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Liban - Polémique

L’usine de traitement des déchets de Tripoli à nouveau pointée du doigt

L’intervention du député européen Thierry Mariani sur la question, sur base d’une lettre d’un élu libanais, relance le débat.

L’usine de traitement de Tripoli le jour de son inauguration, en juin 2017. Photo DR

L’affaire n’est pas vraiment nouvelle, mais elle est, une fois de plus, propulsée sur le devant de la scène : l’usine de traitement des déchets de Tripoli, construite grâce à une collaboration entre l’Union européenne, le ministère d’État pour le Développement administratif (Omsar) et la Fédération des municipalités, est pointée du doigt pour son inefficacité, et ce pratiquement depuis les premiers mois de son fonctionnement.

L’affaire a été relancée récemment par un député français au Parlement européen, Thierry Mariani (Rassemblement national), sur base d’une lettre qui lui a été envoyée par un élu de Tripoli, tel qu’il l’a lui-même déclaré lors d’une intervention au Parlement européen le 29 novembre dernier. Devant ses collègues, M. Mariani a posé la question de savoir où vont les millions versés par l’UE au Liban, donnant pour exemple cette usine de déchets « qui n’a jamais fonctionné », selon la lettre qu’il a reçue. L’élu en question est Mohammad Nour el-Ayoubi, ingénieur et membre du conseil municipal de Tripoli, président de la commission de l’Environnement. « Nous pourrons rendre un service aux Libanais en faisant en sorte que l’argent donné par les Européens aille vraiment au peuple au lieu de se perdre dans la corruption », a également déclaré M. Mariani. La vidéo de cette intervention s’est rapidement répandue sur les réseaux sociaux.

Inaugurée en juin 2017 (voir L’OLJ du 12 juin 2017), l’usine de traitement des déchets de Tripoli a été fermée une première fois six mois plus tard, sur ordre du Premier ministre Saad Hariri, suite à des plaintes concernant son mauvais fonctionnement et les odeurs qui s’en dégageaient (voir L’OLJ du 30 décembre 2017). Elle a, depuis, recommencé à fonctionner. Mais alors qu’elle doit desservir, selon le projet initial, quatre municipalités (Tripoli, Mina, Beddaoui et Qalamoun), soit 500 000 personnes et une moyenne de 450 tonnes par jour, elle est aujourd’hui loin du compte, selon des sources municipales. Cette usine est gérée par un consortium privé libano-français, AMB-Nicolin.


Réponse de l’UE
En réponse à l’affaire soulevée par le député européen, une source officielle du bureau de l’UE au Liban déclare à L’OLJ que « de 2010 à 2014, l’Union européenne a financé la construction du centre de tri de l’usine de traitement des déchets solides de Tripoli, plus précisément du hangar pour structures en acier, et des travaux de génie civil relatifs à l’équipement. Tous les travaux ont été réalisés conformément au contrat signé avec Omsar et ont fait l’objet d’une évaluation interne et externe. L’exploitation et la maintenance de l’installation depuis son ouverture en 2017 relèvent de la responsabilité des autorités nationales et locales ».

Interrogé sur cette affaire, Bassem Bakhache, ingénieur et membre du conseil municipal de Tripoli, estime que le projet n’a pratiquement pas d’utilité pour la ville, même si l’usine fonctionne actuellement. « Nous notons des failles depuis le début de ce projet, affirme-t-il à L’OLJ. D’une part, le ministère en charge n’est pas spécialisé dans la gestion des déchets. D’autre part, l’appel d’offres a été remporté par un consortium franco-libanais, AMB-Nicolin. Le spécialiste en la matière est le partenaire français, or nous avons tôt fait de constater que sa présence n’était pas effective, et que la véritable compagnie en charge était AMB, dont ce n’est pas l’expertise. Voilà pourquoi le dysfonctionnement n’a pas tardé à devenir évident, et l’usine a été fermée une première fois six mois après son inauguration, en raison des odeurs insupportables dégagées par le compostage en plein air. Elle a rouvert ses portes plus tard, après quelques aménagements, mais n’a jamais correctement fonctionné. »

Contacté à plus d’une reprise par L’OLJ, le directeur d’AMB, Chadi Bou Mesleh, est resté injoignable hier.


(Lire aussi : À Tripoli, les manifestants protestent contre la gestion désastreuse des déchets)


Un an de retard
« Pourquoi un centre de tri qui devait réduire les déchets de la ville de 60 à 70 % ne le fait-il qu’à hauteur de 3 à 5 % au meilleur des cas ?

se demande Bassem Bakhache. Le pire dans l’affaire, c’est le coût de l’opération qui est de trois millions de dollars par an. Finalement, nous payons deux factures, celle du traitement et celle de l’enfouissement, alors que le premier n’est pratiquement pas fait. »

M. Bakhache souligne que les frais d’opération sont couverts par l’UE pour les trois premières années, ce que nous n’avons pu vérifier de source indépendante. Les frais de construction de l’usine ont été couverts par AMB, toujours selon lui, la compagnie devant gérer l’affaire durant sept ans. Bassem Bakhache ne nie pas l’existence de rumeurs suivant lesquelles la lettre envoyée au Parlement européen serait mue par la volonté de voir un autre projet de traitement des déchets installé dans la ville. « Il n’en demeure pas moins qu’aborder ce sujet au Parlement européen était utile », dit-il, ne souhaitant pas développer sur le fond de ces rumeurs.

Il rappelle que le problème des déchets à Tripoli est ancien et n’a jusque-là pas été abordé de manière satisfaisante : après la fermeture de la décharge sauvage de la ville, qui a servi durant des dizaines d’années et qui fait une quarantaine de mètres de haut, une nouvelle décharge contrôlée vient d’être construite à proximité, avec un budget de 33 millions de dollars, pour une durée de trois ans (un contrat signé avec la compagnie Batco par le Conseil du développement et de la reconstruction). « Ce centre de tri et de traitement aurait été grandement utile afin que les déchets ne se retrouvent pas tous dans la décharge, qui sera saturée précocement », souligne M. Bakhache.

Or, selon lui, la Caisse koweïtienne pour le développement avait décidé de financer un projet de réhabilitation et de développement de cette usine existante, mais le projet a déjà eu une année de retard. « La compagnie chargée par le CDR de réaliser une étude d’impact environnemental de ce projet doit tenir une audience publique à ce propos, mais les atermoiements continuent », révèle-t-il.

L’affaire n’est pas vraiment nouvelle, mais elle est, une fois de plus, propulsée sur le devant de la scène : l’usine de traitement des déchets de Tripoli, construite grâce à une collaboration entre l’Union européenne, le ministère d’État pour le Développement administratif (Omsar) et la Fédération des municipalités, est pointée du doigt pour son inefficacité, et ce...

commentaires (2)

AVEC LES INVESTISSEMENTS IL FAUT DE L,EXPERTISE ET SURTOUT DU CONTROLE CAR LE M,ENFOUTISME EST UNE REGLE GENERALE.

LA LIBRE EXPRESSION

14 h 00, le 04 décembre 2019

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Commentaires (2)

  • AVEC LES INVESTISSEMENTS IL FAUT DE L,EXPERTISE ET SURTOUT DU CONTROLE CAR LE M,ENFOUTISME EST UNE REGLE GENERALE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 00, le 04 décembre 2019

  • Cette usine est ce qu'on appelle un "éléphant blanc", soit un projet financé de l'extérieur, avec des opérateurs fantômes, hors de tout contrôle, qui ne fonctionne pas mais permet à certains de s'en mettre plein les poches...au détriment des usagers et au mépris de l'intérêt public. Combien d'éléphants blancs au Liban?

    otayek rene

    10 h 04, le 04 décembre 2019

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