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Monde - Éclairage

Conflit israélo-palestinien : la France pourrait-elle en faire plus ?

Macron est sur la ligne traditionnelle de la diplomatie française par rapport au conflit israélo-palestinien.

Le président français Emmanuel Macron a rencontré le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, hier. Photo AFP

La France a la réputation de faire partie des amis de la Palestine. Elle se l’est forgée au cours de l’histoire, au moins celle de la Ve République, en faisant de sa position sur le conflit israélo-palestinien l’un des éléments structurants de sa politique arabe. Cela ne veut pas dire que Paris a choisi son camp ou qu’il n’entretient pas par ailleurs de bonnes relations avec Israël. Mais c’est souvent vers la France que les dirigeants palestiniens se sont tournés par le passé lorsqu’ils avaient besoin d’un appui politique important sur une scène internationale dominée par les États-Unis, dont l’alliance avec Israël a de quoi faire douter de leur impartialité. Emmanuel Macron s’inscrit dans cette tradition lorsqu’il rend visite mercredi soir au président palestinien Mahmoud Abbas après avoir vécu un moment chiraquien dans la vielle ville de Jérusalem, où il s’en est pris à un policier israélien qui bloquait l’entrée de l’église Sainte-Anne, domaine national français depuis la seconde moitié du XIXe siècle. Il s’inscrit également dans cette tradition quand il désapprouve la décision des États-Unis de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël en décembre 2017, quand il dénonce les actes qualifiés d’« odieux » commis par l’armée israélienne à Gaza en mai 2018, ou quand il condamne la colonisation israélienne en août dernier.

Le président français est sur la ligne traditionnelle de la diplomatie française par rapport à ce conflit : relations avec les deux protagonistes, soutien à la solution des deux États et condamnation de la colonisation israélienne. Il ne semble pas toutefois particulièrement concerné par ce conflit, et ses sorties associant l’antisionisme à de l’antisémitisme lui ont valu de fortes critiques auprès des rangs propalestiniens qui lui reprochent de reprendre la rhétorique du pouvoir israélien en confondant deux dossiers qui ne devraient pas être liés. « Macron a sous-estimé la centralité de la question palestinienne », estime l’ancienne diplomate palestinienne, Leila Shahid, contactée par L’Orient-Le Jour. « On peut reprocher à la France, depuis le mandat de François Hollande, d’être quasiment silencieuse sur ce dossier », appuie l’ancien ambassadeur Yves-Aubin de La Messuzière.


(Lire aussi : Chirac-Macron : forces et limites d’une comparaison)



Réalité parallèle
Le prédécesseur d’Emmanuel Macron avait tenté d’organiser une rencontre entre Benjamin Netanyahu et Mahmoud Abbas lors de la conférence de Paris en janvier 2016, mais les deux protagonistes n'avaient pas participé à ce sommet où 70 pays ont solennellement réitéré leur engagement en faveur des deux États, l’un israélien et l’autre palestinien. Mais l’arrivée au pouvoir de Donald Trump aux États-Unis, le plus pro-israélien des présidents américains, a sonné le glas d’un processus de paix déjà mourant et placé les Européens, France en tête, dans une situation particulièrement délicate. « La position française devient de plus en plus dure à tenir. Les réalités du terrain montrent qu’on va vers une annexion en pente de la Cisjordanie, qui fait qu’on ne voit pas sur quel territoire pourrait être établi l’État de Palestine », analyse Joseph Maïla, ancien diplomate et professeur en relations internationales à l’Essec. Le gendre du président américain Jared Kushner, connu pour sa proximité avec la droite israélienne, promet de dévoiler son « plan du siècle » censé résoudre le conflit. Les deux favoris des élections israéliennes, Benjamin Netanyahu et Benny Gantz, se rendront d’ailleurs la semaine prochaine à Washington pour discuter des modalités des « enjeux de la paix en Terre sainte ». « La France n’apportera aucune solution sur la table pour le processus de paix au Proche-Orient. Nous avons compris que d’autres en avaient. Mais nous serons prêts à aider », a dit hier le président français durant sa visite en Israël et dans les territoires occupés à l’occasion de la commémoration des 75 ans de la Shoah. « La France, qui sur beaucoup de points se différencie de la position américaine, notamment sur l’Iran et sur l’OTAN, n’a pas forcément envie d’ouvrir un autre front diplomatique », explique Joseph Maïla.

Paris semble se contenter d’une position de principe qui est moralement louable mais qui ne change rien à la réalité du terrain. Pire, celle-ci donne l’impression que la France, et les autres États qui sont sur la même position, vivent dans une réalité parallèle en continuant de soutenir la solution à deux États à un moment où celle-ci est rendue matériellement impossible du fait de la colonisation israélienne. Cette passivité, même si elle est subie, peut-être perçue comme une façon d’entériner une situation de facto à l’avantage de la partie israélienne qui, dans ces conditions, n’a pas forcément intérêt à négocier quoi que ce soit.

La France peut-elle toutefois faire autrement ? Peut-elle avoir une approche plus volontariste qui permettrait, non pas de renverser la table, mais de mettre un coup de pied dans la fourmilière. « La France pourrait faire plus, même si elle ne peut pas résoudre le problème à elle seule et proposer des négociations là où il n’y en a pas », considère Leila Shahid. Faire plus, par exemple, en reconnaissant l’État palestinien, un engagement que semblait prendre Paris sous le mandat de François Hollande et remis en question par son successeur. « Emmanuel Macron considère que reconnaître la Palestine ne fait pas avancer les choses. On reste sur un idéal de reconnaissance, mais on dit qu’on ne veut pas compliquer la situation », rappelle Joseph Maïla. « La diplomatie de l’audace souhaitée par le président devrait se traduire, selon moi, par une reconnaissance de l’État palestinien. La voix de la France est peut-être moins forte maintenant qu’elle ne l’était naguère, mais elle le reste suffisamment pour pouvoir dire le droit international et tenter d’entraîner d’autres partenaires européens », estime pour sa part Yves-Aubin de La Messuzière.


(Lire aussi : Proche-Orient : Trump promet son plan de paix dans les jours à venir)


Crimée et Jérusalem
L’État hébreu violant le droit international sur de nombreux dossiers, la France pourrait également envisager d’établir des sanctions à son encontre pour le pousser à changer de comportement ou essayer de porter cette solution à l’échelle de l’Union européenne. « L’annexion de la Crimée a conduit à des sanctions contre la Russie, alors que personne n’a bougé un petit doigt lorsque les Israéliens ont annexé Jérusalem. Est-ce que la Crimée est plus importante que Jérusalem ? » dénonce Leila Shahid. « On peut se poser la question de savoir s’il y a des sanctions possibles, mais je ne sais pas s’il y a un terrain favorable, parlementaire et à la fois général, pour une telle action. De plus, si la France décidait de boycotter, ses faibles chances de peser sur la solution du conflit seraient gravement hypothéquées », poursuit Joseph Maïla.

La question du soutien de la France au mouvement BDS (Boycott-désinvestissement-sanctions) se pose aussi. Ce mouvement, inspiré du boycott de l’Afrique du Sud dans les années 1980, s’oppose à l’occupation israélienne par des appels répétés au boycottage de compagnies israéliennes et étrangères opérant dans les colonies israéliennes ou dans les territoires occupés. « Le BDS est une politique de boycottage qui n’est admise par personne. La position n’est pas française elle est européenne. Il y a un traité commercial signé entre l’UE et Israël », rappelle Joseph Maïla.

« Je pense que ni le mot sanction ni le mot boycott sont des mesures que les Européens sont prêts à prendre à l’égard d’un État qui viole le droit depuis maintenant 73 ans. Israël est un État d’exception pour les Européens, au-dessus de la loi », dénonce pour sa part Leila Shahid. Aux problématiques traditionnellement liées aux relations internationales se superposent des enjeux historiques et sociopolitiques propres à la France. Des sanctions contre Israël ou une politique de soutien au BDS apparaissent particulièrement sensibles d’un point de vue interne, dans un contexte où l’antisémitisme est en forte hausse sur le territoire hexagonal et que la France observe depuis plusieurs années des départs importants vers Israël au sein de la communauté juive. Les impensés semblent prendre partiellement en otage la diplomatie de Paris sur le sujet. Bien aidé par la politique active du CRIF, organisation représentant les juifs de France mais qui ne cache pas son soutien inconditionnel à la politique israélienne, pour faire en sorte que la frontière entre l’intérieur et l’extérieur soit constamment brouillée.



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La France a la réputation de faire partie des amis de la Palestine. Elle se l’est forgée au cours de l’histoire, au moins celle de la Ve République, en faisant de sa position sur le conflit israélo-palestinien l’un des éléments structurants de sa politique arabe. Cela ne veut pas dire que Paris a choisi son camp ou qu’il n’entretient pas par ailleurs de bonnes relations avec...

commentaires (3)

Faire quoi de plus ? Pffffffff....

FRIK-A-FRAK

13 h 56, le 24 janvier 2020

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Commentaires (3)

  • Faire quoi de plus ? Pffffffff....

    FRIK-A-FRAK

    13 h 56, le 24 janvier 2020

  • avec macron a sa tete , lui qui declare tout bonnement qu'anti sionisme equivaut a de l'antisemitisme .... la France peut a peine esperer un bonjour poli de quelques dirigeants arabes. a moins que son copain D Trump ne l,ait envoye en mission expresse de convaincre les palestiniens de "marcher" avec son plan de paix !

    Gaby SIOUFI

    11 h 19, le 24 janvier 2020

  • RIEN N,AVANCERA ET LA PREMIERE CAUSE C,EST TRUMP ET SA POLITIQUE PRO ISRAELIENNE. PAUVRES PALESTINIENS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 36, le 24 janvier 2020

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