Une information sur une décision quelque peu surprenante circule depuis deux jours sur les réseaux sociaux : il s’agit d’un mémorandum récemment publié dans le Journal officiel, dans lequel le Premier ministre Hassane Diab délègue une série de tâches relevant en principe de la présidence du Conseil, au directeur de la présidence de la République, Antoine Choucair. Cette décision a suscité plusieurs commentaires sur cette délégation de pouvoir « pour le moins intrigante », comme le souligne un ancien député. Cette mesure a même fait l’objet d’un article d’opinion dans le quotidien al-Chark dans lequel l’auteur s’étonne de la « renonciation » à certaines fonctions relevant de la présidence du Conseil par le chef du gouvernement, lequel s’en remet au directeur de la présidence de la République au lieu de les déléguer au directeur de la présidence du Conseil Mahmoud Makké. Un choix qui semblerait évident et plus logique, selon le journaliste.
Dans le mémorandum, le Premier ministre énumère les tâches dévolues à M. Choucair, dont des décisions administratives routinières que ce dernier peut désormais trancher, mais aussi des décisions plus importantes qui ont une incidence financière sur le Trésor public.On note à titre d’exemple le transfert de crédit au sein d’un même département, les primes en espèces consenties à certains fonctionnaires, mais surtout la prérogative de « négocier et signer des contrats de gré à gré », ainsi que celle relative au « fractionnement des dépenses publiques », deux tâches qui sont normalement soumises à un règlement strict et codifié.
Selon un ancien commis de l’État qui a requis l’anonymat, ces deux derniers points notamment posent problème dans la mesure où le principe de droit est qu’il « ne peut y avoir délégation de prérogatives sans texte de loi ». « Or, ce n’est pas le cas avec ce mémorandum dont certaines clauses ont une portée financière. C’est un texte illégal qui peut par conséquent faire l’objet d’un recours en invalidation », estime-t-il.
Il souligne néanmoins que ce mémorandum n’est pas le premier du genre, mais vient « perpétuer une pratique qui remonte au moins au gouvernement de l’ancien Premier ministre Nagib Mikati ». « Des responsables administratifs avaient déjà signalé aux gouvernements précédents cette dérogation aux règles que constitue ce type de mesures, mais en vain », commente la source qui affirme regretter de voir que le nouveau gouvernement, qui a promis d’inaugurer une ère de réformes en mettant un terme aux anciennes pratiques, « n’a vraisemblablement pas tenu ses promesses ». L’ancien fonctionnaire rappelle à ce propos que la pratique des contrats de gré à gré par exemple est devenue la règle au Liban alors qu’elle devrait être l’exception.
Un avis qui rejoint celui du directeur général des adjudications auprès de l’Inspection centrale, Jean Ellieh, qui dénonçait, il y a quelque temps déjà dans nos colonnes, les diverses techniques qui ont permis à la classe politique, des années durant, de contourner ou de passer outre la loi pour mieux échapper aux instances de contrôle en matière de dépenses publiques.
Dans un article, M. Ellieh rappelait que la loi de la comptabilité publique n’autorise les contrats de gré à gré que dans des cas bien définis et exceptionnels. « Dans la réalité, on a pu observer une pratique excessive autorisée par le Conseil des ministres de ce type de contrats, et ce en dépit du désaccord de la Cour des comptes », écrivait M. Ellieh.
Le directeur de la direction des adjudications évoquait également une autre « technique de camouflage » concernant le fractionnement des dépenses, une pratique qui dans la loi n’est tolérée que « si la nature des équipements, travaux et services le commande ». « Autrement dit, dans des cas exceptionnels qui doivent également être justifiés. Or cette technique est quasiment devenue la règle pour échapper au contrôle de la Cour des comptes et de la direction des adjudications », ajoutait M. Ellieh.
Contacté par L’Orient-Le Jour, le conseiller de M. Diab était injoignable hier. Interrogé également, le conseiller du chef de l’État Salim Jreissati a motivé cette décision par la lourdeur des tâches administratives sous lesquelles ploie le directeur de la présidence du Conseil, « un homme extrêmement chargé », et par le souci de faciliter le flux du travail. « Il faut savoir que le directeur général de la présidence de la République dépend hiérarchiquement du Premier ministre qui est le chef de l’exécutif. Les deux directions, celles de la présidence de la République et du Conseil, ont fusionné dans une application mitigée de Taëf », commente M. Jreissati, qui tient à mentionner au passage que M. Diab n’a pas délégué dans ce cas précis « des pouvoirs constitutionnels mais uniquement administratifs ».
commentaires (11)
PEUT ON SAVOIR QUI GOUVERNE CE PAYS???? SERAIT CE LES BANQUIERS ???? LES MILITAIRES ???? LES CURES ???? LEURS BEATITUDES ??? LES IMAMS ???? LES DEPUTES??? OU LE HIRAK???? TOUT LE MONDE FAIT LA LOI TOUT LE MONDE A RAISON TOUT LE MONDE A TORT A TORT OU A RAISON LA CACOPHONIE EST GENERAL VOILA OU LE CHEHABISME NOUS A MENE DEPUIS 1958
michel raphael
19 h 31, le 26 février 2020