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Liban - Parution

Ermites apôtres, ou l’aventure spirituelle de deux Françaises au Liban

Les éditions Salvator publient « Abana ermites apôtres au Liban », un livre de Brigitte May et Laurence Delacroix, cofondatrices d’un ensemble d’ermitages individuels. Retour sur deux parcours hors du commun.


Les éditions Salvator publient « Abana ermites apôtres au Liban ».

Il y a deux mystères dans la vie de Brigitte May. Celui de la rencontre de Dieu et celui de la place du Liban dans l’histoire du salut. Avec sa gandoura et son capuchon, on la prend d’abord pour une excentrique. Mais il y a deux genres d’excentriques, les vrais et les faux ; ceux qui sont vraiment excentriques et marginaux, et ceux qui jouent à l’être, pour cacher leur aventure intérieure, leur feu sacré.

Avec une autre Française, Laurence Delacroix, Brigitte May a fondé à Toula, dans le diocèse de Batroun, une laure baptisée « Abana », soit un ensemble d’ermitages individuels dispersés sur une parcelle de terrain aménagée, fleurie et pleine d’arbres fruitiers. Une église et un bâtiment central donnent leur cohérence à l’ensemble.

L’évêque maronite de Batroun, Mounir Khaïrallah, a élaboré à leur intention des « constitutions », une règle de vie, leur accordant ainsi une reconnaissance canonique de leur voie monastique propre. Partagé entre prière et travail, accueil et vie liturgique, ce mode de vie n’est pas très différent de celui de toutes les moniales du monde, sinon peut-être par l’accent mis sur le travail de la terre.

Les amateurs de belles histoires aimeront celle de Brigitte May. Un soir de février 1984, épuisée par la vanité des « nuits folles de Saint-Germain-des-Prés » – passons sur les détails –, convaincue par une certaine « présence » que l’on peut volontairement basculer sans danger sur « l’autre rive », cette brillante intellectuelle décide de mettre fin à ses jours, dans la cave d’artiste où elle vit. C’est à ce moment d’extrême vulnérabilité que l’auteur de ses jours, à l’ouverture d’une Bible offerte par une Libanaise, lui apparaît. La rencontre avec « le Christ en personne » bouleversera sa vie.

Il serait trop long de décrire le parcours parfois dramatique, souvent tourmenté, qui finit par ancrer Brigitte May au Liban. Disons simplement que la personne qui lui avait offert la Bible, Ilham Chamoun, religieuse de la Sainte-Famille maronite qu’elle avait rencontrée à l’Institut supérieur de pédagogie de Paris, y joua un rôle-clé. Venue en pèlerinage au Liban, Brigitte May aura une seconde illumination au couvent Mar Antonios Kozhaya, dans la Vallée sainte, qui la convaincra que le Christ souhaite pour elle une vie d’ermite et d’apôtre au Liban même.

Aujourd’hui, avec la reconnaissance de son aventure spirituelle par Mgr Mounir Khaïrallah et le suivi du P. Touma Mehanna, la religieuse sexagénaire est placée face à sa vocation. Installée dans un espace concédé par le diocèse, elle n’est plus inquiétée et peut commencer à porter du fruit, avec un grain enfoui à la bonne profondeur.

« La monnaie de Dieu »

Deux livres ont été consacrés à cette aventure spirituelle hors du commun. Dès 1998, Luc Balbont écrit Sœur Brigitte, la femme qui soulève les montagnes (Albin Michel), qui la fait connaître en France. Aujourd’hui, les éditions Salvator publient Abana ermites apôtres au Liban, un livre fouillé et très bien écrit par Brigitte May et Laurence Delacroix, cofondatrice de la laure, dont le parcours, pour être moins spectaculaire, est tout aussi exceptionnel (*).

Mais pourquoi est-ce au Liban que Dieu conduit deux Françaises assoiffées de sens ? C’est le secret de la vocation d’un pays qui est un « message » de Dieu aux hommes, comme l’a intuitivement compris Jean-Paul II.

Pourtant, sur la société politique libanaise, Brigitte May, qui vit depuis 33 ans au Liban, ballottée entre une carrière d’enseignante et sa vocation d’orante, la reconnaissance de son appel et les contradictions qu’il entraîne, n’a plus d’illusion. Elle parle en véritable libanaise de l’esprit de lucre, de la perte de sens et de la volonté des chrétiens du Liban d’exploiter chaque centimètre carré du sol « pour en tirer un profit matériel justifiant à leurs propres yeux leur présence sur une terre dont l’avenir leur paraît incertain ».

À contre-courant de tout ce qui se dit, le vice-président des Amis d’Abana-Liban, Bertrand de Farcy, reconnaît joliment en deux courtes pages figurant dans l’ouvrage : ce que le Liban a de particulier, c’est qu’il est un « pays de contrastes (…) où le chrétien et le musulman ne se mélangent pas, mais ont une monnaie commune, cette monnaie universelle qui ne se dévalue jamais, la monnaie de Dieu : le sourire ».

Faire fructifier cette monnaie, faire fructifier ce capital restera la tâche principale, difficile et parfois ingrate de tous ceux qui, comme Brigitte May et Laurence Delacroix, croient au « message » du Liban et « espèrent contre toute espérance » que la partie n’est pas perdue, qu’un miracle est possible.

(*) Brigitte May et Laurence Delacroix signeront aujourd’hui, à partir de 16 heures, leur livre paru chez Salvator, accompagné d’un CD de chants signé Laurence Delacroix, à la librairie Antoine située au Centre Urb One, à Mar Takla-Hazmieh.

Il y a deux mystères dans la vie de Brigitte May. Celui de la rencontre de Dieu et celui de la place du Liban dans l’histoire du salut. Avec sa gandoura et son capuchon, on la prend d’abord pour une excentrique. Mais il y a deux genres d’excentriques, les vrais et les faux ; ceux qui sont vraiment excentriques et marginaux, et ceux qui jouent à l’être, pour cacher leur aventure...

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