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Lifestyle - METOO

À Bollywood, les harceleurs font carrière, alors que celle de leurs victimes sombre

« Faut-il séparer l’homme et l’œuvre ? » s’interroge la critique à propos de Roman Polanski, accusé de viol, à l’heure de la sortie de son film, « J’accuse », alors que le mouvement #MeToo connaît des fortunes inverses selon la géographie. En effet, à rebours de Hollywood, à Bollywood, en Inde, les prédateurs sexuels sont « protégés ».

Depuis 2018, l’actrice Tanushree Dutta, ex-Miss Inde, vit une galère. Photo Sujit Jaiswal/AFP

« Ma carrière est finie. » : un an après l’irruption du scandale #MeToo à Bollywood, beaucoup d’actrices et de chanteuses indiennes, victimes de harcèlement ou de viol, affirment avoir pâti de leurs révélations, tandis que les hommes qu’elles accusent sont de retour sous les projecteurs.À rebours de Hollywood, où le mouvement a provoqué la chute du producteur Harvey Weinstein et libéré la parole dans l’industrie du spectacle, le statu quo semble tristement prévaloir en Inde. La chanteuse Sona Mohapatra s’est ainsi vue intimée de quitter une émission télévisée à laquelle elle participait après avoir accusé un compositeur, Anu Malik, de harcèlement sexuel. « J’ai été désignée comme une agitatrice et on m’a demandé de partir. Du jour au lendemain », a-t-elle raconté. Zee TV, la société produisant le programme de téléréalité auquel elle participait, a toutefois rejeté ses accusations, ajoutant que son éviction n’avait « rien à voir » avec #MeToo. Anu Malik, déjà objet d’une plainte pour agression sexuelle dans les années 1990, a de son côté dû quitter un programme concurrent, Indian Idol… qui l’a réintégré quelques mois plus tard. Mais après une riposte acerbe sur les réseaux sociaux, le compositeur, qui qualifie les accusations de « fausses et non vérifiées », s’est retiré une seconde fois de l’émission.

Ce fut une rare victoire pour #MeToo à Bollywood, où nombre d’hommes accusés de harcèlement et même de viol ont relancé leur carrière après à peine quelques mois d’inactivité. Tel Vikas Bahl, dont le nom a initialement été retiré du générique du film à succès Super 30 à la suite d’une plainte pour des comportements sexuels déplacés. Le réalisateur a ensuite été réintégré après avoir été blanchi par un comité interne, qui n’aurait pas entendu la victime. Le cinéaste Subhash Kapoor, jugé pour des brutalités, a d’abord été écarté d’un film produit par Aamir Khan, l’un des acteurs les plus connus de Bollywood. Mais la star a ensuite fait machine arrière, au nom du « droit à travailler et gagner sa vie » du réalisateur, affirmant que seul un tribunal pouvait établir sa culpabilité. Un processus qui peut prendre des années en Inde, au système judiciaire surchargé. L’acteur Alok Nath, qui fait l’objet d’une plainte pour viol, a, lui, poursuivi son accusatrice en diffamation. Le film Main Bhi (Me Too en hindi), dans lequel il joue le rôle d’un juge chargé d’affaires de harcèlement sexuel, doit bientôt sortir.

« J’imagine que le conseil que beaucoup d’hommes ont reçu, c’est : Mets-toi au vert pendant un an et les gens oublieront », estime Shweta Pandit, qui n’avait que 15 ans quand Anu Malik, de 25 ans son aîné, lui aurait demandé de l’embrasser en échange d’un travail. Chanteuse de formation classique, Shweta Pandit a raconté que l’incident, survenu en 2001 mais dont elle n’avait jamais parlé jusqu’à l’avènement de #MeToo, l’avait fait « se renfermer » et vivre en recluse. Depuis lors, la chanteuse est victime d’une campagne de dénigrement en ligne. Selon elle, certains décideurs masculins la perçoivent comme une menace potentielle et refusent de l’embaucher.

Prédateurs protégés

« Le système de protection des prédateurs est très solide » à Bollywood, estime Anusha Khan, une consultante animant des ateliers contre le harcèlement sexuel dans l’industrie du spectacle indienne.

L’affaire qui a lancé #MeToo en Inde, vieille de 11 ans, incarne ces désillusions. En 2008, l’actrice Tanushree Dutta avait accusé la star bollywoodienne Nana Patekar de l’avoir touchée de manière inappropriée lors du tournage d’une chanson. Elle avait alors 24 ans et lui 57 ans. Bien que deux personnes – un journaliste et un assistant réalisateur – aient corroboré publiquement les faits, la police avait refusé d’enregistrer sa plainte pour harcèlement. L’an passé, Tanushree Dutta a réitéré ses accusations. Devant la fronde que l’affaire a générée, la police a enfin décidé d’accepter la plainte initiale. Mais elle a classé l’affaire en juin dernier, invoquant des preuves insuffisantes. Des témoins ont été « intimidés », affirme cette ex-Miss Inde, estimant que l’enquête a été délibérément bâclée. Mais Tanushree Dutta, qui dit avoir « perdu des amis, du travail » et avoir connu « des phases de dépression » après l’incident, n’abandonne pas la partie et compte faire appel de cette décision. « Je n’ai jamais voulu être une révolutionnaire, souligne-t-elle. Mais ils ont déjà détruit ma carrière, alors qu’est-ce que j’ai à perdre ? Je ne reculerai pas. »

Source : AFP

« Ma carrière est finie. » : un an après l’irruption du scandale #MeToo à Bollywood, beaucoup d’actrices et de chanteuses indiennes, victimes de harcèlement ou de viol, affirment avoir pâti de leurs révélations, tandis que les hommes qu’elles accusent sont de retour sous les projecteurs.À rebours de Hollywood, où le mouvement a provoqué la chute du producteur...

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