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Lifestyle - Anniversaire

Charlot qui pleure, Charlot qui rit

Charles Spencer Chaplin est né un 16 avril 1889 à Londres et mort le 25 décembre 1977 à Corsier-sur-Vevey. À l’heure où l’on fête le 130e anniversaire de cet immense acteur, réalisateur, scénariste, producteur et compositeur britannique, à l’heure où les hommages se multiplient, où une bande dessinée « Charlie Chaplin », de Bernard Swysen et Bruno Bazile, est publiée et des rétrospectives sur ce génie devenu une idole du cinéma muet grâce à son personnage de Charlot, laissons-le parler. Imaginons-le raconter en quelques lignes sa vie chaotique, mais aussi le personnage qu’il a créé. Un personnage humain et poétique, et pourtant parfois en complète dissonance avec sa réalité.

Chaplin devint rapidement un phénomène culturel avec des produits sur son personnage de Charlot, 1918. Photo Wikipedia

Je suis Charles Spencer Chaplin, né à Londres le 16 avril 1889 et mort un 25 décembre. Il y a donc deux occasions à fêter : le jour de ma mort ainsi que le 130e anniversaire de ma naissance. Mon enfance n’était pas très joyeuse depuis que mes parents, Charles et Hannah, tous deux artistes de music-hall, se sont séparés avant mes trois ans. Mon père nous traitait, mon frère Sydney et moi, d’enfants illégitimes et traitait ma mère de femme légère. Ma triste vie commence donc à cette époque et ma mère va se battre pour nous faire vivre. Aussitôt internée dans un hôpital psychiatrique (maman était atteinte de syphilis), nous passerons, Sydney et moi, une enfance difficile dans des institutions pour jeunes indigents. Très tôt, je suis passionné de musique et je m’exerce en autodidacte au piano, au violoncelle et au violon. Il y a d’ailleurs toujours dans mes œuvres cinématographiques un clin d’œil à mes débuts au music-hall comme danseur-chanteur (Modern Times). J’utiliserai même le jazz et le ragtime tout autant que la musique des grands compositeurs classiques comme Brahms et Wagner pour The Great Dictator ainsi que Tchaïkovski pour The Kid. Comble des combles, moi qui n’ai jamais étudié le solfège, j’ai composé trois mélodies qui vont connaître un succès énorme : Smile (Modern Times), Eternally (Limelight) ou encore This is my song (A Countess from Hong Kong). J’aurais même un Oscar, le seul de ma carrière, pour la réédition du film Limelight, en 1973.




Du Groom Billy…
À mes dix ans donc, j’ai eu la chance de faire mes débuts dans une troupe d’enfants danseurs de claquettes : les Eight Lancashire Lads (Huit gars du Lancashire). Je serai également le petit groom Billy dans la pièce de Sherlock Holmes, et ferai une tournée qui atteint les théâtres de Londres. C’est alors que je commence à côtoyer de grands acteurs qui vont m’enseigner l’art de la comédie. J’intègre plus tard une autre troupe : le Casey’s Circus, où je m’amuse à imiter les comiques célèbres. Si maman avait pu voir ça, elle aurait été fière de moi ! Je suis alors recruté dans la troupe de Fred Karno, le plus grand imprésario britannique de spectacles de cabaret. Fin 1913, lors d’une tournée dans les music-halls américains, je suis remarqué par le cinéaste Mack Sennett et engagé par la Keystone Comedy Company. C’était comme un rêve. Hollywood m’accueillait à bras ouverts, moi le petit « kid » de Londres dont la mère n’arrivait pas à joindre les deux bouts chaque fin de mois... Ce sera le début d’une longue série de courts et de moyens métrages. Et c’est Sennett lui-même qui me souffle un jour l’idée de changer de look. Ce jour-là, je rentre dans ma loge et je réfléchis : « Il me faudrait un truc où tout est contradiction. Un pantalon trop large, une veste étriquée, des chaussures trop grandes, un chapeau étroit », me suis-je dit. Il me manquait encore quelque chose, des petites moustaches pour me vieillir sans altérer mes mimiques et le tour était joué. C’était le tournant de ma carrière.




… au Grand Charlot
Partout où je passais, de Chicago à Kansas City, Amarillo, Los Angeles, c’était toujours le même délire. De compagnie en compagnie, mon salaire allait crescendo. J’emmenais toujours mon frère dans mes valises. En 1918, j’avais déjà mon propre studio Lone Star, Mutual Studios et en 1919 je deviens cofondateur, avec Douglas Fairbanks, Mary Pickford et D. W. Griffith, de United Artists (les Artistes Associés : une maison de distribution indépendante). The Kid, Gold Rush entre autres ont apporté une nouvelle dimension à la comédie, car mise à part la créativité burlesque, l’émotion et la satire sociale y étaient présentes. Avec ces succès, j’ai pensé alors que tout me souriait et que le temps des pleurs, de la malchance et de la tristesse étaient enfin révolus. J’avais réussi à dépasser un grand problème au cinéma alors que d’autres en ont été les victimes... En effet, l’avènement du parlant avait constitué un écueil pour les autres stars du muet. Moi qui avais conquis le public du monde entier grâce au langage universel de la pantomime, je réussis quand même le passage avec mes premiers films sonorisés : City Lights et Modern Times utilisant le nouveau support du son uniquement pour ajouter aux images un accompagnement musical synchronisé et pré-enregistré. Plus tard, avec The Great Dictator en 1940, je manierai le son et la parole à la perfection. Ayant dépassé ces problèmes, je ne réalisais pas que d’autres m’attendaient. Et plus graves que celui-là car ils étaient d’ordre personnel. Le FBI, d’abord, qui, sous la direction de son célèbre patron J. Edgar Hoover, orchestre contre moi un procès en reconnaissance de paternité. Et, parallèlement, lors de la sortie de mon film Monsieur Verdoux, à New York en 1947, je deviens la cible d’attaques d’une droite américaine, en pleine paranoïa de Maccarthysme, qui me traite de communiste.

Oui je le reconnais, mon parcours sentimental était également rocambolesque. Avec une affinité pour les jeunes adolescentes, je me suis marié quatre fois, j’ai eu (officiellement) onze enfants. J’avais 35 ans quand je traversais la frontière mexicaine pour me marier avec Lita Grey, qui n’avait que 16 ans, sans doute pour combler ce manque d’amour de mon enfance. En 1952, lorsque j’embarque pour Londres afin d’y présenter mon film Limelight, les autorités américaines en profitent pour annuler mon visa de retour. Je décide alors d’établir ma résidence permanente en Suisse plutôt que de continuer à me battre contre les États- Unis. « Je n’y retournerais pas, même si le président était Jésus-Christ », affirmais-je à cette époque. Finalement, j’ai retraversé l’Atlantique à une reprise, en 1972, pour accepter une récompense honorifique lors de la cérémonie des Oscars et fut accueilli par une standing ovation.

J’ai réalisé par la suite deux autres films en Europe : A King in New York et A Countess from Hong Kong. J’ai continué à écrire des scénarios et à composer. C’est seulement à 54 ans, après avoir eu de nombreuses maîtresses, que j’ai trouvé la stabilité avec Oona O’Neill, 18 ans, qui m’a donné huit enfants. Aujourd’hui, j’approuve ce qu’on a dit de moi, que j’étais un homme qui rit et qui pleure en même temps, un homme à deux visages, probablement. Est- ce pour cette raison que je n’ai pas eu le repos éternel ? On me raconte qu’après ma mort, ma tombe a été volée. Drôle de destin. Triste destin, aussi, n’est-ce pas ?



(Lire aussi : « The Tramp », prince et vagabond)


Le top 6 de la rédaction



Pour la formidable direction d’acteurs (l’enfant n’a que 7 ans), sa simplicité, son génie, et sa sublime poésie dans la forme et le fond.




Pour sa mise en scène, son humour et la fameuse scène où Charlot mange une chaussure (faite d’un mélange de gâteau et de réglisse…).




Pour cette innocence, cette naïveté dans le propos, la pureté des sentiments et le si romantique « Yes I can see » qui clôture le film.




Pour les chorégraphies, la musique, les prises de vue et la scène finale d’anthologie des deux amoureux, sur la chanson Smile, qui se dirigent vers l’infini.




Pour sa vision avant-gardiste, la scène où le personnage parodiant Hitler roule le globe terrestre sur le bout de son doigt et cet inoubliable discours encore d’actualité.



Pour sa tristesse, son réalisme et sa maturité. Charlot y a cédé la place à un Charlie Chaplin sans moustache et aux cheveux blancs.

Je suis Charles Spencer Chaplin, né à Londres le 16 avril 1889 et mort un 25 décembre. Il y a donc deux occasions à fêter : le jour de ma mort ainsi que le 130e anniversaire de ma naissance. Mon enfance n’était pas très joyeuse depuis que mes parents, Charles et Hannah, tous deux artistes de music-hall, se sont séparés avant mes trois ans. Mon père nous traitait, mon frère...

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