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Lifestyle - Théâtre

Quand le théâtre devient thérapie sociale

La seconde pièce du Festival du théâtre européen, « True Danes », a été jouée à deux reprises hier au théâtre al-Madina. Retour sur une production danoise, en collaboration avec l’ambassade du Danemark au Liban, dans laquelle des gens ordinaires racontent leurs problèmes les plus intimes.

« True Danes », des acteurs non professionnels dirigés par Henrik Hartmann. Photo DR

Cinq personnes sont assises chacune sur une chaise. Pas de décor, pas d’effet de lumière, pas de fioritures. Rien. Tour à tour, ces gens se lèvent et parlent. Ils racontent, dans les détails les plus intimes, les sévices qu’ils ont chacun pu subir ou infliger. C’est du brut ; fin de l’illusion théâtrale : ces gens ne sont pas des acteurs professionnels. C’est d’époque, on demande du vrai, du réel, du concret ; ces gens de la société civile qu’on a propulsés sur une scène en sont les représentants. Ils racontent, à la manière de ces conférences TEDx ou de ces fausses fictions qui sont de vrais documentaires, les affres de leur existence qui sont aussi celles de leur société. Ils se font chacun les portes-parole des traumatisés d’un Occident toujours plus froid et déshumanisé : ils en sont les victimes résilientes qui se relèvent et tentent de retisser le lien social. L’un a été victime de la cruauté de ses pairs à l’école, l’autre des dysfonctionnements psychiques entraînés par une auto-agressivité liée à un manque de confiance, et puis il y a ceux dont les parents furent les bourreaux et qui devenaient violents avec autrui, parfois jusqu’à passer par la case prison. Tous ont plus ou moins le même discours : d’abord des problèmes qui apparaissent dans l’enfance (ainsi est-il bien attesté qu’ils en sont victimes) sans être résolus, un traumatisme profond et ostracisant à gérer ensuite, enfin la présentation d’une voie de sortie qui repose sur la parole tournée vers son prochain.

Là, on retrouve la première valeur cathartique du théâtre, au sens grec du terme, à la fois pour celui qui se fait acteur (et il le devient véritablement d’une certaine manière puisqu’il récite et joue face à une audience un texte construit préalablement) et pour le spectateur qui, par la transparence de ces discours authentiques et personnels, est en mesure de s’identifier.C’est là le point fort de True Danes – présentée hier dimanche à deux reprises à al-Madina dans le cadre du Festival du théâtre européen, sur un texte et une mise en scène de Henrik Hartmann avec les acteurs non professionnels Ali Abdul Amir Najei, Carl August Balk-Møller, Leika Fuglsang, Ulla al-Wedyan, Nadia Amalie Hjortø – dont l’objectif n’est clairement pas l’invention d’une esthétique dramaturgique ni d’une véritable construction narrative, mais bel est bien de faire de l’espace scénique un lieu de condensation sociale, un catalyseur de vécus et d’expériences humaines.



(Lire aussi : Le Festival du théâtre européen sous le signe de la jeunesse et de la nouveauté)



Une organisation pour l’intégration sociale
Si True Danes entretient une telle proximité avec le documentaire journalistique plutôt qu’avec la création artistique, c’est que sa première vocation est celle du soin par le diagnostic, dans un sens qu’on pourrait appeler « sociomédical ». Autrement dit, on y voit quasi exclusivement l’aspect curatif d’une thérapie sociale ; et c’est là véritablement le reflet d’une société (plus que danoise évidemment : toute occidentale) malade et en perte de repère. On le comprend d’autant mieux qu’à l’origine, c’est une organisation danoise dédiée à l’intégration et à l’éducation sociales et culturelles basée à Copenhague qui a entraîné les « acteurs ». Cette organisation s’appelle C :NTACT, elle existe depuis 20 ans au Danemark et se sert du théâtre pour la réhabilitation et le bien-être des minorités. Elle a déjà présenté des pièces aux quatre coins du monde, avec à chaque fois la même vocation : offrir aux personnes marginalisées d’une société la possibilité de créer une histoire personnelle de leurs difficultés et de la jouer sur scène pour l’exorciser.

Ainsi, C :NTACT via True Danes, œuvrera aussi pour un pan de la population marginalisée libanaise. Les représentants de l’organisation se sont en effet tournés vers un petit échantillon d’une dizaine de jeunes Palestiniens et Syriens qui se réunissent régulièrement dans le camp de Chatila au One Hand Puppets Theatre. C :NTACT va leur proposer leur formule au cours d’ateliers conduits par Henrik Hartmann, qui auront lieu aujourd’hui et demain, jusqu’à aboutir à une représentation au théâtre al-Madina mercredi à 18h30. Les jeunes monteront ce jour-là sur scène pour raconter leur histoire et deviendront les acteurs de Hidden Stories from Lebanon. Un rendez-vous qui sera certainement intéressant, au même titre que la pièce True Danes, en ce qu’il permettra de discuter au niveau anthropologique d’une faille profonde de notre société : l’enclavement communautaire.

À signaler que le Festival du théâtre européen se poursuit au théâtre al-Madina jusqu’au 12 octobre.

Cinq personnes sont assises chacune sur une chaise. Pas de décor, pas d’effet de lumière, pas de fioritures. Rien. Tour à tour, ces gens se lèvent et parlent. Ils racontent, dans les détails les plus intimes, les sévices qu’ils ont chacun pu subir ou infliger. C’est du brut ; fin de l’illusion théâtrale : ces gens ne sont pas des acteurs professionnels. C’est d’époque,...

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