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Culture - Événement

L’instrument roi fête, malgré tout, au Liban son jubilé de bois en toute majesté

La 5e édition du festival de la Semaine d’orgue au Liban (SOL) démarre le 25 janvier et se déroule jusqu’au 2 février aux quatre coins du pays. L’opportunité de savourer les différentes textures de l’instrument roi sous les doigts de musiciens de renom venus d’Italie, des États-Unis, de France et d’Autriche.

Les artistes participant à la cinquième Semaine de l’orgue au Liban. Photo DR

Les scènes d’affrontements entre les forces de l’ordre et les manifestants dans le centre-ville il y a quelques jours ont fait jaillir une image assez sombre d’une Beyrouth de plus en plus défigurée. On peut sans doute détruire une ville, mais jamais son ambition d’un avenir meilleur, d’une unité de son peuple. Telle est la puissance du phénix, soumis continuellement aux vicissitudes du sort mais qui renaît à chaque fois de ses cendres. Et la musique, ce cri d’amour universel, reste le meilleur moyen d’incarner les paroles de Schiller : « L’homme est pour tout homme un frère. » C’est dans ce cadre-là que s’inscrit la cinquième édition de la Semaine d’orgue au Liban. Neuf concerts, une dizaine d’artistes de renom et une infinité de mélodies mais surtout d’harmonies à découvrir du 25 janvier jusqu’au 2 février.

« La musique d’orgue peut être considérée comme une contribution spécifique des chrétiens à la culture mondiale vu que les orgues sont présents presque exclusivement dans les églises, en particulier au Liban et au Moyen-Orient. Cette semaine d’orgue est toutefois l’occasion pour tous d’écouter le plus grand des instruments de musique en dehors de son contexte religieux », souligne le frère Riccardo Ceriani, fondateur du Festival de l’orgue de la Terre sainte, délégué du custode de Terre sainte pour la musique et codirecteur du festival SOL. Par ailleurs, le père Khalil Rahmé, directeur de l’école de musique de la Notre Dame University (NDU), codirecteur du festival SOL et instigateur majeur de cet événement, signale : « Nous avons tenu à réaliser ce festival cette année malgré toutes les contraintes économiques, politiques et sociales. Cela n’aurait jamais pu se réaliser sans l’aide divine du Seigneur et la générosité incommensurable de nos partenaires et sponsors que nous tenons à remercier de tout cœur. C’est bien grâce à eux que nous avons pu démontrer, cette année, que la musique n’est pas un luxe mais un pilier essentiel et incontournable de notre société. »

Un programme alléchant

Le samedi 25 janvier à 20h, les tuyaux de l’orgue de la NDU feront vibrer le monastère de Zouk Mosbeh durant le concert d’ouverture du festival. Derrière les notes improvisées sur le film muet Frate Sole (Frère Soleil, 1918), projeté à l’occasion du 6e centenaire du pèlerinage de paix de saint François en Terre sainte, qui s’échapperont de l’imposant joyau musical, se cache le virtuose italien Fausto Caporali, professeur d’orgue au conservatoire de Turin et organiste titulaire de la cathédrale de Crémone. Et afin d’assouvir la soif de découvertes musicales du public libanais, l’instrumentiste et compositeur de réputation internationale tâchera de récupérer la rosée en plein désert musical en se produisant dans un deuxième concert, le dimanche 26 janvier à 18h, en l’église Saint-Antoine de Padoue à Harissa. Des airs mélodieux liturgiques, interprétés par le baryton libanais Fadi Jeanbart, résonneront pendant ce concert, accompagnés d’orgue. Au programme : l’Ave Maria de Franz Schubert, l’« Hostias » du Requiem de Gabriel Fauré, le Panis Angelicus de César Franck, le célèbre cantique chrétien Amazing Grace écrit par John Newton et dont la musique fut composée par William Walker et la Prière du Seigneur (« Notre Père ») composée par Albert Hay Malotte.

Le 27 janvier, l’Américain Russell J. Weismann, directeur musical à la fois du Capital Organ et de l’Université de Georgetown où il exerce également son rôle d’organiste, accompagné du trompettiste moldave Viaceslav Bilia, membre de l’Orchestre philharmonique du Liban, proposeront, à 20h à la basilique Notre-Dame de la Médaille miraculeuse à Achrafieh, une promenade nocturne au cœur même de l’Europe baroque à la découverte des précieux trésors des plus grands compositeurs de tous les temps : le prélude de Te Deum de Marc-Antoine Charpentier, l’Adagio en sol mineur et le Concerto pour trompette en mi bémol majeur de Tomaso Albinoni, l’Aria de la suite n° 3 pour cordes de Jean-Sébastien Bach et La suite pour trompette et orgue d’Henry Purcell. L’excursion se poursuit, le 28 janvier à Tripoli el-Mina, au monastère Saint-François Terra Santa à 19h, avec Weismann qui accompagnera à l’orgue la soprano libanaise Mona Hallab dans un répertoire kaléidoscopique joignant la musique baroque de Bach, Haendel, Stradella et Purcell, la musique romantique de Schubert et Fauré, la musique du XIXe siècle de Humulescu et la musique orientale du père Rahmé.

Le 29 janvier, fidèle à sa tradition, l’école de musique de la NDU, avec le soutien de l’Institut culturel italien et de la garde de la Terre sainte, sous la direction de l’organiste et professeur italien Cosimo Prontera, organisera un concert mettant en avant les talents des étudiants qui se produiront à Maaysra, Nahr Ibrahim, à 20h, au monastère Saint-Élias.

Le Noeva Women Vocal Ensemble, accompagné par Emmanuel Hocdé, Grand Prix d’interprétation du concours international d’orgue de Chartres en 2002, offrira au public un moment de beauté vocale où les différentes voix s’entremêleront par de majestueuses harmonies allant de la musique médiévale (Hymnes du livre vermeil de Montserrat) à la musique contemporaine, tout en passant par les airs traditionnels dont certains seront improvisés. Ce concert aura lieu le 30 janvier à 20h à l’Assembly Hall de l’Université américaine de Beyrouth (AUB).

Le 31 janvier, la polyphonie atteindra son paroxysme dans une œuvre aux démissions symphoniques, très contrastée, tantôt burlesque avec un humour déjanté, tantôt méditative avec un lyrisme expressif empreint de grandeur : le Concerto pour orgue, cordes et timbales de Francis Poulenc, formé à première vue d’un seul et unique mouvement, mais vagabondant à différentes vitesses en empruntant sept indications de tempo. « Ce n’est pas un concerto da chiesa, écrit le compositeur, mais en limitant mon orchestre aux cordes et à 3 timbales, j’en ai rendu l’exécution possible à l’église. » C’est l’Orchestre philharmonique du Liban sous la houlette de Harout Fazlian qui se chargera d’accompagner l’organiste français, à 20h30 en l’église Saint-Joseph de Monnot.

Durant les deux derniers concerts de ce festival, les orgues tonneront sous les doigts du grand virtuose international Martin Haselböck, considéré comme l’un des représentants les plus éminents de la musique et de la culture autrichiennes. En tant qu’organiste, il a joué dans des concerts sous la direction des plus grands chefs d’orchestre tels que Claudio Abbado, Lorin Maazel et Ricardo Mutti. Il inaugurera le 1er février à 20h le nouvel orgue de l’église Mar Zakhia à Ajaltoun, après la cérémonie de consécration qui mettra en scène 16 membres de la chorale de la NDU. Et pour finir en toute beauté, le concert de clôture, qui se tiendra à l’église évangélique de Beyrouth à 20h, rendra hommage à quatre compositeurs de la musique savante (Joseph Haydn, Antonio Vivaldi, Jean-Sébastien Bach et François Couperin), mais aussi à des compositeurs du pays du Cèdre à travers des improvisations sur des thèmes de chansons libanaises.

« La musique savante manque à notre désir », disait Arthur Rimbaud. Raviver cette flamme et rendre la gloire d’antan à cette musique universelle semble être le défi de taille que le festival SOL s’est résolu de relever cette année !

Les scènes d’affrontements entre les forces de l’ordre et les manifestants dans le centre-ville il y a quelques jours ont fait jaillir une image assez sombre d’une Beyrouth de plus en plus défigurée. On peut sans doute détruire une ville, mais jamais son ambition d’un avenir meilleur, d’une unité de son peuple. Telle est la puissance du phénix, soumis continuellement aux...

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