Le député Ziad Assouad est depuis mercredi soir au cœur d’un nouvel esclandre qui a rapidement pris une tournure confessionnelle. Alors qu’il dînait dans le restaurant al-Jazira, à Maameltein, des manifestants hostiles à la classe politique au pouvoir se sont rassemblés dans le parking de l’établissement pour le conspuer. Sauf qu’un des protestataires originaire de Tripoli a été pris à partie par un groupe d’individus, vraisemblablement des partisans de M. Assouad, qui l’ont humilié tout en filmant la scène. La vidéo a fait le tour des réseaux sociaux et suscité une vague d’indignation, en raison d’insultes qui touchent à l’appartenance communautaire de la victime.
Sur la vidéo en question, on voit Walid Raad, un jeune manifestant tripolitain, pris à partie par plusieurs hommes dans un parking, probablement à l’entrée du restaurant. « Qui t’a envoyé ici ? » lui demande l’un des hommes qui déverse ensuite un flot d’insultes. « Tu viens de Tripoli ? » lui demande son interlocuteur. Le manifestant reçoit ensuite un coup de pied, et répond « oui », avant de recevoir un coup de poing dans la mâchoire. « Que viens-tu faire ici ? Tu es originaire de Tripoli, non ? » lui lance l’individu. « C’est le Kesrouan ici, espèce d’animal », poursuit l’assaillant.
Si les agresseurs n’ont pas été officiellement identifiés, certains internautes ont publié les noms et photos des assaillants présumés et qui seraient, selon eux, proches du Courant patriotique libre auquel Ziad Assouad est affilié.
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L'incident de mercredi soir rappelle celui qui avait éclaté mardi, dans des circonstances similaires. Ce soir-là, des échauffourées avaient opposé une quinzaine de contestataires qui appelaient Ziad Assouad, installé dans un restaurant d'Antélias, à quitter les lieux. Les gardes du corps du parlementaire, ainsi que des partisans du CPL, avaient alors attaqué les manifestants à l'aide de bâtons, faisant plusieurs blessés. Certains militants aounistes étaient armés, selon plusieurs témoignages.
Réagissant à la polémique, un groupe d’avocats a déposé hier une note d’information auprès du procureur général près la Cour de cassation contre cinq personnes qui seraient impliquées dans l’incident de mercredi soir. La note d’information porte des accusations d’atteinte à la religion, de sédition et d’atteinte au sacré. Mohammad Jaafil, un des avocats à l’origine de la note d’information, a indiqué à L’Orient-Le Jour que les avocats se sont basés sur les noms qui circulent en ligne. « Nous n’avons pas pu vérifier si ce sont les mêmes personnes qui apparaissent dans la vidéo. Nous avons mentionné les noms rendus publics en ligne, mais la justice se chargera d’enquêter à ce sujet », a-t-il dit. « Notre but est de dénoncer la logique négative et le discours malsain véhiculés par l’incident, pour éviter que cela ne se reproduise », a ajouté Me Jaafil.
Sitôt la vidéo diffusée, de nombreux Tripolitains sont descendus dans les rues de la ville dans la nuit de mercredi à jeudi pour exprimer leur colère. Des routes ont été brièvement coupées dans la région et une permanence du CPL a également été saccagée et brûlée à Halba, dans le Akkar. Dans des vidéos tournées à Tripoli le soir de l’incident, certains menacent les habitants du Kesrouan et insultent le patriarche maronite.
Une réaction qui fait le jeu des personnes qui ont filmé l’agression du jeune homme, selon un journaliste qui a requis l’anonymat interrogé par L’Orient-Le Jour. « Le but de ceux qui ont filmé et diffusé la vidéo de l’agression est clair. Il y a tentative de monter les habitants de Tripoli contre le Kesrouan et de briser l’élan national, transrégional et transcommunautaire né avec les manifestations, surtout que Tripoli apparaît aujourd’hui comme le foyer du mouvement de contestation. Malheureusement, certains sont tombés dans le panneau », estime le journaliste.
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« La violence est un crime contre la nation »
Le député Ziad Assouad a réagi hier après-midi sur son compte Twitter, face aux critiques et aux accusations de racisme qui fusent contre le CPL depuis l’incident. « La question n’est pas d’ordre confessionnel. Il s’agit plutôt d’une prise en chasse et d’une agression. Il s’agit de savoir qui a cherché l’autre et qui l’a agressé », a-t-il déclaré. « Trois voitures sont venues là où je me trouvais. L’un de mes gardes du corps a été renversé et blessé, et les agresseurs ont pris la fuite. On a ensuite tenté d’entrer par la force dans les lieux (le restaurant, NDLR) en étant armé d’un pistolet, qui a été confisqué et remis au commissariat de Ghazir. Il s’est avéré que l’arme était semi-factice », a ajouté le député.
Le chef du CPL Gebran Bassil a également réagi à l’épisode. « Les discours de haine sont enflammés et les agressions contre le CPL sont récurrentes et systématiques. Nous affrontons toujours les campagnes contre nous avec conscience et responsabilité. Nous n’avons pas résisté pendant des années pour que nous changions nos convictions et notre approche aujourd’hui », a écrit M. Bassil sur son compte Twitter. « La violence sous toutes ses formes est un crime contre la nation, et personne ne doit en faire usage », a-t-il ajouté.
Quelques heures auparavant, le comité central des médias au sein du CPL avait également apporté son soutien à Ziad Assouad. Il a condamné « les atteintes aux libertés individuelles dans les espaces publics et privés ». Il a toutefois indiqué qu’il « s’oppose à toute atteinte contre quiconque, en guise de réaction à des actions condamnables ». Le parti aouniste condamne ensuite clairement « l’atteinte à des jeunes Tripolitains à Jounieh et tout tort causé à un groupe sur fond de divergences politiques et régionales (...) ».
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Maalouf répond à Joumblatt
Du côté des personnalités politiques, nombreux sont ceux qui ont exprimé leur indignation. « Même si je condamne les agressions contre des activistes de la part d’obligés de députés menaçant et cultivant la sédition (...), c’est la justice qui reste le meilleur moyen pour mettre fin à ces comportements (...) Pas d’immunité (parlementaire) pour ceux qui incitent à la sédition, quels qu’ils soient », a écrit le leader druze Walid Joumblatt sur son compte Twitter, s’attirant par là une réponse d’Edy Maalouf, député CPL du Metn. « Les insinuations et les provocations visant le CPL (...) sont inacceptables et s’inscrivent dans la perspective de la surenchère à peu de frais et d’une campagne soutenue contre le parti », a écrit ce dernier sur Twitter, rappelant notamment les affrontements de Qabr Chmoun, dans la Montagne en juin dernier, qui avaient coûté la vie à deux partisans du Parti démocratique libanais de Talal Arslane, rival de M. Joumblatt sur la scène druze.
« Toutes les tentatives de déclencher une discorde communautaire ou entre les régions afin de nous ramener à la période d’avant le 17 octobre ne passeront pas », a prévenu pour sa part le chef des Kataëb, le député Samy Gemayel.
Les députés du Kesrouan ont également réagi. Farid Haykal el-Khazen a appelé à « éviter de se laisser aller vers des différends sectaires ». « Le Kesrouan est le cœur du Liban, et pour tout le Liban. Le Liban est au-dessus de tout », a écrit sur Twitter le député Chamel Roukoz. Le patriarche maronite Béchara Raï a appelé de son côté à « préserver l’union interne et nationale ».
Plusieurs responsables de Tripoli ont pour leur part exhorté à la vigilance. Le député et ancien Premier ministre Nagib Mikati a condamné un « incident dangereux » et une « incitation à la sédition ». Le mufti de Tripoli, le cheikh Malek Chaar, a, lui, dénoncé « les comportements miliciens qui menacent la paix civile ». « Vous êtes arrivés par les armes illégales, et vous serez chassés par les mains du peuple », a pour sa part indiqué dans un communiqué l’ancien ministre de la Justice, Achraf Rifi.
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pour cesser ces troubles devant les restaurants les propriaitaires des restaurant devraient très respectueusement demander aux politiciens qui veulent réserver chez eux des places de ne pas le faire car cela entraîne des problèmes pour le restaurant et met en danger la survie du restaurant Ce n’est pas en demandant à cent ou 200 personnes de ne pas venir que l’ont met en danger le restaurant c’est en laissant ces corrompus continuer à vivre comme si rien ne se passe dans le pays que l’ont met en danger TOUT LE PAYS PAS LES RESTAURANTS seulement
16 h 38, le 08 février 2020