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Liban - Disparus

Disparus : de la nécessité de désigner les membres de la commission nationale dans les plus brefs délais

L’enjeu financier ne doit pas constituer un obstacle pour retarder la formation de la commission, insistent les participants à un débat sur la loi 105 sur les disparus.

Les panélistes ayant pris part au débat sur la loi 105 sur les disparus. Photo DR

« La loi (105 sur les victimes de disparition forcée) ne nous a pas été offerte. Nous l’avons arrachée au forceps (…). Nous avons œuvré pendant près de quatre décennies, au cours desquelles de nombreux mères et pères sont décédés avant de connaître le sort des leurs. Nous avons longtemps attendu (…) et nous n’aurons de répit que lorsque la loi sera mise en application. »

Wadad Halaouani, présidente du Comité des familles des disparus et kidnappés au Liban, et les milliers de familles qu’elle représente ne sont pas prêtes à lâcher le combat qu’elles mènent depuis de longues années avant que le sort de leurs proches disparus durant la guerre ne soit dévoilé. Hier, elle a réitéré son appel à « une commission qui soit à l’abri du partage confessionnel et politique des parts ». « Nous réclamons la formation d’une commission qui réponde aux critères internationaux de désignation, qui nous ressemble et qui soit à la hauteur de notre cause, de nos souffrances et de notre combat que nous avons réussi à protéger du germe de la division », lance Wadad Halaouani devant un parterre de parlementaires, de défenseurs des droits de l’homme et d’experts des Nations unies ayant pris part à un débat organisé hier par le bureau régional du Haut-Commissariat des Nations unies aux réfugiés pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, à l’hôtel Radisson Blu à Aïn el-Mreissé, afin de discuter des dispositions de la loi dans le contexte des normes internationales sur la disparition forcée, comme pour insister sur la nécessité de son application totale.

Votée le 12 novembre 2018 par la Chambre, cette loi devrait donner des réponses aux familles et par là même contribuer à tourner à jamais l’une des pages les plus douloureuses de la guerre. Malheureusement, ses décrets d’application tardent à être publiés, le premier étant, rappelons-le, celui relatif à la désignation par le cabinet des membres de la commission, parmi les noms proposés à cet effet par le Conseil supérieur de la magistrature, les ordres des avocats de Beyrouth et de Tripoli, le conseil de surveillance de l’Université libanaise, les ordres des médecins de Beyrouth et du Liban-Nord et la commission parlementaire des Droits de l’homme. Le ministère de la Justice devrait recueillir ces noms et les transmettre au Conseil des ministres.

Aussi, les présents ont à l’unanimité appelé les autorités de nomination à nommer les membres de la commission dans les délais et mis l’accent sur la nécessité d’assurer, dans le cadre du budget, son financement pour qu’elle puisse travailler. « C’est un financement léger au vu de l’importance nationale du rôle que cette commission va devoir jouer, non seulement pour les victimes, mais pour l’ensemble de la société libanaise qui est concernée par le sort de ces disparus », affirme à L’Orient-Le Jour, en marge du débat, Ghassan Moukheiber, ancien rapporteur de la commission parlementaire des Droits de l’homme et l’un des artisans de la loi 105. « De nombreuses organisations internationales et d’États qui souhaitent aider le Liban seraient prêtes, à mon avis, à financer les opérations, mais non le fonctionnement de cette commission, ajoute-t-il. Le Liban va devoir inclure la somme minime qui est à sa charge dans le budget de cette année. Il faudrait, par ailleurs, continuer à faire pression pour que cette planification de l’exécution de la loi se fasse dans les plus brefs délais. Nous avons attendu plus de quarante ans pour qu’elle soit votée. Il ne faudrait pas attendre encore plus pour que le droit de ces familles leur soit assuré. »



(Lire aussi : Détenus libanais en Syrie : les FL appellent le gouvernement à œuvrer pour une solution radicale)



Traduire la volonté politique en action
Christophe Martin, chef de la délégation du Comité international de la Croix-Rouge, souligne lui aussi la nécessité de « ne pas se retrancher derrière les enjeux financiers ». « On connaît les difficultés que le Liban traverse par rapport à des contraintes budgétaires, ajoute-t-il à L’OLJ en marge du débat. Mais il faudrait que la volonté politique affichée à plusieurs niveaux (pour résoudre ce dossier) soit traduite en action. Il faudrait prendre garde de ne pas trouver le nouvel argument, à savoir les moyens, sans avoir une confirmation explicite et claire d’une volonté politique. »

Houriya es-Slami, membre du Groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires, ayant pris part à la réunion « à titre personnel », exprime le souhait que les autorités libanaises donnent leur approbation pour que le Groupe de travail puisse effectuer une visite officielle au Liban. « Il y a un accord de principe dans ce sens, mais il reste à recevoir la confirmation officielle et à fixer les dates », confie-t-elle à L’OLJ.

Cette visite constituerait, selon la responsable onusienne, « une occasion pour discuter avec les autorités libanaises des mesures prises dans le cadre du dossier des victimes de disparition forcée, mais aussi pour s’entretenir avec les familles et la société civile, pour évaluer les progrès qui ont été faits à ce jour, mais aussi pour émettre des recommandations sur les choses à rattraper de manière à satisfaire les revendications des familles ». « Le Groupe de travail n’a pas pour vocation de faire des investigations détaillées, précise Mme es-Slami. Sa mission revêt essentiellement un caractère humanitaire, d’évaluation et d’accompagnement des États pour la mise en œuvre des dispositions de la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Le Groupe de travail peut aussi aider le Liban à mettre en œuvre les dispositions de la loi 105 de manière à garantir aux membres des familles des disparus leur droit à la vérité, à la justice et à la réparation. »

Michel Moussa, président de la commission parlementaire des Droits de l’homme, qui a également pris part au débat, a pour sa part évoqué les différents chapitres de la loi.



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