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Santé - Sécurité sanitaire des aliments

Le lait maternel, hautement plus sain que celui maternisé

Une équipe de chercheurs de l’Université libano-américaine s’est penchée sur la « salubrité » de cet aliment comparé au lait donné au biberon. Les résultats de l'étude menée au Liban sont concluants.

Des études menées par des chercheurs de l’Université libano-américaine sur la teneur des laits maternel et maternisé en mycotoxines et métaux lourds concluent que le lait maternel reste de loin plus salubre que celui donné au biberon. Photo Bigstock

Le lait maternel est sans aucun doute le meilleur aliment que l’on puisse donner à son enfant. La littérature scientifique abonde dans ce sens. Une étude publiée en 2011 dans le BMC Public Health a ainsi conclu que la mortalité infantile est cinq fois inférieure chez les bébés exclusivement nourris au sein que chez ceux qui ne reçoivent que le biberon. Une autre étude publiée en 2007 dans Pediatrics a montré que l’allaitement aide à prévenir les infections des voies respiratoires inférieures dans 53 % des cas si la maman allaite son enfant. D’un point de vue nutritionnel, le lait maternel est un aliment complet riche en acides gras essentiels, protéines et minéraux bénéfiques pour le développement du cerveau.

Ce lait peut toutefois représenter certains risques qui sont essentiellement liés à la pollution et aux habitudes alimentaires de la maman, comme l’a montré une équipe de chercheurs de l’Université libano-américaine (LAU) formée de Joumana Aridi, professeure associée en chimie, Maya Bassil, professeure associée en nutrition, et Hussein Hassan, professeur associé en sciences agroalimentaires et chef du département des sciences naturelles à la faculté d’art et des sciences. Les experts, dont les travaux ont été financés par le Centre national de la recherche scientifique, se sont penchés sur la « salubrité » de cet aliment comparé au lait maternisé. Là aussi, les conclusions sont claires : malgré sa teneur en certains mycotoxines et métaux lourds, le lait maternel reste de loin plus sain que celui maternisé.

Guidés par Hussein Hassan, les chercheurs ont étudié les métaux toxiques dans le lait maternel ainsi que deux genres de mycotoxines (toxines élaborées par des champignons microscopiques comme les moisissures) : l’alfatoxine M1, produite par des champignons proliférant notamment sur des graines conservées dans des milieux chauds et humides, et l’ochratoxine A, naturellement présente dans des produits végétaux comme les céréales, les fruits séchés, les pistaches… « Le foie élimine naturellement ces toxines, explique M. Hassan. Une partie minime, environ 3 %, se transforme en aflatoxine M1 et contamine le lait maternel. »

Méthodologie

L’équipe de chercheurs a collecté 111 échantillons de lait maternel dans des dispensaires et des hôpitaux sur l’ensemble du territoire. Les critères de sélection s’alignaient sur ceux de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), à savoir la maman avait moins de 30 ans, avait eu une grossesse normale et donnait naissance à son premier enfant. Elle devait aussi habiter dans une même région depuis au moins dix ans. Le lait était prélevé dans les trois à six semaines suivant l’accouchement en deux phases : automne/hiver et printemps/été, puisque les températures et le taux d’humidité changent d’une saison à une autre.

Les femmes sélectionnées avaient également un index de masse corporelle (IMC ou BMI) différent. L’IMC permet de reconnaître une dénutrition, une maigreur ou une surcharge pondérale. Elles étaient aussi issues de milieux socioéconomiques différents.

Les mamans ont en plus rempli un questionnaire sur leurs habitudes alimentaires durant leur grossesse et durant la période de lactation. Elles devaient dans ce cadre préciser la quantité consommée par semaine de chaque groupe d’aliments : céréales, produits laitiers, œufs, viandes, pistaches, fruits secs.


Traces d’aflatoxine et de métaux lourds

Les résultats sont concluants. Les chercheurs ont trouvé des traces d’aflatoxine M1 dans 94 % des échantillons prélevés. Les taux affichés restent toutefois dans les limites acceptables telles que fixées par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA ou EFSA), à savoir 25 nanogrammes par litre. Selon l’étude donc, publiée dans Food Protection, le lait maternel contenait en moyenne 4,31 ng/l (entre 0,2 et 7,9 ng/l) d’aflatoxine M1, sachant que ce taux était plus élevé dans les échantillons prélevés au printemps/été en raison de la température et l’humidité : 5 ng/l contre 4 ng/l dans l’échantillon collecté à l’automne/hiver. Les taux d’aflatoxine M1 dans le lait maternel au Liban restent inférieurs à ceux affichés aux Émirats arabes unis (2 à 3 400 ng/l), en Iran (0,3 à 26,7 ng/l) et en Turquie (0,9 à 300 ng/l).

Aucune trace d’ochratoxine A n’a été trouvée dans l’échantillon prélevé, sachant que selon la FAO et l’OMS, le nourrisson doit être exposé à moins d’un nanogramme par litre d’ochratoxine A par jour et par kilo de poids.

En ce qui concerne les métaux lourds, l’équipe de la LAU a recherché dans le lait maternel des traces de plomb, de cadmium et d’arsenic contenus dans certains aliments et retrouvés dans la fumée et l’air. Résultats : 64 % de l’échantillon contenait de l’arsenic, 41 % du cadmium et 68 % du plomb. « Ce dernier métal lourd a surtout été retrouvé dans le lait des femmes qui fument, celles qui consomment de grandes quantités de poisson local et de pommes de terre, puisque le plomb s’accumule dans la terre, ainsi que chez celles qui vivent à proximité des zones industrielles », constate M. Hassan.

D’après l’étude, publiée dans la revue Chemosphere aux États-Unis, le lait maternel contenait en moyenne 2,36 microgrammes par litre d’arsenic, 18 μg/l de plomb et 0,9 μg/l de cadmium. Selon ce travail également, l’enfant était exposé à 2,6 μg/l par kilo et par semaine d’arsenic. « Ces taux sont également inférieurs à ceux fixés par l’OMS et l’AESA », affirme M. Hassan. Et d’insister : « Pour avoir une meilleure qualité de lait, la femme doit avoir une activité physique qui améliore les fonctions immunitaires et, par conséquent, le processus naturel de détoxification hépatique. Elle doit aussi s’assurer de la salubrité et des modes de conservation des aliments consommés, comme elle doit limiter la consommation d’alcool durant la grossesse et la période de lactation. Par ailleurs, l’État a un rôle à jouer pour mettre en œuvre de bonnes pratiques agricoles pour un meilleur stockage des céréales dans les silos, comme pour limiter l’utilisation des pesticides et mieux contrôler les produits qui entrent au Liban. Il doit également mener une campagne de sensibilisation sur les bénéfices de l’allaitement et sur les moyens d’améliorer la nutrition durant la grossesse et la période d’allaitement. »

Résultats inquiétants

Les études menées sur le lait maternisé ont été publiées dans les revues Food Control et Food Protection. Elles ont porté sur les 42 marques qui existent au Liban. Deux boîtes de chaque marque ont été examinées avec différentes dates de production. Les conclusions sont alarmantes. Toutes les boîtes achetées contenaient en moyenne 20 ng/l d’aflatoxine M1, sachant que pour treize marques, soit 31 % de l’échantillon, ces taux étaient supérieurs à ceux autorisés par l’Union européenne et fixés à 25 ng/l.

Pour ce qui est de l’ochratoxine A, le lait maternisé contient en moyenne 0,4 à 0,5 ng/l, mais ces taux étaient supérieurs à la limite pour 14 marques. Pour cinq autres marques, les limites de l’aflatoxine M1 et de l’ochratoxine A étaient supérieures à celles autorisées par les instances internationales. « Les taux des mycotoxines variaient de manière significative selon les lots », observe M. Hussein.

En ce qui concerne les métaux lourds, les chercheurs se sont penchés sur les taux d’aluminium trouvé dans l’emballage, de chromium contenu dans les ingrédients et de barium dont le taux augmente à l’ajout de l’eau. Les résultats sont également inquiétants. Le chromium a ainsi été trouvé dans 86 % de l’échantillon, l’aluminium dans 81 % des marques et le barium dans toutes les marques.

Mis à part l’aluminium dont la concentration était inférieure (0,3 mg/kilo de poids) aux limites fixées par la FAO et l’OMS (1 mg/kilo de poids), celles du barium et du chromium étaient nettement supérieures. Ainsi, les chercheurs ont trouvé que l’enfant nourri au biberon était exposé à 45 μg/jour/kilo de poids de barium, alors que la limite fixée par l’OMS est de 20 μg/jour/kilo de poids, et à 4 μg/jour/kilo de poids de chromium, sachant que selon le Conseil d’alimentation et de nutrition, une instance sanitaire internationale, l’enfant ne doit pas être exposé à plus de 0,5 μg/jour/kilo de poids.

Les résultats de l’étude portant sur les taux de plomb, de cadmium et d’arsenic dans le lait maternisé seront rendus publics prochainement.

Les chercheurs concluent en affirmant que « bien que le lait maternel soit contaminé, il reste plus salubre que celui maternisé, d’autant que les taux trouvés sont inférieurs aux limites autorisées ». « De plus, ajoute M. Hassan, l’allaitement est bénéfique pour la santé de la femme aussi, il est moins cher que le lait maternisé, permet de transmettre à l’enfant des anticorps qu’on ne retrouve pas dans le lait maternisé, sans oublier les liens émotionnels qu’il permet de créer entre la maman et son bébé. »

Selon l’OMS, il est recommandé d’allaiter son enfant exclusivement au sein pendant six mois.


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