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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Mohammad ben Zayed veut retarder le rapprochement entre Doha et Riyad

Plusieurs sujets restent conflictuels entre le Qatar et les Émirats arabes unis.

De gauche à droite : le secrétaire général du Conseil de coopération du Golfe, Abdellatif ben Rachid al-Zayani, l’émir du Koweït, Sabah al-Ahmad al-Jaber al-Sabah, le Premier ministre du Qatar, Abdallah ben Nasser ben Khalifa al-Thani, le vice-Premier ministre omanais, Fahd ben Mahmoud al-Saïd, le roi d’Arabie Salmane, le roi de Bahreïn Hamad, le Premier ministre des EAU Mohammad ben Rachid al-Maktoum, et le prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane, lors du 40e sommet du GCC le 10 décembre à Riyad. Bandar al-Jaloud/Saudi Royal Palace/AFP

Le principal obstacle à une réconciliation entre le Qatar et l’Arabie saoudite ? Le troisième acteur de la crise : les Émirats arabes unis. Adoptant une approche plus agressive que celle de son allié saoudien, Abou Dhabi estime qu’un rabibochage trop rapide des relations avec Doha ne lui permettrait pas d’imposer ses conditions au retour du petit émirat dans le giron des pays du Golfe. L’absence remarquée de l’émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad al-Thani – dont la venue était particulièrement attendue – au 40e sommet du Conseil de coopération du Golfe à Riyad, le 10 décembre, a été d’autant plus mal vue par Abou Dhabi. « Le règlement des griefs de longue date entre les quatre États est au cœur de la résolution de la crise du Qatar ; nous n’en sommes pas encore là. Tel est le point de vue du sommet de Riyad », a écrit le lendemain sur Twitter le ministre d’État émirati aux Affaires étrangères, Anwar Gargash.

« Je crois que les EAU ont ressenti une sorte de soulagement lorsque cheikh Tamim a opté pour le voyage au Rwanda (au lieu d’aller à Riyad), car il vise à ralentir, sans pour autant l’arrêter, le rapprochement avec le Qatar », nuance pour L’Orient-Le Jour Eleonora Ardemagni, chercheuse associée à l’Institut italien d’études politiques internationales (ISPI). « Les Émiratis, ainsi que les Qataris, ont besoin de temps pour préparer leurs opinions publiques à la résolution de la crise du CCG : la fracture fait désormais partie de la rhétorique publique, instillant une profonde méfiance entre voisins et alimentant les esprits nationalistes, en particulier chez les jeunes », observe-t-elle.

Le Qatar fait l’objet d’un blocus lancé le 5 juin 2017 par l’Arabie saoudite, les EAU, Bahreïn et l’Égypte, parce qu’il est accusé d’entretenir des liens trop étroits avec l’Iran et de financer le « terrorisme », à savoir les Frères musulmans, véritable bête noire des Émiratis. Si le prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane, a entraîné son « mentor » et homologue émirati Mohammad ben Zayed dans la guerre au Yémen en 2015, c’est ce dernier qui a encouragé la mise en place du blocus contre leur voisin perçu comme trop insolent. Selon le New York Times, des officiels américains ont rapporté que le dauphin émirati a également été celui qui s’est chargé de « vendre » à Washington l’intervention au Yémen et le lancement du blocus. Cette dernière initiative a par ailleurs bénéficié dans un premier temps du solide appui de l’administration de Donald Trump.


(Lire aussi : Vers un déblocage de la crise entre le Qatar et ses voisins ?)


Islam politique

Depuis, Washington a adopté un ton moins virulent à l’égard du Qatar en appelant les parties concernées à trouver un terrain d’entente, tandis que les divergences entre les agendas de MBS et MBZ ont graduellement émergé publiquement, notamment sur la question des Frères musulmans. « Considérée comme un risque grave mais gérable par Riyad, la confrérie est mise en priorité comme une menace existentielle par Abou Dhabi », souligne Cinzia Bianco, spécialiste du Golfe au Conseil européen pour les relations internationales (ECFR), interrogée par L’OLJ. « MBZ craint qu’un apaisement des relations avec le Qatar ne l’encourage à reprendre des politiques qui sont menaçantes » pour les EAU, poursuit-elle.

L’hostilité d’Abou Dhabi à l’égard des Frères musulmans n’est pas nouvelle. Prônant un islam politique et la mise en place de réformes politiques et sociales, la confrérie est considérée comme un danger pour le régime autoritaire régi par la dynastie al-Nahyane, qui préside la fédération des EAU depuis sa création. Fuyant la répression en Égypte au milieu du XXe siècle, de nombreux membres de l’organisation ont été largement accueillis dans les différents pays de la péninsule Arabique avant de gagner en influence, notamment aux EAU, avec la création du mouvement politique al-Islah, affilié à la confrérie. Mais les années 1990 marquent un tournant dans la politique des Émirats avec la mise en place de mesures à l’encontre des Frères musulmans qui vont graduellement se durcir. Aujourd’hui, la confrérie est placée sur la liste des organisations considérées comme « terroristes » par Abou Dhabi.

Le Qatar a été pointé du doigt par ses voisins pour avoir permis la diffusion du discours des Frères musulmans dans la région, en donnant du temps d’antenne sur sa chaîne al-Jazeera à des membres de la confrérie à l’instar du prédicateur Youssef el-Qaradaoui, puis en poussant leur agenda durant le printemps arabe. Signe du poids politique du bras médiatique qatari, la fermeture d’al-Jazeera est exigée dans une liste de treize conditions établie en 2017 par Abou Dhabi et ses alliés pour permettre la levée du blocus. Il était également requis que Doha rompe ses liens avec l’Iran et qu’il « s’aligne politiquement et économiquement » sur le Conseil de coopération du Golfe. Des exigences que le petit émirat a refusées, les considérant comme inacceptables, et tablant sur une stratégie de diversification de ses relations au-delà de la région en se tournant vers la Turquie ou encore l’Iran.


Dérailler les tentatives

Au-delà de leurs différends sur la question des Frères musulmans, « les EAU et le Qatar se disputent indirectement leur influence, en particulier pour les routes commerciales maritimes vers l’océan Indien et la Corne de l’Afrique », indique Eleonora Ardemagni. « Grâce à un mélange de “soft” et de “hard power”, les deux visent à consolider leur statut en tant que puissances régionales moyennes avec des ambitions mondiales : cela signifie que chaque choix géopolitique du Qatar pourrait être perçu par les Émiratis comme une preuve que le rapprochement doit être soigneusement évalué étape par étape », précise-t-elle.

Si Riyad et ses alliés se sont longtemps montrés intransigeants, le royaume wahhabite fait l’objet de pressions internationales pour mettre un terme aux conflits dans lesquels il est impliqué dans la région. Elles se sont accentuées suite au meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat de son pays à Istanbul en octobre 2018 puis, plus récemment, avec l’escalade des tensions avec Téhéran. Depuis ces derniers mois, l’Arabie saoudite se presse dans les coulisses diplomatiques pour trouver une voie de sortie dans différents dossiers, à l’instar du blocus contre le Qatar ou du conflit yéménite dans lequel elle mène une coalition avec Abou Dhabi pour appuyer le gouvernement de Abd Rabbo Mansour Hadi contre les rebelles houthis, soutenus par l’Iran. En ce sens, « bien que MBZ ne puisse pas faire dérailler efficacement les tentatives saoudiennes de détente tactique avec Doha, il peut les retarder et essayer d’utiliser son influence sur MBS pour arracher certaines conditions de Doha », note Cinzia Bianco. « Cela semble avoir été la nature de la conversation entre les deux émirs lors de la dernière visite de MBS à Abou Dhabi (fin novembre) avant le sommet de Riyad », rappelle-t-elle.


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commentaires (2)

Ben zayed ne fait qu'exécuter les ordres de leur patron us/ sio à tous les 2 . Voir à tous les 3 . Quels idiots.

FRIK-A-FRAK

13 h 15, le 18 décembre 2019

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Commentaires (2)

  • Ben zayed ne fait qu'exécuter les ordres de leur patron us/ sio à tous les 2 . Voir à tous les 3 . Quels idiots.

    FRIK-A-FRAK

    13 h 15, le 18 décembre 2019

  • DES BAGARRES FAMILIALES FUTILES ! TRES FUTILES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    00 h 47, le 18 décembre 2019

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