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Culture - Édition

L’album-souvenir du premier mois de la thaoura, de fureur et de couleur

Dans « The Silent Leaders », Marie Joe Raidy a moissonné un best-of d’images, de photographies, textes et slogans emblématiques de la période allant du 18 octobre au 22 novembre 2019.

Marie Joe Raidy signe aujourd’hui à Beit Beirut, entre 18h et 22h, son ouvrage The silent leaders (Les dirigeants silencieux), un album de 232 pages où elle a reproduit des textes, des photos, des articles (dont ceux de Fifi Abou Dib et Médéa Azouri publiés dans L’Orient-Le Jour) du street art, des dessins, des poèmes, des opinions d’experts et des analyses, nés durant le premier mois de la thaoura (révolte), entre le 18 octobre et le 22 novembre 2019. Un album-souvenir qu’elle adresse à ceux qui ont été témoins et/ou acteurs directs des riches heures de cette période ainsi qu’aux expatriés qui auraient voulu y participer activement. Un bel opus regorgeant d’illustrations, d’œuvres d’artistes dont quelques-unes sont exposées ce soir à Beit Beirut, comme par exemple celles de Tom Young, Negib Kesrouani, Dear Nostalgia, Jad Ghorayeb, Hayat Nazer, Rami Rizk, Selim Moawad, Doumit Raidy, Ivan Debs, Ammar Abd Rabbo ou Leila Jureidini.

À la question : Que faites-vous dans la vie ?, la dynamique Marie Joe Raidy hésite. « Je ne sais pas répondre à cette question, dit la jeune femme qui ne voudrait pas être confinée dans une case en particulier. Je suis en constante évolution, adaptation, création, développement, mûrissement... Les uns me connaissent comme étant une experte en “branding”, d’autres comme une entrepreneuse sociale, certains me définissent comme une “business angel”, certains me connaissent comme une coureuse de marathon ou d’autres encore comme photographe. Deux petits enfants (mes neveux adorés) me voient comme leur tante loufoque. Bientôt, pour une personne, je serais “l’amour de sa vie”. J’accepte toutes ces étiquettes, elles me collent parfaitement à la peau. La vie est une évolution perpétuelle, et les individus aussi. »

Jusqu’à l’âge de 18 ans (aujourd’hui elle en a 38), elle était « une artiste par expression et une programmatrice par curiosité ». En suivant un cursus de Graphic Design à l’Université américaine de Beyrouth (AUB) et un autre en Business Administration, elle a fait du volontariat pour des ONG et s’est retrouvée dans ce genre d’activités altruistes. « Mais je savais bien que pour pouvoir prendre cette voie, il fallait que je sois indépendante financièrement. Et me battre pour mes droits. »

Aujourd’hui, Raidy est complètement engagée dans le travail créatif et milite pour des causes auxquelles elle croit passionnément. « Mon dada, c’est la communication créative, ou creative communication. Le langage visuel ajoute de la poésie et de la douceur à tout ce que nous faisons ou disons. Cela inclut ma passion pour l’art, de même que mon engagement dans la création de l’image de marque (branding) de compagnies à impact social. Bref, pour tout ce qui contribue à rendre meilleur le monde autour de nous. »

Un « Lexit » raté

En septembre 2019, la jeune femme était sur le pont de faire son Lexit (Lebanon Exit). « Avec les dissensions politiques et les inégalités économiques, la crise écologique, la corruption grandissante, un gouvernement qui profitait du peuple sans donner en retour... Cela devenait insoutenable. » Mais voilà qu’un certain 17 octobre 2019, une révolution germe dans les rues du Liban. Marie Joe Raidy n’hésite pas une seconde et met tous ses projets en suspens. « J’avais besoin d’être sur le terrain, avec mes compatriotes, tous unis pour un seul objectif : le changement. J’étais fière de ce dont j’étais témoin. J’ai commencé par prendre des photos et de les poster sur les réseaux sociaux. Les Libanais de la diaspora me contactaient pour me demander de continuer à publier des nouvelles quotidiennes. Un jour, on m’a demandé de réunir mes photos dans un ouvrage. J’ai refusé. La révolution n’est pas uniquement mienne, elle appartient à tous ceux qui se trouvent dans la rue, transformant les murs silencieux en un gigantesque musée, criant les voix de si nombreux créatifs. » Sur son compte Instagram, elle lance alors un appel à participation adressé aux artistes. Et reçoit plus de 800 propositions. « Au début, j’étais subjuguée et me suis demandé comment j’allais traiter tout cet amour et ce contenu. Puis je me suis dit : fais le meilleur que tu peux et prends tout le temps qu’il te faut, le résultat sera historique et grand, laisse-le grandir et accueille son évolution. Et puis chaque œuvre d’art est belle en soi, donc le choix s’est fixé sur le contenu unique et éloquent. »

Quand elle s’est mise à écrire le texte d’introduction, elle a d’abord senti « qu’il est un peu prétentieux de parler de ces choses, mais n’est-ce pas l’aspect fondamental de la révolution d’exprimer nos idées et nos messages, et de scruter nos racines, nos peurs ? Et dans ce cas précis, d’explorer la révolution qui est en nous pour ajuster notre histoire, la corriger, la changer et l’écrire à notre manière, et non comme les autres veulent l’imposer? »

Forte de cette conviction, Marie Joe Raidy poursuit son travail et produit ces 232 pages en un temps presque record. Pourquoi l’avoir intitulé The Silent Leaders, alors que les manifestations étaient plutôt pleines de bruits et de fureur ?

« Les Silent Leaders, ce sont les citoyens qui ont pris d’assaut les rues, réclamant leurs droits les plus élémentaires, indique Raidy. Ce sont ceux qui ont encore de l’espoir pour un changement, sinon ils auraient déjà quitté le pays ou ne se seraient pas révoltés. Durant le premier mois de la thaoura, on a vu combien les gens étaient exemplaires : en recyclant, en s’entraidant, en s’offrant à manger, en faisant du yoga sur les autoroutes. Et le rôle de la femme dans tout cela, surtout lorsqu’elle a offert des fleurs aux militaires, un geste qui a contribué à apaiser les tensions entre les manifestants et les soldats. Si le pays ne peut être gouverné adéquatement par le haut, alors qu’il le soit par le bas ! »

Entre analyses, chroniques et billets d’humeur, la photo se taille la part du lion dans The Silent Leaders. « La photographie a une si belle façon d’immortaliser un moment », explique Marie Joe Raidy. Alors une photo dans cet ouvrage qu’elle aurait aimé avoir prise elle-même ? « Toutes, sans exception. Chacune est unique, lance la jeune femme. Il y en a une où j’aurais aimé figurer, ajoute-t-elle, celle des Amants de Omar Sfeir. Mais comme les visages des deux personnages qui s’embrassent sont recouverts du drapeau libanais, ils pourraient être n’importe qui. Pourquoi pas moi? Qui peut prouver le contraire ? » s’amuse la jeune femme dans un rire coquin qui conclut la conversation. Parole, donc, aux images…

Marie Joe Raidy signe aujourd’hui à Beit Beirut, entre 18h et 22h, son ouvrage The silent leaders (Les dirigeants silencieux), un album de 232 pages où elle a reproduit des textes, des photos, des articles (dont ceux de Fifi Abou Dib et Médéa Azouri publiés dans L’Orient-Le Jour) du street art, des dessins, des poèmes, des opinions d’experts et des analyses, nés durant le premier...

commentaires (2)

Comme les pâtisseries qui mettent en vitrines des bûches de Noël en novembre, des galettes des Rois en décembre et des œufs de Pâques en période de carême, MJ Raidy nous propose l’histoire d’une révolution en cours. Le monde va-t-il si vite que les pendules devancent le temps ? Quel intérêt? Récupération mondaine de l’expression gratuite d’artistes en colère ou simple opportunisme mercantile?

Rana Raouda TORIEL

08 h 39, le 07 février 2020

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Commentaires (2)

  • Comme les pâtisseries qui mettent en vitrines des bûches de Noël en novembre, des galettes des Rois en décembre et des œufs de Pâques en période de carême, MJ Raidy nous propose l’histoire d’une révolution en cours. Le monde va-t-il si vite que les pendules devancent le temps ? Quel intérêt? Récupération mondaine de l’expression gratuite d’artistes en colère ou simple opportunisme mercantile?

    Rana Raouda TORIEL

    08 h 39, le 07 février 2020

  • On se croirait à Disneyland .

    FRIK-A-FRAK

    17 h 53, le 06 février 2020

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