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Liban - Photographie

Ces oubliés de l’hôpital Gaza qui revivent le temps d’une exposition

La journaliste et photographe Chérine Yazbeck est allée à la rencontre des « habitants » de cet établissement, dont elle raconte l’histoire à travers une exposition à Dar el-Mousawir, à Hamra, jusqu’au 5 octobre.

Chérine Yazbeck consacre une exposition aux habitants de l’hôpital Gaza, un des plus grands squats de Beyrouth. Photo ZA

Un hôpital désaffecté à Beyrouth et oublié de tous est devenu, au fil des années, un des plus grands squats de la capitale. Pourtant, il fut un temps où l’hôpital Gaza était un établissement réputé en matière de soins de santé dans le pays. La journaliste et photographe Chérine Yazbeck est allée à la rencontre de ses « habitants » dont elle raconte l’histoire à travers une exposition à Dar el-Mousawir, à Hamra, jusqu’au 5 octobre.

C’est par pur hasard que Chérine Yazbeck tombe, en 2016, sur l’hôpital Gaza, alors qu’elle effectue un reportage à Beyrouth. Elle découvre alors ce bâtiment dont beaucoup de Libanais ignorent l’existence, situé à proximité du camp de réfugiés palestiniens de Chatila. Occupé par des squatteurs depuis les années 80, l’on trouve, dans le bâtiment, des Libanais, des Palestiniens, des Syriens et des Bangladais. Une cohabitation dans des conditions particulièrement insalubres, au milieu des déchets et entre des murs rongés par la moisissure.

Fondé en 1975 par le Croissant-Rouge palestinien, l’hôpital a été pillé en 1985 durant la « guerre des camps », un des épisodes de la guerre civile libanaise qui a opposé le mouvement Amal aux combattants des camps palestiniens. « Ce qui était l’hôpital le plus moderne du Moyen-Orient est devenu du jour au lendemain un squat de réfugiés. On y retrouve les oubliés de la “guerre des camps” et du massacre des camps palestiniens de Sabra et de Chatila (1982) », explique Mme Yazbeck à L’Orient-Le Jour. « Les Bangladais, qui sont les plus pauvres parmi les habitants, vivent dans la morgue. Plus on monte dans les étages, plus les occupants sont “riches”. Mais le plus effrayant, c’est de vivre dans la morgue, qui est un lieu de mort. Il n’y pas d’air au sous-sol parce que le système de ventilation ne fonctionne plus depuis longtemps », ajoute la photographe.

Toucher le fond

À travers ses photos, Chérine Yazbeck tente de reconstituer le quotidien de ces personnes condamnées à la misère, faute de moyens pour trouver un logement décent dans la capitale. « Petit à petit, j’ai commencé à me rendre auprès des habitants. Je voulais comprendre comment ils vivent. Certains m’évitaient parce qu’ils pensaient que j’étais là pour traquer les clandestins », raconte-t-elle. « Si on vit dans cet hôpital, c’est qu’on n’a pas le choix. C’est la fin de la fin, on a touché le fond », indique Mme Yazbcek.

Parmi les « habitants » du sinistre bâtiment, des familles, des ouvriers, des dealers de drogue, des toxicomanes et des mendiants. C’est donc tout un système social qui s’est organisé petit à petit, dans ce complexe résidentiel atypique, avec notamment l’ouverture d’une épicerie et même d’un salon de coiffure pour dames. « Les chambres se louent entre 150 et 300 dollars américains, pour les plus “luxueuses”. Quand les premiers occupants se sont installés dans le bâtiment, ils ont commencé à considérer les chambres qu’ils occupaient comme leurs propriétés. La chambre se vend aujourd’hui à 10 000 dollars, même s’il n’y a pas d’actes de propriété, explique Chérine Yazbeck. Les gens quittent l’hôpital dès qu’ils en ont les moyens. Beaucoup de Palestiniens qui ont émigré au Danemark ou en Allemagne louent leurs chambres. »

« Mais, dans l’hôpital, tout est en train de s’écrouler. On n’y vit pas, on survit. Un des locataires m’a confié qu’il avait peur, avec toute l’eau qui s’infiltre dans le bâtiment, de finir un jour sous les décombres, lui et sa famille », déplore la journaliste. « À travers cette exposition, j’ai voulu mettre le doigt sur un pan de l’histoire du Liban que j’ignorais. Derrière cette façade, je ne savais pas qu’il y avait des gens qui vivaient dans ces conditions », confie Mme Yazbeck qui dit blâmer « la communauté internationale pour les conditions misérables dans lesquelles les réfugiés palestiniens continuent à vivre au Liban ».

Un hôpital désaffecté à Beyrouth et oublié de tous est devenu, au fil des années, un des plus grands squats de la capitale. Pourtant, il fut un temps où l’hôpital Gaza était un établissement réputé en matière de soins de santé dans le pays. La journaliste et photographe Chérine Yazbeck est allée à la rencontre de ses « habitants » dont elle raconte l’histoire à...

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