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Moyen Orient et Monde - Entretien express

« Le pouvoir marocain utilise la justice comme moyen de pression sur les journalistes »

Pour un responsable de Reporters sans frontières, la condamnation de Raissouni est liée à sa profession de journaliste.


Des activistes marocains manifestant en soutien à la journaliste Hajar Raissouni à Rabat hier. Youssef Boudlal/File Photo/Reuters

Le tribunal de Rabat a condamné lundi Hajar Raissouni, journaliste marocaine de 28 ans, à un an de prison ferme pour « avortement illégal » et « relations sexuelles hors mariage ». Arrêtés et jugés en même temps qu’elle, son gynécologue a écopé de deux ans de prison ferme et son fiancé d’un an. Ce jugement serait une affaire politique et non une affaire de mœurs, estiment les proches de la journaliste. Cette dernière travaille pour le journal indépendant Akhbar al-Yaoum, connu notamment pour ses articles critiques contre le pouvoir. Souhaieb Khayati, directeur du bureau Afrique du Nord de Reporters sans frontières, répond aux questions de L’OLJ sur les enjeux de cette condamnation.

Hajjar Raissouni est-elle visée, dans cette affaire, en raison de sa profession, selon vous ?

Le verdict qui a été rendu est extrêmement lourd et il n’est pas anodin qu’il s’abatte sur une journaliste travaillant pour le quotidien Akhbar al-Yaoum, journal très critique du régime. De fait, nous constatons depuis maintenant plus de trois ans une utilisation croissante de la justice comme moyen de pression sur les journalistes marocains. Les chefs d’accusation incriminent très rarement les journalistes pour leurs écrits. Ils portent, de façon détournée, sur l’atteinte à la sécurité du pays, sur une connivence avec des pays étrangers, sur des abus sexuels ou, comme c’est le cas aujourd’hui, sur un avortement illégal. L’éditorialiste et directeur du journal Akhbar al-Yaoum, Taoufik Bouachrine, a lui aussi été victime d’une campagne de diffamation et a écopé d’une peine de douze ans de prison pour des violences sexuelles qu’il a toujours niées.



(Lire aussi : Un an de prison ferme pour une journaliste jugée pour « avortement illégal »)


Est-ce une méthode de plus en plus utilisée par le palais ?

C’est une épée de Damoclès qui plane continuellement au-dessus des journalistes qui veulent exercer leur métier librement. Depuis 2015, nous vivons une régression des libertés de la presse et de l’information, avec des restrictions de plus en plus marquées pour exercer le métier de journaliste. Nous le déplorons et essayons de développer un dialogue constructif avec les autorités pour les sensibiliser à la situation.

Les condamnations comme celle de Hajar Raissouni ont un écho important dans la presse internationale et font très mauvaise presse pour le Maroc. Cependant, le pouvoir en place continue à avoir une position rigide et inflexible. Nous ne perdons pas espoir et continuerons à faire le nécessaire pour améliorer la situation des journalistes et des médias travaillant au Maroc.



La situation de la liberté de la presse au Maroc est-elle représentative de la situation au Maghreb ?

En Afrique du Nord, il y a une seule exception, la Tunisie. Après la révolution de 2011 et la transition démocratique qui s’en est suivie, le gouvernement tunisien a veillé à garantir un meilleur niveau de liberté pour la presse. Le secteur médiatique et les journalistes se sont battus pour leurs droits et continuent à le faire. La Tunisie reste 74e sur 180 pays dans notre classement des pays selon le respect de la liberté de la presse. Si les espoirs sont grands, le pays ne fait donc toujours pas partie de ceux où on peut bien exercer le métier de journalisme. Le Maroc, quant à lui, est 135e, ce qui illustre bien les difficultés auxquelles sont confrontés les journalistes du journal Akhbar al-Yaoum pour écrire librement.


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