Rechercher
Rechercher

Monde - Diplomatie

Riyad n’est pas prêt à afficher sa relation avec Israël

Allant à l’encontre de l’annonce israélienne, le royaume wahhabite a affirmé hier que les détenteurs de passeport israélien ne peuvent pas se rendre en Arabie saoudite.

Le prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane, et le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu. Photo AFP

L’annonce par Israël d’autoriser ses ressortissants à se rendre en Arabie saoudite semble avoir mis Riyad dans l’embarras. Resté silencieux pendant près de 24 heures, le royaume wahhabite a fini par réagir hier soir. « Notre politique est fixe. Nous n’avons pas de relations avec l’État d’Israël et les détenteurs de passeport israélien ne peuvent pas visiter le royaume à l’heure actuelle », a déclaré le ministre saoudien des Affaires étrangères, Fayçal ben Farhane al-Saoud, cité par la chaîne d’information américaine CNN. « Lorsqu’un accord de paix sera conclu entre les Palestiniens et les Israéliens, je pense que la question de l’implication d’Israël dans la région sera sur la table », a-t-il ajouté.

La veille, l’État hébreu annonçait que ses ressortissants peuvent voyager dans le royaume saoudien si le séjour est effectué « à des fins religieuses pendant le hajj ou la omra » ou « pour participer à des réunions d’affaires ou chercher des investissements » pour une durée allant jusqu’à 90 jours, selon un communiqué du bureau du ministre israélien de l’Intérieur, Arié Dery. Les voyageurs israéliens devront également détenir une invitation d’un corps gouvernemental et avoir « organisé leur entrée » dans le royaume saoudien dans le cas des voyages d’affaires, précise le texte.

Une décision sans précédent pour l’État hébreu alors que Riyad n’a jamais officiellement reconnu Israël, exigeant notamment son retrait des territoires occupés et l’établissement d’un État palestinien. « Il s’agit d’une annonce qui ne concerne presque que la politique intérieure israélienne », indique Hussein Ibish, chercheur à l’Arab Gulf States Institute à

Washington, interrogé par L’Orient-Le Jour. « L’une des idées-clés sur laquelle (le Premier ministre israélien) Benjamin Netanyahu mise pour être réélu est que lui seul peut établir de meilleures relations avec le monde arabe, en particulier le Golfe, et donc cette annonce est conçue pour renforcer cela », poursuit-il. Son timing est d’autant plus opportun que le président américain, Donald Trump, doit révéler aujourd’hui le volet politique du plan de paix israélo-palestinien préparé par son gendre et conseiller, Jared Kushner. L’administration américaine entretient des liens privilégiés avec l’Arabie saoudite, appuyés par les rapports personnels entre Jared Kushner et le prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane (MBS), qui ont travaillé ensemble à l’élaboration du plan de paix israélo-palestinien. Le pan économique a été présenté en juin dernier lors du sommet de Manama, prévoyant la levée de plus de 50 milliards de dollars pour le redressement de l’économie des territoires palestiniens et des pays accueillant des réfugiés palestiniens. Les pays du Golfe se sont toutefois montrés peu enthousiastes face à cette annonce, conscients qu’une majorité des fonds devraient provenir de la région. Un mois plus tard, une délégation de journalistes, dont des Saoudiens, s’étaient rendus en Israël pour effectuer un tour de Jérusalem, de Tel-Aviv et pour s’entretenir avec des officiels israéliens, suite à l’invitation du gouvernement.

Convergence d’intérêts

La réaction de Riyad hier montre toutefois « à quel point le gouvernement saoudien est mal à l’aise à l’égard des discussions avec Israël, directes ou indirectes, portant sur la normalisation des relations et la proposition de paix de Trump qui doit être dévoilée », analyse Hussein Ibish. « Malgré les incitations stratégiques en vue de construire une relation plus forte avec Israël, les Saoudiens ont besoin de voir des progrès sur le front palestinien », précise-t-il. Si l’Arabie saoudite renforçait sa relation avec l’État hébreu sans qu’il y ait d’avancée sur la question de l’occupation, Riyad se heurterait à une forte opposition sur le plan domestique et à des critiques de la part de ses ennemis tels que l’Iran, le Hezbollah, el-Qaëda ou l’État islamique, explique l’expert.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2017, le dauphin saoudien a œuvré en faveur d’une modération de la position de Riyad à l’égard de l’État hébreu, tablant sur la convergence de leurs intérêts visant à endiguer l’influence iranienne dans la région. MBS a opté pour une politique plus offensive dans la région à l’encontre de Téhéran et avait fait grand bruit sur la question du conflit israélo-palestinien en 2018, estimant que « les Palestiniens et les Israéliens ont le droit d’avoir leur propre territoire », conditionnant toutefois ses propos à un accord de paix, lors d’un entretien avec le magazine américain The Atlantic. « S’il y a la paix, il y aurait beaucoup d’intérêts entre Israël et les pays du Conseil de coopération du Golfe et des pays comme l’Égypte et la Jordanie », avait-il ajouté.

Considérations politiques

L’année précédente, le prince héritier avait déjà créé la surprise générale en allant jusqu’à suggérer au président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas la ville d’Abou Dis comme capitale au lieu de Jérusalem-Est pour une solution à deux États. Des propos alignés sur ses discussions avec Jared Kushner, renversant la position traditionnelle de Riyad, et qui avaient mené le roi Salmane à poser son veto et à rappeler qu’il n’y aurait pas de plan de paix sans la reconnaissance du droit des Palestiniens à disposer d’un État. « Kushner a été pris par surprise lors de ses réunions à Riyad récemment, où il y a certainement eu un changement de ton – en privé et en public – chez les Saoudiens », confiait en juin dernier un haut diplomate occidental à Reuters. Malgré la volonté affichée de MBS de renverser la donne, la position saoudienne reste ancrée dans le texte de l’« Initiative de paix arabe » présentée par l’ancien roi saoudien Abdallah en 2002 lors du sommet arabe de Beyrouth, qui prévoit la paix et la reconnaissance d’Israël par les Arabes en échange du retrait de l’État hébreu des territoires occupés.

Toutefois, sur la question de l’autorisation pour les ressortissants israéliens à se rendre en Arabie saoudite, « il ne semble pas y avoir d’incitations claires pour les Saoudiens à repousser ce type d’ouverture même si beaucoup de citoyens israéliens entreront en Arabie saoudite dans les années à venir, comme ils le font déjà depuis un moment », pour des considérations religieuses ou pour des voyages d’affaires, note Hussein Ibish. « Cela n’est pas à propos de savoir qui sera ou ne sera pas autorisé à entrer dans le pays, il s’agit de signaler publiquement la politique saoudienne envers Israël, des Palestiniens, l’occupation et même la future proposition de paix de Trump », conclut-il.


Lire aussi

Des accords de non-agression avec Israël seraient inopportuns pour les pays du Golfe

Israël veut se rapprocher du monde arabe avec Dubai2020


Pour mémoire

Une délégation saoudienne visite l'esplanade des Mosquées, une première

Israël a rétabli ses liens avec Oman, annonce le chef du Mossad

Israël « fait partie de l’héritage de la région » , affirme le chef de la diplomatie bahreïnie

L’annonce par Israël d’autoriser ses ressortissants à se rendre en Arabie saoudite semble avoir mis Riyad dans l’embarras. Resté silencieux pendant près de 24 heures, le royaume wahhabite a fini par réagir hier soir. « Notre politique est fixe. Nous n’avons pas de relations avec l’État d’Israël et les détenteurs de passeport israélien ne peuvent pas visiter le royaume...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut