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Nos Lecteurs ont la Parole - Sylvain THOMAS

Penser et réfléchir pour agir

Lâcheté intellectuelle ou indolence font de la plupart des gens « des manipulés ». Le monde vit de phrases que l’on répète jusqu’à ce que survienne un penseur qui fait brèche dans ce rempart du conformisme. Si toute conversation un peu au-dessus de nos petites antipathies ou de nos vagues sympathies nous ennuie, c’est que nous ne pensons pas. Si dès qu’un livre ou un journal soulève une question qui demande un peu de recherche ou de réflexion nous bâillons, nous nous énervons, c’est que nous sommes étrangers à la réflexion. Il faudrait s’attaquer de bonne heure à cette langueur de l’esprit.

Il faut commencer par comprendre et, ensuite, penser et apporter les critiques adéquates. Ce qui importe, c’est d’avoir une opinion à soi sur une idée, un poème, un roman, une donnée théologique, une idée politique, un système ou une œuvre d’art, et de mettre par écrit cette opinion assez clairement pour lui donner l’expression qu’elle mérite. Critique et jugement sont de simples synonymes de pensée.

La formation intellectuelle aboutit à chercher des relations entre deux idées ou deux faits, à ne jamais examiner une chose sans en voir une autre à côté ou sous-entendue. Qu’est-ce que cela, sinon penser, et n’est-ce pas à la portée de chacun ? Que l’on se détourne des banalités pour emmagasiner du savoir véritable ; qu’on permette à l’esprit de circuler librement dans cette masse de données, la pensée active se produira. À quoi tend la réflexion sinon uniquement à découvrir quelque chose que l’on ne voyait pas d’abord et qui satisfera ensuite l’intelligence ?

Les faits ne sont que des matériaux pour la pensée : il faut les collectionner. Collectionner plus soigneusement encore les idées mêmes, les emmagasiner dans l’esprit par la rencontre de faits générateurs. Ne pas garder des traces de ce qu’on vient d’apprendre ou de penser est aussi absurde que de cultiver et ensemencer laborieusement sa terre pour ensuite tourner le dos à la moisson.

Le principe qui a toujours assuré à un esprit la supériorité véritable se traduit dans le précepte bien connu : « Ne lisons pas les bons livres – la vie est trop courte –, ne lisons que les excellents. » Et parmi ceux-là, « lisons seulement ceux qui nous donnent le plus grand plaisir ». Grands livres, grandes vies, grands problèmes, grands faits, grandes biographies, romans vécus et leurs conclusions, tout cela ne peut produire que de grandes pensées. Plus on est occupé, plus il faut être sévère dans son choix. Il ne manque pas d’hommes d’affaires dont la qualité de culture nous surprend.

C’est, sans doute, que le travail et même la fatigue qu’il laisse après lui ont toujours leur noblesse, mais c’est surtout que, dans des existences aussi remplies, il ne peut y avoir de place pour des occupations intellectuelles médiocres.

« Le temps nous manque », disons-nous… Vraiment ? Sommes-nous sincères ou répétons-nous seulement ce que tout le monde dit? Pas de temps ! Examinons notre conscience et répondons. N’y a-t-il pas des quarts d’heure que nous pourrions reprendre, non sur notre travail, notre exercice physique, notre famille ou nos amis, mais sur des amusements qui ne nous donnent vraiment pas beaucoup de plaisir ? Le bavardage des gens ? Le cinéma, la télévision, les week-ends ou la famille qui ne nous laissent rien...

Savons-nous « ramasser les fragments du temps, de peur qu’ils ne périssent » ? Un des Abillamaa était marié à une femme qui le faisait toujours attendre quelques minutes avant de dîner. Il se dit un jour que huit ou dix lignes pourraient s’écrire pendant cet intervalle et il fit mettre stylo et papiers dans un endroit propice à son projet. Avec le temps – car si les années sont courtes les minutes sont longues –, plusieurs volumes de pensées et de réflexions en langue arabe sortirent de cette idée.

Que faisons-nous lorsque nous sommes un peu libres ? Si nous sommes contents de ne rien faire, c’est regrettable ; mais si nous nous impatientons, c’est notre faute. Il y a dans le monde la multitude de gens que l’attente exaspère et le petit groupe de ceux qui aiment assez attendre parce qu’ils y trouvent le temps de la réflexion.

Rien de plus vrai, rien de plus encourageant pour tout homme entraîné par le désir d’agir mais retardé par la vieille paresse humaine que le proverbe grec : « Le commencement est la moitié du tout. » Les gens très occupés trouvent du temps pour tout. Ceux qui n’ont rien à faire n’ont de temps pour rien.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour.

Lâcheté intellectuelle ou indolence font de la plupart des gens « des manipulés ». Le monde vit de phrases que l’on répète jusqu’à ce que survienne un penseur qui fait brèche dans ce rempart du conformisme. Si toute conversation un peu au-dessus de nos petites antipathies ou de nos vagues sympathies nous ennuie, c’est que nous ne pensons pas. Si dès qu’un livre ou un...

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