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Politique - Justice

On attend toujours le train des nominations judiciaires

Les critères de compétence et de transparence primeront-ils cette fois-ci sur les considérations politiques ?

Souheil Abboud. Photo d’archives

Dans les milieux de la justice, on affirmait mardi que tout portait à croire que les nominations judiciaires attendues depuis longtemps étaient imminentes, sur base du fait que le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a établi la liste des juges et leurs postes de désignation et était sur le point de la soumettre à la ministre de la Justice, Marie-Claude Najm. Cependant, hier soir, cette liste ne semblait pas être parvenue aux mains de cette dernière pour être signée, confirmant les informations selon lesquelles les responsables politiques continuent de vouloir s’ingérer dans ce processus, comme si le 17 octobre n’était pas advenu. Par cette insistance, ils seraient en train de se heurter aux volontés de Mme Najm et du président du CSM, Souheil Abboud, tous deux désireux d’assurer des nominations favorisant une justice indépendante et transparente.

« Mon rôle et mon devoir de ministre de la Justice est de veiller à ce que soient respectés les critères objectifs qui garantissent la désignation à chaque poste du juge le plus compétent, ainsi que d’empêcher le monopole du pouvoir judiciaire en faveur de telle ou telle partie », avait écrit lundi la ministre de la Justice sur son compte Twitter, avant d’ajouter : « J’espère que le Conseil supérieur de la magistrature répondra aux aspirations des citoyens, en se libérant non seulement des ingérences politiques, mais aussi de toutes les contraintes traditionnelles. » Des observateurs affirment qu’il s’agissait là d’un appel clair aux membres du CSM pour les inciter à ne pas plier devant les interférences de la classe dirigeante. Selon eux, si Mme Najm lance une telle invitation, c’est qu’elle semble affronter des forces politiques qui ont tendance à imposer leurs desiderata fondés sur des motifs politiques et confessionnels, sans se conformer aux conditions de compétence, d’ancienneté et de transparence. Le problème est que huit des dix membres du CSM qui mettent sur pied les listes des fonctions judiciaires et leurs nouveaux titulaires ont été eux-mêmes nommés par le pouvoir exécutif. Si, parmi eux, le président du CSM Souheil Abboud est à égale distance de toutes les parties politiques, et si on ne compte pas les deux membres élus, il reste que les sept membres restants sont affiliés aux camps qui les ont désignés. La nouvelle équipe gouvernementale qui se targue d’être technocrate continuera-t-elle dans le sillage des gouvernements précédents qui ont toujours eu une totale mainmise sur les permutations, ou va-t-elle se détacher de ses parrains pour satisfaire les exigences du président du CSM et de la ministre de la Justice, qui sont aussi celles du mouvement de contestation ?

Selon des informations qui circulaient hier, les magistrats seront désignés pour leurs compétences, leur productivité et leur bonne réputation, et il s’agira d’un précédent dans l’histoire libanaise. Pour citer quelques noms évoqués, Samer Lichaa, avocat général près la Cour d’appel du Mont-Liban, obtiendrait le poste de procureur général auprès de cette même cour en remplacement de Ghada Aoun, laquelle deviendrait conseillère à la Cour de cassation en attendant sa nomination à la présidence de la Cour de cassation militaire, succédant à Tani Lattouf qui devra partir à la retraite dans un an. Raja Hamouche prendrait la tête du parquet d’appel de Beyrouth en remplacement de Ziad Abi Haïdar qui deviendrait premier juge d’instruction au Mont-Liban ; Fadi Sawan prendrait le poste de premier président de la Cour d’appel de Beyrouth, resté vide après la nomination de Souheil Abboud à la tête du CSM ; le commissaire-adjoint du gouvernement auprès du tribunal militaire, Claude Ghanem, serait hissé au poste de commissaire du gouvernement auprès du même tribunal en remplacement de Peter Germanos ; et Naji Dahdah, juge d’instruction au Liban-Nord, accéderait au poste d’avocat général du Mont-Liban.


(Lire aussi : Entre Berry et Aoun, la guéguerre reprend de plus belle)



Intérêts des politiques

Interrogé par L’Orient-Le jour, le directeur exécutif de l’Agenda légal, Nizar Saghieh, actif dans le soulèvement populaire, se montre sceptique quant à des permutations qui seraient dépourvues de caractère politique. « Le CSM à qui revient la charge de procéder aux permutations n’a pas un caractère sacro-saint et ne représente pas les standards de l’indépendance de la justice, puisque la majorité de ses membres représentent les intérêts des chefs politiques », affirme-t-il, estimant que « la seule garantie est son président, encore qu’il a surtout une autorité morale ». On sait que toutes les voix au sein du CSM, y compris celle de son président, ont une valeur égale.

Une haute source judiciaire ayant requis l’anonymat affirme dans cet esprit que pour parvenir à des permutations fondées sur des critères objectifs, il faudrait d’abord que les membres du CSM soient désignés selon une nouvelle loi consacrant l’indépendance de la justice à travers des élections au sein même de l’organisme. Parce que, explique-t-elle, ces membres occupent des postes-clés qui ont un impact sur la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite. Or comment peuvent-ils combattre ces fléaux lorsqu’ils sont nommés sur des bases clientélistes et sectaires ?

« Tant que les magistrats sont politisés, la corruption sévira toujours dans le pays », souligne M. Saghieh. Il critique en outre le processus « non innovateur » et la manière « clandestine » à travers lesquels les nominations ont cours actuellement. « Or l’indépendance de la justice concerne tous les citoyens », affirme-t-il, réclamant « un processus transparent à travers une présentation de candidatures assorties de curriculum vitae et de motivations ». « De la sorte, l’opinion publique pourrait avoir connaissance de l’identité des postulants et donner son avis sur chacun d’eux sur base de leur parcours et leur réputation », ajoute-t-il.

Sur un autre plan, M. Saghieh déplore que 32 jeunes juges promus en octobre par l’Institut d’études judiciaires n’ont pas encore été désignés à des postes. « La nomination des nouveaux juges devrait être séparée des autres nominations, d’autant qu’il ne s’agit pas pour ceux-ci de postes sensibles sur lesquels se querellent les parties politiques », martèle-t-il, notant que ces nouveaux magistrats « encaissent des salaires depuis plus de 5 mois sans travailler ». « Les justiciables perdent ainsi un travail judiciaire, alors qu’ils attendent de longues années pour que les jugements soient émis », déplore-t-il.

Un magistrat, ayant requis l’anonymat, fait observer à ce propos que 40 autres nouveaux juges seront bientôt diplômés et le problème sera accru. Il note par ailleurs que la loi sur l’organisation de la justice judiciaire fixe le début de l’année judiciaire au 15 septembre, soulignant que l’année est entamée de moitié en l’absence de nominations. Selon lui, face à ce retard, la lenteur judiciaire sévit encore plus, des juges ont tendance à ralentir l’examen de leurs dossiers et reporter leurs jugements, par peur de permutations qui ne seraient pas en leur faveur.


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LES MARCHANDAGES SONT EN COURS...

LA LIBRE EXPRESSION

14 h 07, le 05 mars 2020

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Commentaires (2)

  • LES MARCHANDAGES SONT EN COURS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 07, le 05 mars 2020

  • CA VA ! RIEN NE PRESSE ! QU'ILS PRENNENT LE TEMPS DE BIEN DIVISER LES PARTS DE CHAQUE PARTI ! WALAW ILS LE MERITENT BIEN LES PAUVRES QUI SE SONT ESCRIMES A DEFENDRE LA NATION DURANT 30 ANS, ET ILS Y ONT SI BRILLAMMENT REUSSI !

    Gaby SIOUFI

    10 h 35, le 05 mars 2020

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