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Liban - Statut personnel

Les militantes du RDFL réclament « d’être libérées des crocs des communautés religieuses »

Lors d’un sit-in hier place des Martyrs, les femmes ont exhorté l’État à protéger leurs droits.


Devant la statue des Martyrs, les militantes du RDFL réclament un code civil pour le statut personnel. Photo A-M.H.

Depuis la place des Martyrs, au cœur de Beyrouth, plusieurs dizaines de militantes ont dénoncé, hier, la mainmise des communautés religieuses sur leur vie privée et exhorté l’État à adopter un code civil du statut personnel. Et ce, lors d’un sit-in, organisé par le Rassemblement démocratique des femmes libanaises (RDFL). « Nous voulons une loi qui nous protège, et non pas des fatwas qui nous exploitent », ont-elles scandé en chœur, portant bien haut leurs slogans imprimés sur des écriteaux. Ici, une jeune femme demandait « jusqu’à quand l’âge minimum du mariage serait décidé par les 15 communautés religieuses ». Une autre évoquait « l’injustice, la discrimination et la corruption » dans les affaires liées au statut personnel, et notamment les divorces et la garde des enfants. « Écoutez-nous, mon père. Écoutez-nous, cheikh, les larmes des mères et de leurs enfants ne vous ont pas émus. Mais la garde de nos enfants, nous la récupérerons », lançait une militante, reprise par l’assistance dont une poignée d’hommes solidaires. Ce mouvement intervient au lendemain d’une décision de justice qui a condamné un mari meurtrier à 25 ans de travaux forcés et à verser une indemnité de 150 millions de livres libanaises aux héritiers de sa victime. Il y a quatre ans, Ali Ibrahim Zein abattait son épouse à la kalachnikov, devant ses enfants. Un jugement qui n’a pas manqué d’être applaudi par l’assistance.

Vers une large coalition féministe ?

Dans les propos adressés aux religieux toutes communautés confondues, chrétiens ou musulmans, mais aussi aux législateurs et à l’État, le ras-le-bol des femmes était clair et exprimé haut et fort, sans retenue, sans freins, sans filtres. Ras-le-bol d’être la cible des hommes de religion en cas de divorce, d’être injustement privées de leur droit de garde ou de leur héritage, d’être victimes de lois discriminatoires dans tous les aspects de leur vie quotidienne. « Nous voulons l’égalité des droits. Nous voulons l’égalité des genres », ont-elles aussi crié, dans un rassemblement bon enfant, protégé par quelques membres des forces de l’ordre.

Parmi ces militantes, des victimes meurtries d’un mari violent, des femmes divorcées auxquelles les tribunaux religieux ont arraché leur enfant. Mais aussi la mère de Zahraa, cette jeune divorcée assassinée par son ex-époux il y a trois ans et demi et qui réclamait justice. « L’ex-mari de ma fille est toujours libre. Il n’a jamais été condamné. Et qui plus est, il a pris ma petite-fille », a-t-elle lancé, en larmes. À son tour, Zeynab est montée au créneau, tenant la main de son fils qu’elle a réussi à enlever à son père, son ex-mari, un homme influent dans la banlieue sud. « Je n’ai pas peur de lui. Je n’ai pas peur de leur justice injuste. Je suis prête à mourir pour mes enfants », a-t-elle affirmé, dans une volonté de défier les pouvoirs religieux et politique.

En première ligne de ce sit-in, la présidente du RDFL, Leila Mroué, qui a mis en garde les hommes de religion et la classe politique « contre la colère des femmes ». « Peu importe que nous soyons sunnites, chiites, druzes, maronites, arméniennes, catholiques, orthodoxes... Nous, les femmes, sommes sous le joug de la violence machiste et de la discrimination patriarcale », a-t-elle dénoncé dans son allocution, faisant part du refus des femmes d’être considérées comme citoyennes de seconde zone et « suivantes des hommes » dans les affaires de mariage, de divorce, de garde des enfants, d’héritage et dans bon nombre d’autres lois aussi... À L’Orient-Le Jour, elle regrettera de plus « la démission de l’État » dans les affaires liées au statut personnel. « Or l’affaire de la fille du député Nawaf Moussaoui, qui n’a pas obtenu la garde de son enfant, démontre que nous sommes tous égaux face aux drames familiaux, et que même un député peut être victime de ces lois communautaires discriminatoires envers la femme », a-t-elle ajouté. « Tout ce que nous réclamons, c’est d’être protégées par l’État et d’être libérées des crocs des communautés religieuses », a-t-elle martelé, promettant la formation prochaine d’une large coalition féministe susceptible de faire pression pour des lois équitables pour les femmes.

L’engagement de Claudine Aoun

Également au cœur du mouvement de protestation, Claudine Aoun Roukoz, présidente de la Commission nationale de la femme libanaise (CNFL), venue faire montre de sa solidarité. « Je suis là pour les soutenir, pour nous soutenir », a-t-elle indiqué à L’Orient-Le Jour, évoquant le rôle consultatif et de coordination du CNFL. Et d’insister sur la nécessité d’amender la loi contre la violence domestique, mettre en place un système de quotas féminins, lutter contre le harcèlement sexuel et accorder à la Libanaise le droit de transmettre sa nationalité à ses enfants étrangers. « Nous avons plusieurs lois en attente au Parlement », a affirmé Mme Aoun, rappelant aussi la nécessité d’annuler les exceptions de la loi 522 qui autorisent encore, dans certains cas, un violeur à épouser sa victime. Et comme pour confirmer « ces trop nombreuses situations d’injustice envers les femmes » qu’elle œuvre à traiter au quotidien, la fille du chef de l’État était assaillie de sollicitations de femmes en souffrance, privées de leurs enfants, victimes de violence, ou pire encore.

Parmi les participantes enfin, les associations KAFA et Sabaa, l’Union des femmes progressistes, l’Institut arabe pour les femmes de la LAU représenté par sa directrice Myriam Sfeir, la présidente du Comité des parents des personnes enlevées et disparues au Liban, Wadad Halawani, et quelques hommes, dont Tarek Serhane du mouvement « Vous puez ! »,

soucieux de faire entendre leur appel à « mettre fin au régime patriarcal ».

« Prenez garde à la colère des femmes », ont tenu à rappeler les militantes, avant de se disperser.


Depuis la place des Martyrs, au cœur de Beyrouth, plusieurs dizaines de militantes ont dénoncé, hier, la mainmise des communautés religieuses sur leur vie privée et exhorté l’État à adopter un code civil du statut personnel. Et ce, lors d’un sit-in, organisé par le Rassemblement démocratique des femmes libanaises (RDFL). « Nous voulons une loi qui nous protège, et non pas des...

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