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Nos Lecteurs ont la Parole - par Huguette ABS ABOU-MRAD

J’ai mal à ma patrie

Ma voix ne plaît pas. Elle sent le dégoût et la résignation. À la question : « Qu’as-tu ? » je réponds : « Je souffre d’une maladie made in Lebanon. » Il est vrai que nous ne produisons presque plus rien, dans ce pays à l’économie famélique, sauf un produit spécial qui n’a jamais fait défaut : « la déception libanaise ». À la mangue, menthe ou vanille...Tous les parfums y sont. À chaque situation une douleur, une blessure, un regret. Cela a commencé à notre insu, est devenu un mode de vie et s’est installé dans l’histoire d’un peuple. Espoir, déception, amertume, puis de nouveau espoir, déception... ainsi de suite... Ça se nomme la « lutte à la libanaise ».

Depuis le temps de la guerre, nous n’avons cessé de lutter. Pour ne pas perdre, pour ne pas tomber, pour ne pas partir. À mes élèves, à mes enfants... quels discours je tenais ! La patrie vaut mieux que tous les pays. Je « me crois » toujours en m’écoutant, je m’y accroche avec mes cinq sens et mon cœur ; et comme ma déception est « made in Lebanon », je la porte avec plaisir et tristesse telle une croix paradoxalement aimée et redoutée.

Contrairement aux attentes malveillantes, je n’irai pas chercher ailleurs. Malgré les ordures, les incendies et les mensonges. Malgré les déceptions politiques, économiques et sociales qui s’entassent tristement dans ma mémoire à l’espace quasi saturé de ces monstrueux élus et réélus. Malgré l’envie de cracher sur leurs figures bien avant leurs tombes (pardon Boris Vian), je n’irai nulle part parce que ma lutte m’appartient et me conforte dans ma citoyenneté moitié rebelle moitié convaincue. Mon pays m’appartient tel qu’il est : défiguré, mutilé, exploité, blessé et pauvre...

Je ne le vendrai jamais ; tandis que leur âme à eux – ces responsables irresponsables – a été bien vendue... au diable... à très bas prix !


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour.

Ma voix ne plaît pas. Elle sent le dégoût et la résignation. À la question : « Qu’as-tu ? » je réponds : « Je souffre d’une maladie made in Lebanon. » Il est vrai que nous ne produisons presque plus rien, dans ce pays à l’économie famélique, sauf un produit spécial qui n’a jamais fait défaut : « la déception libanaise ». À la...

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