment contre l’ennemi et, à terme, en faveur de la paix. Que reste-t-il de mieux à faire dans cette région abimée et défaite, sinon de fédérer, de mobiliser les énergies, toutes confessions et nationalités confondues, contre les impostures qui prennent les peuples en otage ou les bernent ? Cette enquête pleine de nuances et sans concession sur les rouages officiels et officieux du pouvoir israélien est, disons-le d’un mot, remarquable. Elle se développe et se révèle au fur et à mesure, ainsi qu’une photo en chambre noire. Le résultat est certes déprimant mais sa noirceur est constamment corrigée par le sentiment que nous procurent la clarté, l’empathie et la rigueur de son auteur.
L’État d’Israël contre les Juifs de Sylvain Cypel, éditions La Découverte, 2020, 322 p.
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VOUS POUVEZ DIRE CE QUE VOUS VOULEZ D'ISRAEL MAIS AVEC 15 DEPUTES ELU DANS LA LISTE UNIFIEE ARABE CAD 15/120=12.5% DE LA KNESSET, JE DOUTE QUE VOUS N'APPELEZ PAS CA UNE DEMOCRATIE MONTREZ MOI DONC 1 ELU AU LIBAN CHIITE DANS UNE REGION CONTROLEE PAR AMAL ET HEZBALLAH : PAS UN SEUL ET PAR LA FORCE DES ARMES ET DES INTIMIDATIONSET VOUS APPELER LE LIBAN UNE DEMOCRATIE? MONTREZ MOI LE PRESIDENT AOUN RECU PAR TRUMP ET PUTIN ET MACRON ET QUI A OBTENU QUOI QUE CE SOIT DE CES DEUX DERNIERS ( LE PREMIER N'A PAS VOULU LE VOIR ) QUAND ON VISITE PUTIN AVEC SON GENDRE ET SA FILLE UNIQUEMENT C'EST QU'ON EST …… …(pour ne pas etre poursuivi en justice par le gendre) ET DE TOUTE FACON FIACO SPLENDIDE CAR LE BUT ETAIT DE RAMENER LES SYRIENS EN SYRIE QUAND A L'ENTREVUE AVEC MACRON , AOUN S'EST FAIT GRONDE COMME UN ENFANT POUR NE PAS AVOIR FAIT OU TENU LES PROMESSES DONNEES AU MOMENT DE L'OFFRE DE CEDRE SAVEZ VOUS QUE LE PRESIDENT DE LA COUR SUPREME QUI A ENVOYE UN PRESIDENT ISRAELIEN ET UN PREMIER MINISTRE ET DIVERS DEPUTES JUIFS EN PRISON EST ISRAELIENNE MUSULMANE? LE JOUR OU CELA ARRIVERA AU LIBAN , ON POURRA SE PERMETTRE DE DIRE QUE NOUS SOMMES DEVENU DEMOCRATIQUE ET CRITIQUER ISRAEL , AVANT CELA ESSAYONS PLUTOT DE L'IMITER
19 h 04, le 09 mars 2020