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Politique - Les échos de l’Agora

Veillée d’armes

Tout le pays attend ce que la journée de ce mardi 11 février nous réserve. Le gouvernement de Hassane Diab aura-t-il la confiance du Parlement et pourra-t-il réaliser le programme d’une déclaration gouvernementale qui ne convainc personne ? Les députés pourront-ils assurer le quorum ? La foule en révolte parviendra-t-elle à leur barrer l’accès de la place de l’Étoile ? En cette veille de la confrontation, en cours depuis quatre mois, entre un peuple qui n’a plus peur et un pouvoir qui a perdu toute légitimité, chacun fourbit ses armes.

Le peuple est mobilisé sur l’ensemble du territoire. Chaque citoyen est appelé à sortir dans la rue et protester là où il se trouve, à défaut de pouvoir rejoindre le cœur de la capitale. Le pouvoir, désormais mis à nu, se barricade derrière de hauts murs de la honte, érigés au centre de Beyrouth. Voici un président qui considère que le pays se relève maintenant de la catastrophe du 17 octobre, refusant d’admettre que la vraie catastrophe n’est pas dans les protestations populaires, mais résulte de l’inacceptable compromis présidentiel de 2016 qui a livré le Liban à l’hégémonie de l’Iran des mollahs, par Hezbollah interposé. Conséquence de l’entente dite de Mar Mikhaël de 2006, le compromis de 2016 ne fait que perpétuer les effets désastreux de l’accord du Caire (1969) par lequel l’État libanais avait aliéné sa propre souveraineté en faveur des milices palestiniennes de l’OLP.

Le pouvoir, qui reçoit les coups de butoir du peuple depuis le 17 octobre, n’a plus d’autre choix que la répression violente. Afin de faire face au jour « J » de la confrontation avec le peuple, le président de la République a solennellement convoqué le Conseil national de défense, non pour planifier la lutte contre un ennemi extérieur, mais uniquement pour protéger une caste politique vomie par un peuple conscient que ses économies en banque ont été pillées par l’oligarchie politico-financière pour alimenter le gouffre sans fond des chefs confessionnels de guerre et d’une administration publique pourrie à leur service.

Nul n’est dupe quant à la nature du gouvernement de Hassane Diab. Quelques figures féminines sont là pour séduire par leur charme et leurs compétences. Deux ou trois figures d’hommes sages émergent du lot ; elles rassurent par leur réputation professionnelle et leur probité. Mais c’est l’arbre qui cache mal la forêt, à la mode de Damas, d’un appareil sécuritaire décidé à mater la protestation populaire par tous les moyens que permet la répression la plus violente. On voit mal comment la volonté sincère de la ministre de la Justice de protéger les libertés publiques et d’assurer l’indépendance de la magistrature pourrait venir à bout de telles officines. Il en est de même du secteur de l’EDL responsable de 40 milliards de dollars du déficit public. La terre entière exige du Liban des réformes prioritaires dans ce domaine. La déclaration gouvernementale se contente d’avaliser le plan condamnable de l’ancienne ministre CPL, Nada Boustani. Est-ce pour protéger cette chasse gardée du CPL depuis onze ans ?

Quelle serait l’attitude juste à adopter par la foule ? Faire la révolution totale ? Alors, il faut monter à l’assaut du palais de Baabda et déloger Michel Aoun. De même, il faut prendre d’assaut le Parlement et le Sérail afin de démettre l’inamovible Nabih Berry et renvoyer dans sa bibliothèque l’inconsistant Hassane Diab. Et surtout, il faut pénétrer dans la banlieue sud pour faire vaciller Hassan Nasrallah. Où sont les Danton, Mirabeau, Marat, Saint-Just ou Robespierre qui pourraient mener une telle entreprise ? Ou bien faut-il poursuivre un mouvement de protestation pacifique ? Il lui manque à l’heure actuelle un Gandhi qui, par son seul charisme, pourrait faire plier la mafia en place, prendre le pouvoir et remettre le pays sur la bonne voie.Une troisième voie consiste à maintenir la pression populaire de plus en plus forte, à harceler sans pitié l’oligarchie politico-financière, à obliger le gouvernement d’exécuter la volonté du peuple : élections législatives et présidentielle anticipées ; réforme d’EDL ; réformes des finances publiques, du secteur bancaire et de l’administration, etc. Cette troisième issue a bénéficié hier, lors de l’homélie du nouvel archevêque maronite de Beyrouth pour la Saint-Maron, de la bénédiction du ciel pourrait-on dire. Le prélat a mis en demeure la caste politique, présente dans l’église, d’écouter le peuple en révolte ou de démissionner.

Mais… car il y a un « mais » de taille. Tout ceci demeure vœux pieux tant qu’on ne s’est pas attaqué de front au noyau de la crise qui détruit le Liban, à savoir l’aliénation de souveraineté en faveur de la milice du Hezbollah, parti théocratique et non seulement confessionnel, qui paralyse le jeu institutionnel normal et rend le pays propice aux manœuvres mafieuses des corrupteurs et des corrompus.

Qui osera le faire ?


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Tout le pays attend ce que la journée de ce mardi 11 février nous réserve. Le gouvernement de Hassane Diab aura-t-il la confiance du Parlement et pourra-t-il réaliser le programme d’une déclaration gouvernementale qui ne convainc personne ? Les députés pourront-ils assurer le quorum ? La foule en révolte parviendra-t-elle à leur barrer l’accès de la place de l’Étoile ? En cette...

commentaires (2)

Je suis assez d'accord avec la premiere partie de l'analyse: certaines figures competentes, les officines, l'EDL chasse gardée du CPL, etc.. La deuxieme partie me glace: nous ne sommes pas un pays de Robespierre. une revolution ultra-violente dans ce petit pays casserait tout et tout le monde. mieux vaut continuer comme ca, du pacifisme aggressif.

Lebinlon

11 h 39, le 11 février 2020

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Commentaires (2)

  • Je suis assez d'accord avec la premiere partie de l'analyse: certaines figures competentes, les officines, l'EDL chasse gardée du CPL, etc.. La deuxieme partie me glace: nous ne sommes pas un pays de Robespierre. une revolution ultra-violente dans ce petit pays casserait tout et tout le monde. mieux vaut continuer comme ca, du pacifisme aggressif.

    Lebinlon

    11 h 39, le 11 février 2020

  • Monsieur Courban appelle au vide total des pouvoirs ! Il n'a pas l'air de se rendre compte que ceci mènerait au désagrègement total du pays , à la guerre civile, à l'implantation armée des palestiniens , à la mainmise israelienne sur nos gisements maritime et à l'effondrement total de notre monnaie nationale ...à la plus profonde misère donc ! Il serait raisonnable plutôt d'opter pour la politique sage et saine du moindre mal . Ne soyons pas suicidaires et aveuglés comme Monsieur Corban de grâce . Nous avons encore des meubles qui peuvent être sauvés ...et des vies . Patience et longueur de temps font plus que force nique rage. Un peu de calme chers amis .

    Chucri Abboud

    02 h 54, le 11 février 2020

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