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Culture - Exposition

Monsieur et madame Tout-le-monde ont une portraitiste

Chez Haven for Artists – une ONG et maison d’art à Mar Mikhaël qui aide les jeunes artistes à se lancer – un « Face to Face » de 80 portraits de Beyrouthins, croqués par la jeune artiste syrienne Rama Duwaji.

Les portraits de Rama Duwaji exposés à Haven for Artists, Mar Mikhaël. Photo DR

À Haven, il y a des visages partout. Suspendus aux plafonds, ils accueillent le visiteur de cette vieille maison dédiée aux arts et aux artistes située à Mar Mikhaël. Ce sont des visages inconnus, anonymes ; mais des visages qu’on a pourtant, instinctivement, l’impression de reconnaître. Cette cinquantenaire sévère, mais souriante, au visage cerclé de lunettes et au chignon serré, pourrait très bien par exemple être la prof d’arabe de notre enfance... Dessinés par Rama Duwaji, ces portraits réussissent à capter l’essence des personnages beyrouthins, donnant l’impression que chacun de ces anonymes a déjà été rencontré quelque part. En réalité, il s’agit pour l’artiste de mettre en lumière un paradoxe : présenter la complexité d’une société, sa grande diversité, tout en montrant par la même occasion son uniformisation.

Incarner un type de gens qu’on peut voir tous les jours

La jeune artiste syrienne de 22 ans, résidente à Haven depuis deux mois, s’est d’abord promenée, appareil photo en main, dans divers quartiers de Beyrouth – Hamra, Gemmayzé, Bourj Hammoud, Raouché… – et a demandé à photographier les passants, pour faire leur portrait dans le cadre de son projet d’exposition à venir. Elle s’adressait la plupart du temps à des gens possédant des visages « distincts et uniques, qui ont du caractère », ou encore qui « incarnent un type de personnes qu’on peut voir tous les jours ». « Cela donnait souvent lieu d’ailleurs à de belles rencontres, raconte l’artiste. Il y a par exemple cette jeune fille croisée à Gemmayzé, qui n’avait pas vraiment confiance en elle à cause de son visage acnéique, qui ne comprenait pas qu’on veuille faire son portrait », mais qui, encouragée par ses amies et par l’artiste, s’est laissée finalement prendre au jeu. Ou encore cet homme à l’air dur, paraissant absolument impossible à approcher, qui s’est révélé être en réalité gentil et assez timide... Promouvoir l’acceptation de soi, ou encore montrer que tout n’est pas qu’apparences, ce sont des valeurs au cœur du projet d’exposition de Rama Duwaji et, plus généralement, de son art.

Beyrouth : « Une forme de retour aux sources »

Effectuer une résidence artistique à Beyrouth s’est révélé une expérience bouleversante pour la jeune fille. « Je voulais saisir la spécificité de tous ces gens, qui vivent dans un espace si petit, et coexistent malgré toutes les différences religieuses, politiques ou autres. Beyrouth était l’endroit idéal pour le faire », explique Rama Duwaji. Elle a déjà remarqué que cette expérience a modifié sa façon de dessiner et qu’elle intègre désormais beaucoup de nouveaux types de visages dans son travail.

Mais vivre à Beyrouth sur le long terme, c’est aussi « une forme de retour aux sources », pour la jeune artiste syrienne qui a étudié aux États-Unis ces dernières années. « Ça fait du bien de revenir au Moyen-Orient, puisque mon travail est axé sur l’identité et sur ce que cela signifie d’être une artiste arabe », confie-t-elle.

Rama Duwaji parle de Haven for Artists comme un endroit qui l’a beaucoup influencée. L’ONG, activiste, se veut un réel « safe-space » (espace sécurisé) pour toutes les communautés, en somme, littéralement un havre de paix. Elle insiste sur la facilité à entrer en contact avec la communauté artistique « underground » de Beyrouth grâce à Haven, et la richesse des rencontres qu’elle y a faites.

« Il y a toujours la possibilité d’explorer quelque chose de nouveau ici, que ce soit d’un point de vue artistique ou idéologique. Les gens sont encouragés à être eux-mêmes, et toutes ces façons d’être différentes influencent beaucoup les artistes ! » explique-t-elle.

« On grandit en tant qu’artiste lorsqu’on confronte ses œuvres à l’avis des autres. Et j’ai rencontré beaucoup de gens ici qui m’ont aidée à m’améliorer, parfois simplement parce qu’ils existent », conclut-elle.

L’exposition de Rama Duwaji est visible à Haven for Artists, jusqu’au 8 août.

À Haven, il y a des visages partout. Suspendus aux plafonds, ils accueillent le visiteur de cette vieille maison dédiée aux arts et aux artistes située à Mar Mikhaël. Ce sont des visages inconnus, anonymes ; mais des visages qu’on a pourtant, instinctivement, l’impression de reconnaître. Cette cinquantenaire sévère, mais souriante, au visage cerclé de lunettes et au chignon serré,...

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