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Nos Lecteurs ont la Parole - Pierre-Louis REYMOND

Beyrouth express

Premier séjour à Beyrouth. Laissez-moi vous conter pourquoi il me sera difficilement oubliable.

Mercredi 16 octobre : arrivée à l’aéroport. Première plongée dans un univers oriental carressé par mes rêves d’ailleurs, de destinations à découvrir et de paysages irréels. Parcours nocturne en taxi de rues jonchées de vitrines endimanchées.

Le lendemain, jeudi 17 octobre : découverte de ce que l’on appelle ici aussi le « hirak », ce mouvement de révolte spontané, disent les experts, dans lequel la colère dirigée contre l’incurie de la classe politique se conjugue au fervent désir d’un avenir meilleur. Venu à Beyrouth pour participer au Salon « Destination France » consacré à la présentation d’un certain nombre de structures de l’enseignement français – dont les classes préparatoires que je représente –, je découvre le Liban en direct, sur le terrain, sans filtre.

En direct et sans filtre, comme le soir de ce deuxième jour lorsque, après un repas mémorable sur le front de mer, d’aucuns – manifestants ou révolutionnaires, à vous de choisir, – entreprennent à une vitesse hallucinante de dresser devant notre bus une barrière de pneus et d’y mettre le feu. Retour à l’hôtel par d’autres chemins.

Troisième jour : vendredi 18 octobre. Je suis, ce matin, l’invité de la chaîne Alaraby TV, canal panarabe généraliste basé à Londres qui diffuse sa matinale depuis Beyrouth. Pas d’analyse géopolitique pour moi cette fois-ci. Nous parlerons de mon parcours d’arabisant (quand je pense qu’en d’autres temps on aurait simplement dit « orientaliste », quel beau mot abandonné à la broyeuse des idéologues !). Café avec les journalistes et l’équipe technique. La conversation porte sur l’actualité du moment, notamment le slogan désormais « enrichi », destiné au gouvernement et popularisé par la foule : ce n’est plus seulement « vous nous avez volés », mais « vous nous avez volés et vous nous avez affamés ! ».

Un cameraman demande à son collègue comment il va faire pour rentrer. Belle piqûre de rappel pour se souvenir que des routes sont coupées... et non moins belle occasion pour moi de me demander la même chose...

Sur le plateau, la connexion est établie avec la place Riad el-Solh où se trouve la correspondante de la chaîne. Son récit m’éclaire sur les événements de la veille. Les manifestants entrent dans le vif du sujet et ne vont pas tarder à investir la place. Beyrouth est désormais réveillée et bien réveillée. Je me prépare à passer la journée, et peut-être la nuit, au studio...

Mon intervention terminée, on m’engage avec prestance à m’engouffrer dans le véhicule qui m’a conduit à destination pour me rediriger vers la mienne. J’y parviendrai sans trop de peine, à une route coupée près.

Vendredi après-midi : les principales voies d’accès en ville sont effectivement coupées. Le Salon est annulé. S’engage une discussion pour savoir si la route qui longe le littoral est elle aussi coupée. Après tout, si les voies d’accès à notre lieu de travail sont condamnées, pourquoi ne pas aller à Byblos ?! Ou comment les fonctionnaires de l’Éducation nationale en mission savent en un tour de main se convertir en programmateurs distingués d’excursions touristiques... Le collectif s’invitera finalement lui-même à adopter une certaine prudence... Exit Byblos pour cette fois...

Vendredi soir, hôtel... Sous prétexte que certains d’entre nous, qui avaient leurs vols programmés pour l’après-midi, ont dû marcher une demi-heure pour rejoindre l’aéroport, les discussions vont bon train pour savoir s’il en sera de même le lendemain matin. Je suis partisan de changer de sujet. Nous n’avons aucune visibilité ni dans un sens ni dans l’autre, si ce n’est que jusqu’à preuve du contraire, notre avion décolle à 8h, nous quitterons donc l’hôtel à 5h comme prévu. Arrivera ce qu’il arrivera. Fermez le ban. Il s’avère que nous sommes bien arrivés à Paris, et sans aucun retard.

J’ai aimé vous conter ce Beyrouth express, fruit d’un Liban en ébulition qui fut mon premier Liban ; je l’appellerai ainsi, parce qu’il m’aura procuré accueil, transparence et vérité, autrement dit les principaux ingrédients pour nourrir à son égard une réelle affection.

Chers nouveaux amis, bonne chance !

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour.

Premier séjour à Beyrouth. Laissez-moi vous conter pourquoi il me sera difficilement oubliable. Mercredi 16 octobre : arrivée à l’aéroport. Première plongée dans un univers oriental carressé par mes rêves d’ailleurs, de destinations à découvrir et de paysages irréels. Parcours nocturne en taxi de rues jonchées de vitrines endimanchées. Le lendemain, jeudi 17 octobre :...

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