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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Des dissensions parmi les cadres de HTS à Idleb

Abou el-Abed Achedaa, commandant de la branche d’Alep du groupe jihadiste, a dénoncé dans une vidéo les négligences du leadership.

Des manifestants sont descendus hier dans les rues de Maarrat al-Noumane, dans la province d’Idleb, pour dénoncer le régime et Hay’at Tahrir al-Cham. Photo Abdelaziz Ketaz

Un cadre du groupe jihadiste Hay’at Tahrir al-Cham (HTS, ex-Front al-Nosra, branche syrienne d’el-Qaëda) a été arrêté jeudi par ses pairs après la mise en ligne d’une vidéo mettant en cause des dysfonctionnements au sein de cette entité armée qui contrôle la région d’Idleb, dans le Nord-Ouest syrien. Abou el-Abed Achedaa, commandant de la branche armée à Alep, est apparu mercredi dans une vidéo de 20 minutes sur Telegram intitulée « Pour que le bateau ne coule pas », dans laquelle il accuse le leadership de « négligences », d’erreurs militaires stratégiques et de corruption. Également administrateur de l’armée Omar ben al-Khattab (une faction de HTS), le chef militaire a en outre évoqué les pratiques restrictives des dirigeants de HTS à l’égard de la population du nord du pays et son incapacité à défendre la province au nord de Hama, alors qu’il « était au courant des préparatifs du régime deux mois avant le début de l’offensive ».

« Ça a fait beaucoup de bruit, mais ça ne veut pas dire que HTS va se désagréger », estime Thomas Pierret, chargé de recherche au CNRS et à l’Iremam, qui rappelle qu’Abou el-Abed Achedaa n’est pas un cadre du noyau dur de HTS composé, lui, des dirigeants de l’ancien Front al-Nosra.

Les propos d’Abou el-Abed Achedaa ont néanmoins provoqué de réelles secousses dans les rangs des partisans du groupe et donné des munitions à ses détracteurs. Depuis début 2019, le groupe jihadiste préside aux destinées de quelque trois millions d’habitants à Idleb à travers un gouvernement autoproclamé, une police et des tribunaux religieux. « Certains membres de HTS ont commencé à avoir des doutes à propos de leur chef Abou Mohammad al-Jolani et quant à la gestion des finances et des récents échecs militaires à Khan Cheikhoun et dans le rif nord de Hama. Certains accusant même le chef de HTS d’être un traître », confie un activiste du Nord syrien, qui a requis l’anonymat. Le dirigeant de HTS n’est toutefois pas formellement cité dans la vidéo. « Les combattants sont envoyés dans des batailles perdues d’avance et sont payés au lance-pierre », dit l’activiste. Abou el-Abed Achedaa a affirmé dans sa vidéo qu’il suffirait que HTS débourse 650 000 dollars par mois, soit à peine « 5 % de ses revenus mensuels », pour régler les salaires de ses combattants.


(Pour mémoire : A Idleb, les jihadistes contrôlent les rouages de la vie publique)



Dissensions internes
Les accusations de vols et de corruption ont provoqué une série de réactions jeudi sur les réseaux sociaux, des activistes et des universitaires de la région d’Idleb refusant le contrôle de HTS sur les ressources financières de la région. « Même les soutiens de HTS réclament des explications de Jolani », poursuit l’activiste.

Pour Thomas Pierret, un tel désaveu entre les cadres du groupe est relativement inédit. « Ce qui est assez inhabituel dans ce cas-ci, et plus généralement dans ce genre d’organisation, c’est que quelqu’un tienne ce genre de propos alors qu’il est en poste et qu’il a des fonctions militaires importantes au sein du groupe », explique l’expert. Comme la plupart des groupes de l’opposition armée syrienne, HTS fait de nouveau face à des dissensions internes. En 2018, une scission au sein du groupe avait permis l’émergence de la faction Hourras el-Din, provoquée à cause de la rupture de l’allégeance de HTS à el-Qaëda. Ancien cadre d’Ahrar al-Cham, Abou el-Abed Achedaa s’est forgé une solide réputation et est proche de cadres religieux égyptiens, tels qu’Abou al-Yaqzan al-Masri, ayant fait partie de la branche dure du groupe, qui ont rejoint par la suite Hay’at Tahrir al-Cham. « Ils sont tellement radicaux qu’ils se sont déjà brouillés avec HTS, au sein duquel ils n’ont plus vraiment de fonctions », poursuit Thomas Pierret.

Jeudi, les médias de l’opposition ont rapporté que le cadre rebelle avait été arrêté par des membres du groupe. Un communiqué publié hier sur la chaîne Telegram de HTS a accusé Abou el-Abed Achedaa de mensonges et de calomnies, d’appel à la division du groupe et de divulgation d’informations susceptibles de servir les intérêts de l’ennemi. Des appels à ressouder les rangs face aux défis actuels pour défendre le dernier bastion de l’opposition ont également été publiés par la branche des médias du groupe. HTS a également annoncé la création d’un haut comité chargé de lutter contre la corruption.


(Lire aussi : A Moscou, Erdogan et Poutine disent partager "de graves inquiétudes" pour Idleb)


Manifestations anti-HTS
D’autres arrestations ont également eu lieu ces derniers jours, comme celle d’Ahmad Rahhal, un activiste et partisan du groupe, accusé d’avoir fait circuler la vidéo d’Achedaa. Les médias ont également fait état de l’arrestation du journaliste Mohammad Jadaan sur qui on aurait visiblement tiré au niveau du ventre. « Le fait qu’ils aient arrêté Abou el-Abed et des activistes prouve que ce qu’il a dit dans la vidéo est vrai. HTS va perdre le soutien des gens s’ils continuent d’oppresser tout le monde », estime l’activiste.

Depuis quelques semaines, les manifestations dénonçant à la fois le régime syrien et le groupe jihadiste se sont intensifiées à travers la province d’Idleb, en proie à de violents bombardements de Damas et de son allié russe. À Saraqeb, un activiste a plié bagages hier par peur de représailles de la part du groupe. « J’ai fui la ville à 4h du matin en direction de Jarablous (vers la frontière turque) parce qu’on m’a dit que mon nom était sur leur liste », confie-t-il sur WhatsApp. À Maarrat al-Noumane hier, des dizaines d’habitants sont descendus dans les rues, comme pratiquement chaque vendredi, pour dénoncer Damas et HTS, appelant à ne pas oublier les « soldats de l’ASL (Armée syrienne libre) détenus dans les prisons du groupe jihadiste ». Sur une pancarte on pouvait également lire « Abou Mohammad al-Jolani est le chien de Kassem Souleimani (chef de la force al-Qods, la branche des gardiens de la révolution iranienne) ».


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commentaires (1)

Ce que ces pauvres bactéries wahabites ne savent pas, c'est que l'état syrien du héros BASHAR utilise des personnes infiltrées parmi ces traitres. Leur fin sera inéluctable.

FRIK-A-FRAK

14 h 52, le 14 septembre 2019

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Commentaires (1)

  • Ce que ces pauvres bactéries wahabites ne savent pas, c'est que l'état syrien du héros BASHAR utilise des personnes infiltrées parmi ces traitres. Leur fin sera inéluctable.

    FRIK-A-FRAK

    14 h 52, le 14 septembre 2019

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