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Santé - Commentaire

Comment Ebola gagne du terrain

Un agent de santé examinant une patiente. Patrick Meinhardt/AFP

Une année s’est écoulée depuis que le ministre de la Santé de la République démocratique du Congo (RDC) a déclaré une nouvelle épidémie d’Ebola dans le nord-est du pays. Pourtant, loin d’être contenue, l’épidémie est maintenant devenue la seconde de la RDC à être classifiée par l’Organisation mondiale de la santé, en l’espace de cinq ans, comme situation d’urgence sanitaire de portée internationale, la plus grave des désignations – utilisée uniquement quatre fois auparavant – que l’OMS peut attribuer. C’est la seconde plus grave épidémie d’Ebola jamais recensée.

Un vaccin expérimental très efficace contre Ebola existe et les équipes de terrain travaillent d’arrache-pied pour juguler le virus. Or, étant donné que l’épidémie se déroule en zone de conflits, l’incertitude joue contre elles. Dans les sept premiers mois de l’année, 198 travailleurs de la santé ou cliniques de traitement d’Ebola ont été attaqués, avec pour bilan le décès de sept personnes et en blessant cinquante-huit autres.

Pourtant, le fait de ne pas parvenir à endiguer la crise actuelle reflète les lacunes qui ne se limitent pas à la RDC. Même avec la propagation massive de l’épidémie, la communauté internationale continue d’errer en ce qui concerne les aspects les plus basiques de prévention et de degré de préparation. Quand il s’agit d’un fléau comme Ebola – qui est extrêmement contagieux et dont le taux de mortalité approche 50 % –, ces défaillances ont des conséquences catastrophiques.

Prenez l’hygiène et l’approvisionnement en eau propre – la première ligne de défense contre l’infection. L’Afrique de l’Est détient le pire bilan du monde pour la salubrité de l’eau dans les établissements de santé. Selon les données de l’OMS et de l’Unicef, seulement 30 % des hôpitaux en Ouganda sont dotés de services des eaux limités, c’est-à-dire que l’eau doit être transportée dans les locaux. Pour les établissements de santé autres que des hôpitaux, ce chiffre s’élève à 54 %. La situation en RDC est encore plus grave : 15 % des hôpitaux et 51 % des établissements de santé non hospitaliers n’ont aucun service des eaux.

Sans eau propre facilement accessible pour laver les lits et les vêtements de protection ou des éviers adéquats pour que le personnel puisse se laver les mains selon les normes d’hygiène médicale, les centres médicaux non seulement échouent à traiter et à guérir les patients, mais deviennent en plus une source de maladies. Dans le cas d’Ebola, de telles conditions peuvent entraîner l’infection de milliers de personnes qui peuvent en périr, avec des répercussions sur l’économie, la paix et la stabilité.

Mais ceux qui sont directement infectés par Ebola ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Pendant les épidémies, la prestation de soins pour d’autres maladies et de services de base sont souvent gravement compromis, surtout dans des régions où le réseau de santé est déjà mal nanti en matériel et considérablement sous-financé. Cette année seulement, des milliers de personnes en RDC sont mortes de la rougeole, car les programmes de vaccination ont été revus à la baisse afin de libérer des ressources pour la lutte contre l’Ebola.



(Lire aussi : L'OMS déclare Ebola une "urgence" sanitaire mondiale)



Des catastrophes sanitaires d’une telle envergure laissent des séquelles indélébiles sur un pays et ses habitants. Elles peuvent défaire les progrès chèrement acquis en développement social et économique, abandonnant à leur sort les collectivités. Et elles risquent de devenir encore plus fréquentes, en raison de facteurs comme les conflits violents, la gestion publique déficiente, la résistance antimicrobienne, les changements climatiques et les migrations massives.

Aussi longtemps que les États et la communauté internationale n’investissent pas dans la consolidation des réseaux de santé, une épidémie imposera toujours des coûts énormes aux collectivités avant d’être enrayée. Le triste exemple d’un tel échec est lorsqu’on doit gérer des établissements de santé sans source d’eau saine, d’installations sanitaires et d’éviers pour se laver les mains.

Heureusement, il y a lieu d’espérer que finalement, les choses s’amélioreront très bientôt. Au mois de mai dernier, plus de 160 ans après qu’a été établi le lien entre l’hygiène et la prévention des maladies, les dirigeants des pays à l’assemblée mondiale de la santé de l’OMS ont adopté une résolution portant principalement sur les stratégies s’attaquant aux problèmes de pénurie d’eau, d’assainissement et de l’hygiène dans les établissements de santé des pays à revenus faibles et moyens. La menace croissante d’épidémies et de crises qui y sont liées, notamment la propagation de microbes virulents qui résistent aux médicaments, semble avoir finalement fait sortir les instances mondiales de leur torpeur pour ce qui a trait à la santé dans les pays en développement.

Ce nouvel engagement est sur le point d’être mis à l’épreuve. La déclaration récente de l’OMS sur l’épidémie d’Ebola en RDC a été décisive, car elle devrait mobiliser la communauté internationale pour augmenter ses contributions. Mais pour que les instances mondiales parviennent à prévenir d’autres crises sanitaires en Afrique de l’Est, elles ne doivent pas poursuivre des solutions à courte vue. Elles doivent plutôt adopter une stratégie globale tournée vers l’avenir qui reconnaît qu’un centre médical ne peut prodiguer des soins de santé sans de l’eau salubre.

© Project Syndicate, 2019. Traduit de l’anglais par Pierre Castegnier.

* Savio Carvalho est directeur des campagnes mondiales de WaterAid.



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