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Culture - Entretien

Élie Fahed : J’ai abordé mon métier comme un artisan

À travers les courtes vidéos postées sur ses réseaux sociaux, ou ses deux films « The Fear of Fear » et « Life in 2 minutes », qui viennent d’être projetés à la cérémonie GQ Men of the Year Awards au Portugal, Élie Fahed prône un cinéma artisanal et sincère qui interroge les choses simples de la vie et exprime son infini amour pour le Liban...


Élie Fahed, pour la réalité et la sincérité. Photo DR

Comment l’amour du cinéma vous est venu ?

Mes émotions les plus intenses ont toujours été provoquées par du cinéma. Il y a eu un premier choc lorsque j’ai visionné le volume 1 de Harry Potter. Je me rappelle que je m’étais demandé : comment quelque chose d’immatériel peut-il nous attraper par la main et nous transporter de la sorte ? Ensuite, il y a eu la découverte d’Almodovar, Scorsese et Fincher qui ont radicalement changé ma perception du cinéma, et même de la réalité. Aussi Xavier Dolan dont j’estime infiniment l’œuvre et qui, d’ailleurs, bien des années plus tard, a regardé et apprécié mes deux premiers films. J’ai toujours envisagé le cinéma comme un lieu de rêve, si bien qu’au départ, surtout dans mon milieu familial plutôt conservateur, il m’était impossible d’y envisager une carrière. Raison pour laquelle j’ai commencé par des études en biochimie que j’ai très vite abandonnées pour suivre mon cœur et me lancer dans le cinéma.

Tant dans « The Fear of Fear » et « Life in 2 minutes », vos deux films, ou les autres que vous partagez sur vos réseaux sociaux, il se dégage une impression de sincérité et de spontanéité...

Peut-être parce que ma carrière a commencé sans plan, avec un premier projet de diplôme Starring Julia qui racontait l’histoire d’une femme qui décidait de faire chambouler son destin à 70 ans, en devenant actrice. Ensuite, une fois dans le monde du travail, j’ai dû me consacrer à des projets publicitaires, histoire de faire des sous. Cela dit, en parallèle, je m’étais promis de faire chaque année un film personnel, qui aborde des choses qui me tiennent à cœur. C’est ainsi que j’ai fabriqué Things I Love, et j’insiste sur le mot « fabriqué », car cela s’est fait organiquement, en partant d’un recensement de choses que j’aime et que j’ai presque naïvement voulu mettre en scène…

Quels sont les thèmes qui vous inspirent ?

Pour moi, le cinéma est supposé exprimer des choses qu’on a du mal parfois à mettre en mots. J’aime bien démarrer de sujets presque banals en apparence, des choses simples de la vie de tous les jours, d’un sentiment, d’une question, d’une émotion et ensuite broder autour. C’est le cas de Life in 2 minutes, que j’ai réalisé après le décès de mon père, il y a deux ans. J’avais alors une foultitude de questions qui me taraudaient, sur l’éphémère, sur l’injustice de la vie parfois, sur l’acceptation d’une perte. Et, sans m’en rendre compte, je me suis vu écrire ce court-métrage qui, finalement, répondait à toutes ces questions. Puis il y a eu The Fear of Fear, ma manière d’aborder le thème de la peur qui m’a toujours semblé comme mon ennemi le plus redoutable. Je suis heureux de voir qu’au final, ces deux films ont eu une certaine résonance universelle. Ils viennent d’ailleurs d’être projetés à la cérémonie Men of the Year organisée par le magazine GQ au Portugal.

Vous semblez préférer les films très courts, quelques minutes à peine. Pourquoi ce choix ?

Nous sommes de plain-pied dans l’ère de l’ennui. Pour ma part, je préfère le cinéma plus long quand il est en salle. Mes courts-métrages, jusqu’à présent dédiés au web, se doivent d’être courts et condensés, pour que mon message soit le plus marquant possible et qu’il passe plus rapidement, aussi. Ainsi conçus, j’espère qu’ils parleront à ceux qui ne peuvent pas se rendre au cinéma…

Comment décririez-vous votre style ?

Je suis un obsédé des détails, depuis toujours je traque la fêlure, l’émotion dans l’infime, et c’est la raison pour laquelle le Liban et Beyrouth en particulier m’inspirent tellement. À mes yeux, une toute petite chose d’apparence anodine, comme un cône de « Bonjus », peut renfermer tellement de magie. En grandissant dans cette esthétique, j’ai abordé mon métier un peu comme un artisan. Dans tous mes courts-métrages, mes petites vidéos que je poste sur mon compte Instagram, ou même mes films publicitaires, tout se fait à la main. J’essaye le plus possible d’éviter le digital. J’aime la réalité et la sincérité…

Comment avez-vous réagi à la révolution de ce moment au Liban ?

En rêveur que je suis, la politique m’a toujours été étrangère et absurde. Tout ce que j’ai tenu à faire, depuis le 17 octobre, c’est formuler mon attachement à ce pays, en marge des discours politiques. J’ai mis en ligne Calling it home que j’avais réalisé il y a quelque temps, et à travers lequel je parlais de l’urgence écologique au Liban ; ainsi qu’un autre, Femmes de la révolution. J’ai aussi réalisé, en collaboration avec l’hôtel Phoenicia, une vidéo qui revient sur l’histoire de cet établissement qui, par-delà sa fonction hôtelière, restera à jamais l’un des lieux phares de l’âge d’or du Liban et de la guerre. Dans ce film, je dis cette phrase qui résume si bien le pays et notre façon d’être : « Au Liban, à chaque fois que le son des bombardements devenait plus fort, la musique s’intensifiait encore plus, par-dessus… » En fait, j’essaye de mettre en images ces choses miraculeuses qui font que le Liban est le Liban. Un peu comme sur cette vidéo où j’ai décidé, en commémoration de l’indépendance, de créer mon kit fantasmé du Liban : Feyrouz, Sabah, une chaffé (NDRL : tasse à café libanais), un taxi, la neige et le soleil, un “hi, kifak, ça va”, comme autant de clichés qu’on garde au creux de la poche et qu’on ressort, qu’on regarde et qui nous décrochent indéniablement un sourire, quand les jours sont gris… »

Comment l’amour du cinéma vous est venu ? Mes émotions les plus intenses ont toujours été provoquées par du cinéma. Il y a eu un premier choc lorsque j’ai visionné le volume 1 de Harry Potter. Je me rappelle que je m’étais demandé : comment quelque chose d’immatériel peut-il nous attraper par la main et nous transporter de la sorte ? Ensuite, il y a eu la découverte...

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