Des pluies diluviennes se sont abattues hier avant-midi sur le Liban, inondant les routes, piégeant des milliers d’automobilistes et envahissant des dizaines de boutiques et d’appartement situés en rez-de-chaussée, ainsi que des sous-sols et des entrepôts.
Bienvenues ailleurs, comme au Akkar, où on les attendait depuis des semaines, les pluies ont pris des proportions catastrophiques au sud de Beyrouth, où des torrents d’eau, dévalant les pentes du Chouf orientées vers l’Ouest, ont fini sur les surfaces asphaltées de l’autoroute, heurtant les murets construits sur le terre-plein central, et formant d’immenses mares infranchissables au niveau de Damour, Naamé, Choueifate et du tunnel conduisant à l’Aéroport international Rafic Hariri.
Ce défi récurrent lancé tous les hivers au ministère de l’Intérieur et aux municipalités a été relevé vaille que vaille, avec les moyens du bord. Le secrétaire général du Haut-Comité des secours, Mohammad Kheir, a supervisé les secours au sud de Beyrouth, où ils étaient les plus urgents. Grâce aux efforts du ministère des Travaux publics, de la Défense civile, des municipalités et des agents de la circulation, la situation critique qui durait depuis des heures s’est améliorée en début d’après-midi, les grosses averses étant passées.
D’émouvantes scènes de secours à des passagers d’autos prises dans les mares d’eau ont circulé sur les réseaux sociaux, rappelant des scènes similaires enregistrées lors des incendies monstres d’octobre. C’est ainsi qu’une femme qui se rendait à l’hôpital a accouché, assistée d’une infirmière palestinienne, à l’intérieur d’une voiture bloquée sur l’autoroute au niveau de Khaldé. Dans une autre scène, on pouvait voir un nourrisson porté haut par un homme, tandis que d’autres secouristes sortaient de la voiture, au moteur noyé par l’eau fangeuse, son sac de couches et de biberons. Dans un troisième cas, c’est l’ordinateur serré par un homme contre sa poitrine qui semblait tenir lieu de précieux bébé.
90 mm de pluie en trois heures à Baïssour
Interrogé par L’Orient-Le Jour, Marc Wheybé, chef du département météo p.i. à la direction de l’Aviation civile, a révélé que les inondations d’hier sont dues à une quantité excessive de précipitations sur les versants ouest du Chouf. C’est ainsi qu’il a révélé que 90 mm de pluie ( ! ) ont été enregistrés à Baïssour en trois heures (106 mm en six heures). Ces trombes d’eau qui se sont également abattues sur Ghaboun, Remhala, Qabrchmoun et Bchamoun, se sont transformées en torrents impétueux et ont dévalé les pentes déboisées du Chouf, devenues surfaces asphaltées et agglomérations urbaines, « sans surfaces de rétention pour absorber l’eau, ni arbres et herbes pour la répartir et en freiner l’allure torrentielle ». Ces eaux de ruissellement ont donc fini, comme de juste, sur l’autoroute, rebondissant sur le muret de ciment séparant les deux grandes voies et formant étang.
En comparaison, la pluviométrie n’a enregistré que 27,4 mm hier à l’aéroport, a précisé l’ingénieur, qui rappelle qu’un seul précédent de 90 mm de pluie en trois heures existe, à Kobeyate (Akkar).
Certes, a jugé en substance le météorologue, les torrents formés par les eaux de ruissellement étaient irrésistibles, mais en hiver, ça reste dans la logique des choses. Pour y remédier, des aménagements sont possibles pour en freiner le cours et les canaliser, ou pour aménager des espace verts d’absorption ou des canaux de dissipation de l’eau, en vue de leur déversement dans la mer et non sur l’autoroute. Il est possible aussi d’installer des pompes dans les points de déversement prévisibles.
M. Wheybé n’a pas exclu non plus que les remblais déchargés sauvagement par les manifestants du 17 octobre, pour bloquer l’autoroute sud, aient également joué un rôle d’obstacles et obligé les torrents d’hiver à sortir de leurs lits, et à envahir avec leurs débris divers, la chaussée.
Plus généralement, M. Wheybé voit dans ce qui s’est produit « un scénario pour les décades à venir », en raison du phénomène mondial du réchauffement climatique, débattu en ce moment même au sommet de Madrid. L’un des effets majeurs de ce réchauffement, explique-t-il, a pour effet de provoquer des précipitations de plus courte durée, mais de plus forte intensité. Du fait de ces précipitations extrêmes, il peut pleuvoir en quelques heures autant qu’en trois jours de pluies « normales ». Ce sera le tableau pour les 80 années à venir, affirme-t-il, soit d’ici à 2100, et le même phénomène pourrait se répéter, ici ou ailleurs, car il est impossible de prévoir où les amoncellements nuageux peuvent éclater.
Comme le disent les activistes de l’environnement qui luttent contre le réchauffement climatique, il faudra agir, ou réagir, car « il n’y a pas de planète B ».
C'est juste qu'il y a un peu trop de construction, et n’importe comment
18 h 02, le 06 décembre 2019