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Nos Lecteurs ont la Parole - Général (r) Maroun Hitti

La honte des survivants

Beaucoup de dates ont un sens, particulièrement pour nous celle du 13 octobre 1990. Elle en a en effet plusieurs, et des plus contradictoires. Elle est considérée comme le triste épilogue « officiel » de la « guerre civile libanaise » commencée « officiellement » le 13 avril 1975. Mais pour moi et pour beaucoup d’autres, c’est la date d’un rappel d’une prise de conscience commune pour ceux qui sont tombés pour ne plus se relever.

Chateaubriand écrivait que « les vivants ne peuvent plus rien apprendre aux morts. […] Les morts, au contraire, instruisent les vivants ». Comme je souhaiterais – hélas – que cela fut vrai dans notre cas !

C’est ainsi que l’un de mes camarades, général à la retraite, m’avait récemment appris qu’un groupe d’anciens comptaient célébrer un office pour le repos de l’âme de nos camarades morts au combat, le samedi 12 octobre, la proximité de la triste date du 13 octobre 1990 servant de motif à cette commémoration.

Par ferveur envers le souvenir de certains qui m’avaient commandé, d’autres que j’avais commandés et qui, hélas, ne sont plus, je l’y avais encouragé.

Toutefois, instruit par l’expérience, je lui avais montré le risque que cette célébration pourrait bien être accaparée par des quêteurs de popularité, ce qui la détournerait de la conception initiale.

Mes craintes se confirmèrent et l’affaire fut perçue comme la négation d’une autre composante politique qui, se sentant visée, déclara célébrer un « contre-office » pour ces mêmes morts au combat le lendemain, dimanche 13 octobre ! Déconcerté par la tournure des événements, j’ai tenu à écrire cette lettre, en toute neutralité, l’affaire ne pouvant supporter une tierce partie... Car nous passons déjà de la division au morcellement et à l’effritement.

Je suis certain que les militaires, qui moururent au combat durant les années de la guerre civile, savaient qu’au fond, s’ils ne désiraient pas vraiment mourir, ils couraient un des risques majeurs du métier de soldat et acceptaient ce fait.

Je suis certain aussi qu’ils savaient qu’ils risquaient leur vie, non pas pour qu’un parti vienne en récolter les fruits, aussi proche soit-il de par son origine de la formation dont ils étaient issus – l’armée libanaise – ni pour un homme, aussi important soit-il, animé ou non d’ambitions politiques, mais pour une idée d’un Liban, incarnée alors par cet homme.

Ce dont je suis le plus fier et certain, c’est qu’ils risquaient leur vie pour qu’un État surgisse, qui gouvernerait une nation libanaise, libre, souveraine et indépendante.

Ce dont je suis le plus malheureusement certain, c’est qu’ils doivent se retourner dans leurs tombes sacrées, face à la décadence des survivants, tristes applaudisseurs serviles attablés aux déshonorants couverts de ceux qui prétendent recueillir les dividendes de l’ultime sacrifice auquel ils ont consenti.

Les morts nous instruisent. Ils nous disent : « Survivants, vous déshonorez notre mémoire. Le devoir de réserve ne finit pas avec le service actif. Réservez-vous ! »

J’irai prier seul pour le repos de leur âme, dans le silence et le recueillement. Et paix à ma Patrie.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour.

Beaucoup de dates ont un sens, particulièrement pour nous celle du 13 octobre 1990. Elle en a en effet plusieurs, et des plus contradictoires. Elle est considérée comme le triste épilogue « officiel » de la « guerre civile libanaise » commencée « officiellement » le 13 avril 1975. Mais pour moi et pour beaucoup d’autres, c’est la date d’un rappel...

commentaires (2)

Bravo !

Remy Martin

23 h 39, le 14 octobre 2019

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Commentaires (2)

  • Bravo !

    Remy Martin

    23 h 39, le 14 octobre 2019

  • Je vous salue Mon Général !

    Moussalli Georges

    00 h 31, le 11 octobre 2019

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