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Culture - Festival de Beiteddine/ Rencontre

Abdou Cherif, sur la voie de Abdel Halim

Accompagné de l’Orchestre national libanais de musique orientale, le chanteur marocain surnommé « Le Nouveau Rossignol » se produira ce samedi 10 août sur la scène du Palais des émirs, dans un concert exclusivement dédié au répertoire de Abdel Halim Hafez, son idole. Rencontre à son arrivée à Beyrouth.

Abdou Cherif, tenue marocaine le jour. Il réserve son habit de crooner à la scène de Beiteddine le 10 août. Photo Michel Sayegh

Alors qu’on l’imaginait en éternel costume de crooner, c’est en tenue traditionnelle marocaine, du tarbouche aux babouches, que Abdou Cherif reçoit dans le lobby du fastueux hôtel beyrouthin où il est logé. Mais même sans sa panoplie de scène – habit sombre, nœud papillon, boutons de manchette et cheveux gominés – , le regard soyeux et la voix de velours restent ceux d’un chanteur de charme. Un chanteur de l’âge d’or oriental. Celui des années 1950 à 1970 dominées par les voix mythiques d’Oum Kalsoum, de Mohammad Abdel Wahab ou encore et surtout de Abdel Halim Hafez. C’est d’ailleurs le répertoire de ce dernier que Abdou Cherif a surtout fait sien. Le chanteur marocain, âgé d’une cinquantaine d’années, voue un tel culte au « Rossignol brun » qu’il lui a quasiment consacré sa carrière de chanteur. « J’ai choisi de suivre sa voie, avec un e », s’amuse-t-il à préciser. « Il est, à mes yeux, le symbole de toute une époque, plus romantique et aux valeurs plus spirituelles qu’aujourd’hui. Cette époque que l’on croit révolue, j’essaye, autant que je peux, de la perpétuer en m’accrochant à la réinterprétation de ses mélodies qui bercent le cœur et chantent des hymnes à l’amour. »


Abdel Halim vs Feyrouz

C’est d’ailleurs par la voie de l’amour que Abdel Halim Hafez est entré dans la vie de Abdou Cherif. À 16 ans très précisément, lorsque « ce sentiment que l’on appelle l’amour a visité mon cœur pour la première fois », dit-il. « Ma réaction a été de me jeter dans les mélodies et les paroles des chansons de Abdel Halim que je trouvais très proches de ce que je ressentais. » Il se souvient en particulier de ce Day el-kanadil qu’il écoutait en boucle. « Beaucoup de gens ne savent pas que cette chanson de la composition de Abdel Wahab était à l’origine destinée à Feyrouz. Son arrangement musical a, d’ailleurs, été signé par les frères Rahbani. Je ne sais pas ce qui s’est passé, mais en dernier lieu, c’est Abdel Halim qui est venu l’enregistrer à Beyrouth », signale-t-il au passage.

Le tout jeune homme, qui trouvait du réconfort en écoutant les mélopées de son idole, se met aussi à les fredonner et découvre qu’il a une belle portée de voix. Mais aussi, il s’intéresse plus profondément à la musique et cherche « à comprendre son impact sur nos vies ». Son destin est enclenché. Il décide de devenir chanteur pour « essayer d’apporter du bien-être et du réconfort aux âmes sensibles », dit-il. C’est ainsi qu’il abandonne ses études littéraires pour s’orienter vers la chanson classique arabe essentiellement, même si son répertoire compte aussi quelques titres de la grande variété française (Brel, Aznavour ou encore Enrico Macias entre autres).

Servi par une voix dont l’amplitude et le velouté rappellent celle de Abdel Halim – même s’il soutient avec modestie que celle de l’icône égyptienne est d’une « sensualité inégalable » –, il se lance sur scène en y mettant toute sa sensibilité, sa conscience et son âme. Trois caractéristiques qu’il partage avec son idole dont les performances étaient, dit-on, pleines de sincérité et de passion malgré les souffrances.


Consécration au Caire...

Le 1er mai 1999, c’est la consécration. Sa performance au mythique Opéra du Caire, notamment son interprétation du fameux titre Gabbar, vaudra à Abdou Cherif le surnom (tant convoité par les nombreux interprètes du répertoire « abdelhalimien ») de « Nouveau Rossignol ». « Le public égyptien m’a fait un grand honneur, mais j’en retiens surtout la très grande responsabilité qui m’incombe », affirme ce « chanteur à l’ancienne ». Lui qui porte avec élégance et sensibilité, en véritable crooner, la chanson de charme arabe sur les plus grandes scènes se définit comme un « simple interprète ». « C’est à travers la scène que j’existe », martèle cet artiste sincère qui a décliné, jusque-là, toutes les propositions de vidéoclips et de compositions nouvelles par fidélité envers l’orientation « classicisante » qu’il a choisie. « Le commercial ne m’intéresse pas. J’ai opté pour l’école classique et le contact direct avec le public. Et je m’y tiens. » Il balaie même l’éventualité d’enregistrement de disques par un très ferme « non, je ne suis pas à vendre ! »

Celui qui chante « les amourettes, la nostalgie et l’espoir » est, par contre, ravi de se produire en concert exclusivement dédié à Abdel Halim Hafez (pour marquer le 90e anniversaire de sa naissance), ce samedi 10 août dans le cadre du Festival de Beiteddine. « J’y étais venu en 2010 et j’en garde un souvenir merveilleux », dit-il avec enthousiasme.

Accompagné de plus de 50 musiciens (choristes inclus), le Nouveau Rossignol promet cette fois des « œuvres inédites. Dans le sens où l’Orchestre national libanais de musique orientale qui m’accompagne est dirigé par le maestro Michel Khaïrallah, dont le style se distingue par une touche académique occidentale. C’est là où se trouve la nouveauté. C’est notre première collaboration, et j’ai hâte de le retrouver au conservatoire pour entamer les séances de répétition ».


« Je veux mourir au Liban »

Et d’ajouter, chanteur de charme jusqu’au bout : « C’est toujours un plaisir et un honneur de revenir à Beyrouth, au Liban, ce pays qui m’inspire tellement de choses ! J’ai toujours dit, d’ailleurs, qu’artistiquement, je suis constitué de trois tiers : un tiers marocain, un deuxième égyptien et le troisième, le plus mignon, libanais. J’ai dû être libanais dans une autre vie. » Un petit silence, et il assène, dans une conclusion qui fait son petit effet : « J’aimerais mourir ici un jour. » Sur scène ou pas, Abdou Cherif ne le précise pas !


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