À l’heure où la guerre des axes se durcit, l’ancien Premier ministre Saad Hariri décrochera-t-il l’appui des pays du Golfe, en particulier celui, capital, de l’Arabie saoudite ? Accompagné de l’ancien ministre Ghattas Khoury, M. Hariri est arrivé hier à Abou Dhabi (Émirats arabes unis), dans le cadre d’une tournée dont il avait laissé entendre qu’elle comprendrait aussi l’Arabie saoudite. Il a été reçu à l’aéroport par le ministre émirati Mohammad Khalifa al-Moubarak et l’ambassadeur du Liban aux EAU, Fouad Dandan. La visite sera de deux jours au cours desquels M. Hariri rencontrera, selon l’Agence nationale d’information, « des responsables des Émirats arabes unis », sans plus de précisions ; ce qui peut laisser supposer que les entretiens resteront à un niveau ministériel, et que l’ancien Premier ministre ne sera pas reçu par le prince héritier, Mohammad ben Zayed, homme fort des Émirats.
En tout état de cause, cette minitournée arabe annoncée il y a quelques jours appelle commentaire. Selon des sources concordantes, à la recherche d’un repositionnement stratégique, l’ancien Premier ministre, passé à l’opposition après la rupture de son contrat politique avec le chef de l’État, chercherait désormais l’appui des Émirats et de l’Arabie saoudite pour renforcer une image ternie par ce que ses adversaires politiques tenaient pour des compromissions. Cela dit, selon un membre du bureau politique du courant du Futur, « M. Hariri n’a pas à chercher un appui arabe, il en bénéficie déjà, comme le prouve la présence de plusieurs ambassadeurs arabes, dont l’ambassadeur saoudien Walid al-Boukhari, au rallye politique du 14 février ». « Il est libre d’aller où bon lui semble », ajoute cette source, sans pouvoir garantir que sa tournée le mènera en Arabie saoudite.
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Toujours pas de signe positif
Pourtant, objecte une source proche du gouvernement, après avoir fait un geste en sa direction, l’Arabie saoudite n’a plus donné de signe positif sur son intention de l’accueillir. Certes, ajoute la source citée, M. Hariri détient la nationalité saoudienne et sa famille vit à Riyad. Une visite n’est donc pas à exclure et ce qui compte, ce sera sa nature. Sera-t-elle privée ou politique?
Le membre du bureau politique du Futur cité plus haut n’a pas de réponse à cette question. Toutefois, il dément énergiquement en la qualifiant de « fausse », et la considère même comme « insultante », l’insinuation venue de certains cercles proches du pouvoir selon laquelle les Émirats arabes unis sont « l’antichambre » ou encore « la porte d’entrée » politique obligée de M. Hariri en Arabie saoudite.
« Si l’Arabie saoudite n’a pas adressé d’invitation au Premier ministre Hassane Diab, cela ne veut pas dire qu’elle ne recevra pas Saad Hariri », a souligné le responsable du courant du Futur.
En tout état de cause, ce que reflète à n’en pas douter la mini-tournée de M. Hariri, c’est le durcissement de la guerre des axes. Des sources diplomatiques confirment dans ce contexte que toute la région vit sous les effets du bras de fer irano-américain qui s’est accentué après l’assassinat du général Kassem Soleimani. Et dans ce cas, le repositionnement de M. Hariri ne sera pas facile. Il a peut-être choisi son camp et fait amende honorable. Reste à voir si ce camp va lui pardonner et l’accepter à nouveau, au vu de son passif et d’une politique qui s’est voulue modérée, mais que ce camp a jugé comme étant trop molle à l’égard du Hezbollah.On sait du reste que lors de sa dernière visite de travail de deux jours à Abou Dhabi, début octobre 2019, où il avait pris part à un forum sur l’investissement émirati au Liban, Saad Hariri, qui était toujours Premier ministre, avait annoncé à son retour qu’il rapportait « un appui émirati au Liban tout entier » et non pas à sa personne, assurant en outre que les Émirats ont promis des investissements et une assistance financière au pays. Moins de dix jours plus tard, le 17 octobre, la rue explosait, tout l’ordre politique libanais était ébranlé, il démissionnait et les promesses d’investissement étaient emportées par le vent.Des mots prononcés à l’époque par M. Hariri, il ne reste aujourd’hui que sa prise de position au sujet du Hezbollah. Évoquant la question du parti chiite, M. Hariri avait affirmé que « le Hezbollah doit être mis en cause en tant que composante d’un système régional, mais pas en tant que parti libanais ». À travers ces propos, le Premier ministre renvoyait implicitement la balle dans le camp de l’Iran et du monde arabe, ce qui n’était pas de nature à satisfaire ses hôtes du Golfe. Réussira-t-il cette fois à les convaincre ?
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AVEC LA PRESENCE DES DEUX MILICES IRANIENNES SUR LE SOL LIBANAIS AUCUN HARIRI OU AUTRE NE POURRAIT REUSSIR.
LA LIBRE EXPRESSION
19 h 22, le 21 février 2020