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Campus - CONTESTATION

En temps de crise, internet à la rescousse des universités

En raison des récents événements qui continuent de bousculer le quotidien de nombreux étudiants libanais, certaines universités ont eu parfois recours à des outils numériques pour assurer les enseignements. Le point sur l’utilisation de ces outils, deux mois après le début de la crise au Liban.

Photo Pixabay

Si une majorité écrasante de la population a vu ses conditions de vie et de travail considérablement dégradées depuis le début de la révolte populaire du 17 octobre, les universités ont aussi été directement affectées par les blocages, la crise économique et les tensions sécuritaires. Entre les fermetures de routes, les suspensions de cours, les classes désertées, les difficultés de paiement, certains établissements ont eu recours à différents outils numériques pédagogiques tels que Google Classroom ou Blackboard pour rester dans les rails et tenter de sauver ce premier semestre 2019/2020. D’autres encore ont utilisé des outils plus démocratisés comme WhatsApp ou Skype.

À l’Université Saint-Joseph (USJ) par exemple, Wadad Wazen Gergy, responsable de l’unité des nouvelles technologies éducatives, a remarqué un regain d’intérêt pour la pédagogie en ligne. « Le 17 octobre, une question urgente s’est imposée aux enseignants : comment apporter le soutien éducatif aux étudiants, en dehors des murs de l’université durant les jours de suspension des cours ? Et lors de la reprise des cours, comment assurer l’équité en accès aux cours entre les étudiants qui peuvent assister aux cours et ceux qui éprouvent des difficultés à se rendre à l’université ? Cette urgence a influencé la perception des enseignants du numérique, qui est apparu comme une solution bénéfique pour leurs défis. Ainsi la révolte populaire a permis surtout de convertir des enseignants, résistants jusqu’à maintenant, à l’utilisation du numérique, et a poussé les enseignants qui partageaient déjà leurs ressources en ligne à aller plus loin dans leur utilisation. » Cette dernière rappelle par ailleurs que « les outils numériques sont souvent classés par intérêt pédagogique. Il faut distinguer les outils de partage de documents, les outils pour production de contenu (audio, vidéo…), les outils de communication, les outils favorisant le travail collaboratif et les outils d’évaluation… Parfois un même outil peut répondre à plusieurs besoins pédagogiques. Je donne à titre d’exemple le cas des blogs qui peuvent être utilisés pour mettre en place un travail collaboratif de production de contenus, comme ils peuvent être utilisés comme espace de partage de documents et de communication entre apprenants et enseignants hors séance de cours. Le mode de fonctionnement varie en fonction des outils. Les outils de type applications web ont un mode de fonctionnement relativement facile, sans besoin d’installation, et leur usage est intuitif, surtout pour les enseignants branchés technologie. Le panorama des outils numériques au service de l’enseignement et de l’apprentissage est assez riche et évolutif ». Alors, logiciels et applications ont-ils répondu aux situations imposées par la crise ?


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Une solution miracle ?

À l’Université libanaise au campus du Liban-Nord, certains professeurs de la faculté de pédagogie ont été régulièrement contraints par les blocages de routes, plus persistants qu’ailleurs, de donner des cours en ligne, tandis que d’autres, dans le département de lettres notamment, sont passés par des enregistrements partagés par les étudiants, comme le souligne Rima Mawloud, coordinatrice du comité de recherche en langue et littérature françaises à l’école doctorale : « En raison du fort taux d’absentéisme, la direction a incité certains étudiants à enregistrer les cours et à les partager sur des groupes WhatsApp. »

À l’Université Notre-Dame de Louaïzé (NDU), George Abdelnour, chef du département d’anglais et de traduction, explique tous les avantages de la plateforme BlackBoard (BB) : « Nous utilisons BB dans la plupart des enseignements parce que le logiciel permet aux étudiants d’obtenir des liens en ligne, il permet aux membres de la faculté d’interagir avec les étudiants à propos d’un cours, les étudiants peuvent aussi déposer des rendus de manière électronique et, enfin, d’aller plus loin dans le débat grâce à des tableaux de discussions en ligne. BlackBoard a rendu un grand service aux étudiants qui étaient incapables de se rendre sur le campus les jours qui suivirent le 17 octobre. »


(Lire aussi : L’incertain, ou quand l’art s’improvise au gré de la révolte)


Du côté de l’Université antonine (UA), Nidaa Abou Mrad, vice-recteur aux affaires académiques et à la recherche, explique que « la plateforme Moodle a été mise à profit par de nombreux enseignants pendant les périodes de fermeture pour transmettre des contenus aux étudiants, de même que le programme TEAMS, qui permet l’organisation et l’enregistrement de visioconférences. Ainsi, certains de nos étudiants du master de musique et musicologie habitant au Liban-Nord ont pu assister à des séances de cours dispensées au campus de Baabda et ce depuis le campus de l’UA situé à Mejdlaya ». Le professeur Abou Mrad va plus loin : « Il faut faire évoluer le dispositif légal en la matière, qui limite fortement le recours de l’enseignement supérieur libanais à l’enseignement à distance et plus généralement à l’e-learning. Il est temps que les universités du Liban puissent offrir en toute légalité des enseignements partiellement (voire totalement) médiatisés électroniquement. L’impératif du présentiel absolu dans l’enseignement supérieur est assurément devenu anachronique. » Il est vrai que certains enseignants ont fait preuve d’un réel enthousiasme pour l’utilisation de ces plateformes numériques, stipulant parfois qu’ils étaient capables de faire des choses impossibles dans une classe normale, telles qu’une lecture et correction en temps direct et en simultané du travail de plusieurs étudiants à la fois. Tant et si bien que le numérique, comme il est en train de le faire pour tant d’autres domaines de notre vie quotidienne, semble être en train de révolutionner le paysage de l’enseignement. Et Mme Wazen de l’USJ de conclure : « L’accès aux ressources des cours est une demande voire une exigence de la part des étudiants, en temps de crise ou pas. Ainsi l’usage de la plateforme Moodle pour partager les ressources éducatives, durant cette période, répondait aux besoins des étudiants. Le numérique n’est certainement pas une solution temporaire. Le développement de la littératie numérique chez les étudiants mais aussi les enseignants est une nécessité. Il ne s’agit pas de savoir utiliser un outil numérique informatique, mais de développer la culture numérique : la capacité à accéder de manière efficace à de l’information pertinente, à évaluer l’information avec une approche critique, à l’utiliser avec justesse et créativité et à produire des contenus qui mettent en valeur leur identité numérique. »



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