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Lifestyle - Gastronomie

Derrière les deux meilleurs restaurants de Philadelphie... une Libanaise !

Ces dernières années, la popularité de « Café La Maude » et « Suraya » ne cesse de croître. Rencontre avec Nathalie Kassis Richan, la femme derrière cette success-story, et son époux Gabi qui l’a aidée dans ce parcours.

Nathalie Kassis et son mari Gabi Richan. Photos N.B.

À Philadelphie, le Café La Maude et le Suraya ne désemplissent pas. Derrière ces deux restaurants se trouve une Libanaise, Nathalie Kassis Richan. Mais derrière ces restaurants, il existe surtout un faisceau d’histoires. Une histoire de femmes, d’émigration, de nouveaux départs, une histoire dans laquelle la guerre s’invite aussi. Une histoire enfin de patrimoine, d’héritage et de racines. Une histoire profondément libanaise en somme.

Maude et Suraya sont respectivement la mère et la grand-mère de Nathalie Kassis Richan, une Libanaise de 42 ans qui a grandi entre le Liban et le Liberia avant d’émigrer aux États-Unis. « Je suis née à Gemmayzé. Mon père était coiffeur et ma mère travaillait pour une marque de chips à Beyrouth », raconte la jeune femme, confortablement installée dans son restaurant Café La Maude. À l’époque, le père de Nathalie Kassis avait un pied-à-terre à Monrovia, au Liberia. Il y ouvre un premier salon de coiffure, un second puis un restaurant. Quand un membre de la famille, en charge du restaurant, finit par faire défaut, la mère de Nathalie est contrainte de s’installer à Monrovia pour reprendre l’affaire familiale en main. « Elle était le genre de personne qui pouvait mettre le feu à la maison rien qu’en faisant cuire un œuf, raconte la jeune femme en riant. Mais elle est devenue passionnée, obsédée, c’était incroyable ! Deux à trois ans plus tard, son restaurant était le meilleur du pays. »

Quand la grand-mère de Nathalie décède, sa mère, Maude, doit rentrer à Beyrouth. Elle laisse sa fille seule derrière les fourneaux alors qu’elle n’a que 16 ans. « Je devais quotidiennement inventer un plat du jour. J’étais terrorisée ! se souvient-elle. Le premier plat que j’avais improvisé était une sorte de cheikh el-mehchi (un plat à base d’aubergines farcies à la viande hachée et aux oignons). J’avais remplacé les aubergines par des pommes de terre. »

En 2001, alors que Nathalie, 26 ans à l’époque, rend visite à son frère installé aux États-Unis, elle rencontre le meilleur ami de ce dernier, Gabi Richan. Il deviendra son époux, le père de son fils et le gérant du Café La Maude.

Si Gabi Richan est né au Liban en 1967, à Bourj Hammoud, il est d’origine syrienne, de Deraa. Sa première vie, la libanaise, est marquée par la guerre et un drame. « Mon père a été enlevé en 1976 pendant la guerre. Je n’ai plus jamais eu de nouvelles de lui. » Suite à ce drame, il part en Syrie avec sa mère et ses cinq frères et sœurs. « Puis nous avons rejoint, par vagues, les frères de ma mère installés aux États-Unis, en 1979 et 1980 », poursuit-il.

Sa mère ne sait ni lire ni écrire et ne travaille pas aux États-Unis. Pour faire vivre la famille, Gabi Richan doit, après l’école, aller faire la plonge dans un restaurant. « Parfois, nous n’avions pas de quoi nous acheter à manger, confie l’homme à la barbe poivre sel et aux bras tatoués. À partir de mes 18 ans, j’avais deux jobs : le jour je travaillais dans la construction et le soir je devenais plongeur. » C’est en lavant les assiettes qu’il rencontrera Roland Kassis, le frère de Nathalie.


Hommos, zaatar, labné...

Une fois mariés, Gabi Richan et Nathalie Kassis s’installent à Philadelphie. « La cuisine libanaise nous manquait, alors j’appelais ma mère chaque jour pour qu’elle m’explique comment cuisiner tel ou tel plat, raconte Nathalie. Mon frère et mon mari sont devenus mes critiques culinaires. Je voulais qu’il y ait toujours de bonnes choses à table, comme du temps de ma grand-mère et ma mère. »

Le couple travaille alors dans la nouvelle compagnie de nettoyage montée par le frère de la jeune femme. « Nous n’avions pas d’employés, nous devions nous-mêmes nettoyer les maisons de ceux qui avaient recours à nous », se souvient la jeune femme. Les affaires allant plutôt bien, le frère de Nadine, Roland, achète un immeuble dans lequel se trouve un café. « Quand la gérante des lieux a claqué la porte, il m’a encouragée à ouvrir ma propre affaire. Je lui ai répondu qu’il était hors de question que j’ouvre un café dans ce quartier désert ! » Ce quartier, Northern Liberties, est aujourd’hui l’un des plus en vogue de Philadelphie...

Son frère, qui sait flairer les bonnes affaires, ignore les récriminations de Nathalie et lui aménage un petit café. Nous sommes en 2010. « Au début, je n’avais qu’un seul client, dit-elle. Je souffrais vraiment. » La jeune femme ne baisse pourtant pas les bras. « J’ai compris que je devais utiliser mon héritage, mon histoire », dit-elle. Elle ajoute alors au menu du hommos, du soujouk, du zaatar, de la labné...

Et puis un jour, alors que Nathalie Kassis est en cuisine, on lui transmet des dizaines de commandes. « J’ai pensé qu’il y avait une erreur ! » Mais en regardant par la fenêtre, elle découvre qu’une quarantaine de personnes faisaient la queue sur le trottoir devant son café.

Petit à petit, elle augmente la capacité de l’établissement qui commence à attirer l’attention de la presse. En 2012, son mari quitte la compagnie de nettoyage pour l’aider dans la gestion du restaurant à temps plein. « Je veux que les gens qui viennent ici sentent qu’ils font partie de la famille », dit-il avec un entrain qui semble être sa marque de fabrique.

En 2018, Café La Maude obtient une forme de consécration quand Yelp le classe dans son top 100. Le café est le 82e meilleur restaurant des États-Unis et le 1er en Pennsylvanie. Puis c’est le célèbre magazine américain People qui s’enthousiasme pour son petit déjeuner.


« Choukran habibi ! »

Dans un parcours parallèle, Roland Kassis avait de son côté décidé, deux ans plus tôt, d’ouvrir un restaurant baptisé Suraya avec deux partenaires, les restaurateurs Nick Kennedy et Greg Root, sur l’un de ses terrains. Sa sœur se charge pour sa part de concevoir avec leur mère un menu libanais. La jeune femme sait ce qu’elle veut : « La perfection, du libanais, du vrai. » « J’avais le mal du pays, je voulais que chaque plat ait le goût du Liban », ajoute-t-elle.

Aucun détail n’est laissé au hasard à Suraya : le carrelage dans l’entrée du restaurant est inspiré de celui de l’entrée de l’immeuble de Gemmayzé ; celui du reste du restaurant, de la salle de bains de leur appartement beyrouthin ; les arcades sont un hommage à celles de la maison de la voisine ; les canapés ressemblent à ceux qu’ils avaient à Zahlé, d’où ils sont originaires ; le logo du restaurant est une fleur de gardénia, la préférée de sa grand-mère Souraya… À l’accueil sont proposés à la vente des jus Bonjus, de la bière Almaza ou encore des produits de la marque Maymouné. Sur la carte, les noms des plats n’ont pas été anglicisés, sur les tee-shirts des serveurs il est écrit Yalla et au bas de la facture : Choukran habibi  !. « Je suis fière de ma langue, j’ai tenu à ce que les noms restent en arabe, et que les clients les apprennent, c’est une question de respect », lance Nathalie Kassis.

Le succès est vite au rendez-vous. Suraya est élu meilleur restaurant de Philadelphie en 2018 par le guide culinaire Eater et par le magazine Phillymag. Il est également mentionné en termes flatteurs par l’agence Bloomberg et le New York Times.

Quand on lui demande la recette de ce succès, Nathalie Kassis répond : « Suraya est inspiré de mon histoire et de mon enfance. Lorsque les gens viennent ici, ils ont l’impression de voyager, ils sont transportés au Liban. » L’authenticité, en somme.


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commentaires (6)

Miam miam!! Bon appétit!!

Wlek Sanferlou

23 h 40, le 03 février 2020

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • Miam miam!! Bon appétit!!

    Wlek Sanferlou

    23 h 40, le 03 février 2020

  • On voit bien que l'actualité est très riche au Liban, même un Libanaise est derrière les deux meilleurs restaurants de Philadelphie, au pays de Trump....

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    20 h 43, le 03 février 2020

  • Ca fait plaisir. la precarite est a lorigine de la moitie des success story . Bravooo

    Elkhazen maud

    16 h 37, le 03 février 2020

  • Pour reussir dans tous les domaines il suffit d'etre honnete, sincere,courageux et besogneux...cette dame est l'exemple type....voila les qualites qui ont manques a nos dirigeants malheureusement....et pourtant avoirs de millions ou des milliards ne les rendront pas plus heureux...le vrai bonheur c'est reussir dans notre metier...mais pas en accumulant des dollars...quel honte

    Houri Ziad

    13 h 33, le 03 février 2020

  • UNE REUSSITE DANS LE PAYS DE L,EMIGRATION COMME IL Y EN A DES TATS D,HISTOIRES PAREILLES OU APPARENTEES OU BEAUCOUP PLUS EMINENTES DES LIBANAIS DE LA DIASPORA.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 54, le 03 février 2020

  • Bravooooo

    Lecteurs OLJ 3 / BLF

    06 h 53, le 03 février 2020

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