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Liban - Mémoire

À Beit Beyrouth, le CICR invite à mener l’enquête sur les victimes de disparitions forcées

Une exposition du CICR à Beit Beyrouth permet de sensibiliser les visiteurs à la cause des victimes de disparitions forcées. Photo Z. A.

Quoi de mieux, pour comprendre le travail mené par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) auprès des familles des disparus de la guerre civile, que de mettre la main à la pâte ? Organisée à l’occasion de la Journée mondiale des victimes de disparitions forcées (30 août), une exposition interactive inaugurée hier par le CICR à Beit Beyrouth, à Sodeco, permet aux visiteurs de mener l’enquête afin de prendre conscience de l’ampleur de la tâche et de la souffrance des familles concernées.

Les visiteurs de l’exposition, qui se tient jusqu’au 6 septembre, sont ainsi invités à mener l’enquête pour aider un personnage fictif dont les parents ont été kidnappés durant la guerre. Ils peuvent se déplacer d’un espace à l’autre, à la recherche d’informations et d’indices. Un questionnaire leur permet de répertorier les circonstances de la disparition ainsi que des détails sur les vêtements, la coiffure ou encore la dentition des victimes. Si les personnages de l’exposition sont fictifs, il n’en reste pas moins que leur histoire s’inspire de la triste réalité de milliers de personnes kidnappées au Liban en marge du conflit sanglant de 1975-1990. Le choix de Beit Beyrouth pour tenir cette exposition n’est certes pas anodin, cet immeuble emblématique transformé en centre culturel ayant abrité des snipers durant la guerre.

Le CICR a commencé en 2012 à se rendre auprès des familles concernées et à créer des dossiers sur les personnes disparues. Il a ainsi travaillé sur plus de 3 000 dossiers et récolté l’ADN des proches des disparus, dans l’espoir qu’il pourra être utilisé un jour.


(Pour mémoire : Disparus : de la nécessité de désigner les membres de la commission nationale dans les plus brefs délais)



Dans l’attente d’une commission nationale

Si le CICR commémore tous les ans les victimes de disparitions forcées, la grande nouveauté de cette année est qu’une loi a été votée en novembre dernier (loi 105), en vue de faire la lumière sur le sort des victimes de disparitions forcées. Cette loi comprend trois volets principaux : la création d’une commission nationale qui sera chargée de régler la question des disparus ; la garantie des droits fondamentaux des familles des disparus (accès à l’information, à la protection…) et les procédures à appliquer pour l’exhumation des dépouilles.

La commission nationale en question, qui devrait être formée de 10 membres, n’a toujours pas été mise sur pied, au grand dam des familles concernées. Sa formation est tributaire de l’aval du gouvernement. « Depuis sa prise de fonction, le ministre de la Justice Albert Serhane s’est donné pour priorité de former cette commission. Il est entré en contact avec les différentes parties concernées afin de nommer les candidats, a confié le juge Jean Azzi, qui représentait le ministre de la Justice lors d’une table ronde sur les défis de l’application de la loi 105. Nous avons envoyé une suggestion concernant les membres de la commission au gouvernement. Nous attendons que ce dossier soit mis à l’ordre du jour du Conseil des ministres. Les membres de la commission bénéficieront d’une immunité professionnelle ainsi que d’une indépendance financière et morale », a-t-il ajouté.


(Lire aussi : Détenus libanais en Syrie : les FL appellent le gouvernement à œuvrer pour une solution radicale)



Modérée par Christophe Martin, chef de délégation du CICR au Liban, la table ronde a donné la parole à Rabih Chammaï, psychiatre et directeur du programme de santé mentale au ministère de la Santé, Anis Mokaddem, qui représentait les familles des disparus, et l’avocat Nizar Saghieh, cofondateur de l’association Legal Agenda.

Le Dr Chammaï a insisté sur l’importance, pour les familles, de faire le deuil, lui qui a failli faire partie des familles des victimes de disparitions forcées dans le pays. « Mon père a été kidnappé pendant 24 heures quand j’étais enfant. Il a été relâché, mais notre voisin, lui, n’est jamais revenu », a-t-il confié à l’assistance. « Cette question ne concerne pas uniquement les familles des disparus. Elle se rapporte à notre histoire, à la guerre et aux massacres que nous avons commis les uns envers les autres », a souligné le Dr Chammaï. Il a insisté sur le fait qu’il faut régler le dossier des disparus, « si on veut vraiment travailler sur la santé mentale dans le pays ». « Les familles ne savent pas si elles doivent tourner la page ou continuer à attendre », a-t-il encore dit.

Anis Mokaddem, dont l’un des oncles a été kidnappé durant la guerre, a apporté son témoignage concernant le deuil impossible à mener par sa famille ainsi que sur les problèmes de succession qui ont découlé de cette situation.

Rebondissant sur le témoignage de M. Mokaddem, Nizar Saghiyeh s’est félicité du fait que la loi autorise désormais les familles à obtenir des certificats de décès afin de régler les cas de succession, tout en continuant à faire partie du réseau des familles des victimes de disparitions forcées. « Auparavant, les familles des disparus étaient face à un dilemme. Si elles déclaraient le membre kidnappé mort, elles ne bénéficiaient plus de leur droit à la vérité sur son sort », a-t-il rappelé.


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