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Lifestyle - Pendant ce temps, ailleurs...

Ces femmes qui portent la culotte

Dans les cabarets du Québec, les « drag-kings » investissent la nuit montréalaise et sortent de l’ombre des « drag-queens ».

Mélodie Rousseau, âgée de 33 ans, est comédienne de profession. Le soir, cette Canadienne se maquille en homme et devient Rock Bière, un « drag-king » qui se produit dans des cabarets de Montréal. Martin Ouellet-Diotte/AFP

Mélodie Rousseau, âgée de 33 ans, est comédienne de profession. Le soir, cette Canadienne se maquille en homme et devient Rock Bière, un « drag-king » qui se produit dans des cabarets de Montréal. Une démarche artistique, mais également « politique » pour ces femmes qui tentent de sortir de l’ombre des drag-queens.

Deux heures et demie avant de monter sur scène pour chanter en play-back les chansons du rockeur québécois Éric Lapointe, Mélodie commence à se préparer dans sa loge. Sur son visage fin, elle dessine minutieusement les traits appuyés de son personnage à l’aide d’un pinceau. « On efface la fille pour laisser place à ce mâle viril », s’amuse-t-elle. Progressivement, elle gomme ses lignes féminines, creuse ses cernes, amplifie ses sourcils et durcit sa mâchoire. Puis la jeune femme menue se bande les seins, dessine des abdominaux prononcés sur son ventre, colle de faux poils sur son torse et son menton.

Dans un créneau très masculin largement dominé par les drag-queens, popularisées par une célèbre émission de télévision aux États-Unis, les drag-kings réguliers se comptent encore sur les doigts d’une main dans la métropole québécoise, d’après Charli Deville, drag-king canadien chevronné. Selon lui, quatre drag-kings sont régulièrement programmés dans des cabarets à Montréal, contre environ 80 drag-queens.

Un monde de reines

Mélodie Rousseau fait partie de ces rares « kings » qui ont franchi le pas. Elle gérait déjà un café, une carrière de comédienne et sa propre compagnie de théâtre, avant de laisser Rock Bière entrer dans sa vie l’an dernier. Au début, elle ne voulait pas en faire, mais sa petite amie l’a « forcée », rie-t-elle. « C’est sûr qu’il y a un côté plus politique, du fait qu’une fille va prendre le rôle de l’homme », selon la comédienne. « Il y a comme un danger dans le fait qu’une femme ose arborer le physique du sexe dominant », ajoute-t-elle.

D’après David Risse, directeur du Centre de recherches et d’activités culturelles et communautaires pour les diversités à Montréal, la pratique drag-king, « c’est un “statement” (une affirmation), c’est de l’“empowerment” (émancipation) ». Les femmes drag-kings, souligne-t-il, « se réapproprient un genre (...) et elles en font ce qu’elles veulent ».

Mélodie Rousseau a choisi son créneau : « Moi, je vais vraiment dans la critique ou dans la parodie du mâle. » Le temps d’un duo en play-back, Rock Bière partage la scène avec la drag-queen Crystal Slippers. Rock est collant, dragueur, voire pathétique dans son approche de Crystal qui ne cesse de le repousser, faisant ainsi rire aux éclats les spectateurs.

La comédienne canadienne admet avoir dû surmonter ses propres peurs en entrant dans l’univers des « drags ». La jeune trentenaire craignait le jugement du public, de ses proches, mais aussi « d’être une fille dans un milieu d’hommes ». En effet, les scènes de « drag » – souvent des cabarets gays – sont habituellement des lieux dominés par la présence de drag-queens, c’est-à-dire classiquement d’hommes travestis en femmes.

Les drag-kings et leurs spectacles, qui montrent parfois des hommes fragiles ou manquant d’assurance, peuvent déranger dans un club gay, note le sociologue David Risse. « J’ai l’impression que quand on joue sur la masculinité, on joue encore avec des pincettes. Alors qu’on voit des caricatures de la féminité par les drag-queens qui, elles, peuvent tout se permettre », analyse M. Risse.

Malgré tout, les mentalités évoluent petit à petit, estime de son côté Rita Baga, drag-queen tête d’affiche du célèbre Cabaret Mado dans le Village (quartier gay de Montréal). « C’est un milieu qui devient de plus en plus inclusif », assure-t-elle.

Donner confiance

Peu à peu, les drag-kings réussissent à se faire une place grandissante sur les scènes de la communauté LGBT. Ce fut par exemple le cas lors du festival Fierté Montréal (8-18 août) qui, pour la première fois, leur a consacré tout un spectacle dans sa programmation officielle, ManSpread. « À ma connaissance c’est le premier et le plus grand spectacle de drag-king que Fierté Montréal ait eu », affirme Charli Deville, drag-king anglophone montréalais qui a organisé le spectacle ManSpread, présenté tous les mois dans un cabaret burlesque de Montréal.

Mélodie « Rock Bière » a d’ailleurs participé à ce spectacle, qui s’est tenu le 16 août. « Faire cet homme extramasculin, macho, on dirait que ça me donne confiance dans ma vie de tous les jours en tant que femme », explique Mélodie Rousseau. Son personnage l’aide même à s’assumer « dans toute ma féminité et dans ce que je suis », assure-t-elle.

Aïcha BELKHODJA/AFP

Mélodie Rousseau, âgée de 33 ans, est comédienne de profession. Le soir, cette Canadienne se maquille en homme et devient Rock Bière, un « drag-king » qui se produit dans des cabarets de Montréal. Une démarche artistique, mais également « politique » pour ces femmes qui tentent de sortir de l’ombre des drag-queens.Deux heures et demie avant de monter sur scène...

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