Trente-cinq jours après le déclenchement du mouvement de protestation populaire et en dépit de trois discours du secrétaire général du Hezbollah pendant cette période, plusieurs parties politiques s’interrogent sur la véritable position de cette formation et sur ce qu’elle compte faire pour éviter les effets négatifs de ce mouvement et du processus qui a été ainsi déclenché.
Tout en comprenant parfaitement la colère populaire qui a poussé au déclenchement de cette révolte, le Hezbollah garde ses distances car, selon des sources qui lui sont proches, le parti chiite a une lecture plus régionale que locale des événements et il ne peut pas écarter totalement la possibilité que la contestation se retourne contre lui dans une étape ultérieure.
Depuis le début du mouvement et en dépit de certains reproches qui lui ont été faits de la part de plusieurs de ses alliés, le Hezbollah a adopté ce que ces sources appellent « une attitude de patience stratégique ».
Dans l’optique de cette formation, il s’agit ainsi dans un premier temps de ne pas réagir à chaud et de laisser le mouvement prendre son ampleur pour pouvoir mieux l’analyser. Le Hezbollah aurait certes préféré que le Premier ministre Saad Hariri ne démissionne pas et entame l’exécution du plan de réformes que son gouvernement a élaboré, plutôt que de renverser les priorités en mettant en avant la vacance au niveau de l’exécutif. Mais à partir du moment où le Premier ministre a choisi de démissionner, la position du Hezbollah s’est adaptée à ce développement en s’accrochant d’abord au maintien de Saad Hariri à la tête du gouvernement, tout en ajoutant qu’il faut former un gouvernement au moins mixte, c’est-à-dire composé de figures politiques et de technocrates.
En même temps, le parti chiite était soucieux de mettre « ses » régions à l’abri des protestations populaires, surtout qu’il a rapidement senti un intérêt particulier des médias arabes et étrangers pour mesurer l’ampleur du soulèvement dans les régions à majorité chiite. Après les premiers jours du mouvement au cours desquels des protestations s’étaient déroulées à Tyr, à Nabatiyé et jusqu’à Baalbeck et Hermel, les sources proches du Hezbollah estiment que ce dernier a réussi à circonscrire les protestations dans les régions considérées comme son fief. Aujourd’hui, la banlieue sud de Beyrouth, par exemple, n’est le théâtre d’aucune manifestation, alors que celles-ci restent très limitées au Sud ou à Baalbeck-Hermel en dépit des tentatives de certains médias de les amplifier.
De même, le Hezbollah estime avoir déjoué le piège possible qui consistait à le pousser à envoyer ses manifestants pour faire face au mouvement populaire et à se laisser ainsi entraîner dans une confrontation destructrice pour tous. Il a ainsi rejeté la logique d’une « rue contre l’autre » et préféré se tenir à l’écart, tout en appelant ses partisans à conserver leur calme et à ne pas réagir aux provocations. De fait, excepté quelques réactions qui sont restées limitées, les partisans du parti ne se sont pas réellement manifestés et il n’y a pas eu de véritable confrontation entre eux et les protestataires.
Enfin, le Hezbollah estime aussi avoir évité le piège d’une confrontation entre les forces de l’ordre et les manifestants, qui à ses yeux était peut-être voulue par certaines parties, d’une part pour désavouer l’armée qui reste un des piliers de l’équation « armée-peuple-résistance » qu’il veut préserver, et d’autre part pour provoquer un chaos qui ne profite certainement pas à son environnement populaire. C’est d’ailleurs dans cet esprit qu’hier le président de la Chambre Nabih Berry a déclaré que dans le report de la séance parlementaire de mardi, il y a eu un perdant : la discorde, et un gagnant : le Liban. M. Berry et le Hezbollah étaient ainsi convaincus que ce jour-là, parmi les manifestants, il y en avait qui voulaient provoquer un incident avec les forces de l’ordre, notamment avec la police du Parlement, pour discréditer celle-ci et surtout renouveler ainsi l’élan de mobilisation populaire.
Pour toutes ces raisons (justifiées ou non), le Hezbollah estime que son attitude de « patience stratégique » a été efficace jusqu’à maintenant en lui permettant de déjouer les pièges éventuels.
Selon les sources qui lui sont proches, le Hezbollah miserait donc sur le temps pour que les dessous de cette contestation deviennent plus clairs. Même si la crise se prolonge et que se profile le spectre de l’effondrement financier et économique, il estime qu’en étant hors du circuit financier traditionnel, il sera le moins touché par ce développement. Par conséquent, il n’est pas inquiet outre mesure de la prolongation de la période de gestion des affaires courantes. Justement, à ce sujet, le parti chiite continue de croire que le Premier ministre démissionnaire serait le plus habilité à diriger le nouveau gouvernement pour la période à venir. D’autant qu’à ses yeux, il est en partie responsable de la situation dans laquelle se trouve le pays. Mais il n’est pas question pour autant d’accepter un gouvernement formé uniquement de technocrates. Si le Saad Hariri s’en tient à sa position, le Hezbollah estime qu’il faudra s’entendre avec lui sur une personnalité en mesure de prendre la relève. Mais, selon les sources proches du parti, il n’est pas question pour lui de songer à un gouvernement unilatéral pour ne pas braquer la communauté sunnite car à ce moment-là, le paysage politique se transformera de protestations populaires en discorde entre sunnites et chiites, ce qu’il veut éviter à tout prix.
Au Hezbollah, le mot d’ordre est donc au calme, à éviter les provocations et à laisser le temps faire son œuvre.
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HEHEHEHE ! Mme l'auteure ne pouvait pas exprimer la chose telle quelle. HEZBOLLAH, WALI FAKIH N'ONT PAS LE CHOIX ! OBLIGES DE "PATIENTER" CAR SINON ....??? .... AH OUI, patience strategique sauf QU'ILS SONT DANS LE FLOU TOTAL. POUR UNE FOIS ! J'ESPERE PAS POUR LONGTEMPS .
09 h 43, le 24 novembre 2019