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Moyen Orient et Monde - Les 50 ans de l’homme sur la Lune

L’espace, outil de développement et de dissuasion militaire

La conquête spatiale est désormais à la portée d’un grand nombre de pays qui l’utilisent comme un vecteur de développement ou de puissance.

Le module lunaire Eagle (LM) de la mission spatiale Apollo 11 en orbite lunaire, le 20 juillet 1969. Photo NASA/AFP 

1961. Au Congrès des États-Unis, après les nombreux succès des Soviétiques dans le domaine spatial, le président américain John Fitzgerald Kennedy (JFK) fait part de son ambition d’envoyer, avant la fin de la décennie, un homme sur la Lune et de le ramener sain et sauf. Le 21 juillet 1969, à 2h56 en temps universel, son rêve se réalise. L’astronaute américain Neil Armstrong, 38 ans, pose pour la première fois de l’histoire de l’humanité le pied sur le sol lunaire. « C’est un petit pas pour l’homme, mais un grand pas pour l’humanité », des paroles prononcées à 380 000 kilomètres de la Terre, retransmises par la radio Voice of America, relayées par la BBC (et d’autres) et entendues par près de 650 millions de personnes à travers le monde.

Le pari était pourtant bien loin d’être gagné par les Américains. Jusque-là, l’URSS avait réussi, la première, à envoyer un satellite (Spoutnik, 1957), un chien (Leïka) et un homme (Youri Gagarine) dans l’espace, alors que Washington n’avait de son côté effectué aucun vol orbital habité. Le monde est alors en pleine guerre froide. Américains et Soviétiques se disputent le leadership mondial, mais aussi spatial. La « course à l’espace », lancée entre les deux rivaux avec l’envoi de Spoutnik, se déroule parallèlement à celle des armements nucléaires. Le but était de montrer lequel des deux pays était le plus avancé technologiquement en investissant dans la recherche scientifique et dans les projets spatiaux des sommes « astronomiques ».

A posteriori, cette « course à l’espace », qui s’est achevée en 1975 avec la mission américano-soviétique Apollo-Soyouz, semble avoir eu un double résultat. Elle a non seulement permis à l’homme de mettre à profit ses connaissances dans le domaine spatial, mais elle marquait également le début d’une nouvelle ère, non seulement du point de vue scientifique, mais aussi militaire. Dans cette perspective, cinquante ans après la mission Apollo 11, et avec l’évolution des progrès technologiques, l’accès à l’espace n’est plus seulement réservé aux grandes puissances.



(Lire aussi : La France muscle sa stratégie spatiale avec un commandement dédié)



Éventail de nouveautés
Aujourd’hui, le paysage spatial n’a rien à voir avec celui d’hier, et encore moins avec celui de demain. Il se transforme, se « démocratise ». Un grand nombre de pays en dehors du cercle très restreint des grandes puissances spatiales historiques (États-Unis, Russie, Japon, France…) ont ainsi développé leur propre système spatial et réussi diverses missions ces dernières années. La plus notable d’entre elles est l’alunissage de la mission chinoise « Chang’e 4 » sur la face cachée de la Lune, une première mondiale, en janvier dernier. « Aujourd’hui, plus de 70 pays ont au moins un satellite en orbite (…) et le plus souvent, ce sont des satellites “civils” d’observation de la Terre ou de télécommunications », indique à L’Orient-Le Jour Xavier Pasco, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) et spécialiste des questions spatiales, expliquant que « les pays utilisent l’espace comme un vecteur de prestige et de développement ».

Comment expliquer cette « démocratisation » ? À la fois par les progrès fulgurants des moyens techniques et technologiques, la réduction des coûts de fabrication et de la mise en orbite des satellites, mais aussi, et c’est la grande nouveauté de ces dernières années, par l’émergence d’acteurs privés dans tous les secteurs qui se rapportent au domaine spatial. « On peut, par exemple, citer des acteurs comme SpaceX pour les lanceurs d’engins. Ce ne sont pas des agences spatiales mais des industriels d’un nouveau type, avec une nouvelle vision », poursuit Xavier Pasco. Au cours des dernières décennies, les industriels suivaient les consignes des agences spatiales du pays et celles des gouvernements. « Dans le domaine de l’observation de la Terre, des sociétés comme New Space ont réussi à mobiliser des fonds publics et privés pour mettre en place des “constellations” de satellites », notamment la société américaine Planet, qui opère de son côté près de 140 satellites de la taille d’une « boîte de chaussures » et qui font des images d’une résolution de trois mètres.

Ces nombreux envois de satellites augmentent néanmoins les risques de « pollution » de l’orbite terrestre, mais aussi de collision entre les différents appareils et des débris spatiaux. La « démocratisation » spatiale est ainsi à double tranchant.

Mais pour les analystes, l’espace reste avant tout « un outil au service des pays qui sont technologiquement les plus avancés, financièrement les plus puissants et politiquement les plus normatifs », affirme Xavier Pasco. C’est dans ce contexte que ces « puissances » ont ajouté une composante militaire au développement de leur programme spatial civil.



(Pour mémoire : La paix dans l’espace en débat à Genève)



Commandement de l’espace
Certains se prêtent à l’exercice depuis plusieurs décennies (États-Unis, Russie, France…), d’autres plus récemment (Inde, Chine…). « Les armées se sont rendu compte que l’espace fait partie du dispositif militaire et qu’il doit servir le soldat sur le champ de bataille », explique Xavier Pasco, prenant l’exemple de l’ambition pour un pays d’entrer en premier dans un conflit et de l’utilité d’un satellite militaire pour obtenir des renseignements sur les positions ennemies, des écoutes électromagnétiques mais aussi des télécommunications ou des lancements de missiles balistiques. Des missiles « antisatellites » ont aussi été mis au point. Seuls quatre pays en disposent : les États-Unis, la Russie, la Chine et l’Inde. Certains pays voient plus loin et souhaitent créer une « space force » (force spatiale, SP). C’est par exemple le cas de la France. En marge du défilé du 14 juillet dernier, le président Emmanuel Macron a affirmé vouloir doter son pays d’un « grand commandement de l’espace » qui « sera créé en septembre au sein de l’armée de l’air, laquelle deviendra à terme l’armée de l’air et de l’espace ». Le but sera d’« assurer (la) défense de l’espace et par l’espace ». « Nous renforcerons notre connaissance de la situation spatiale. Nous protégerons mieux nos satellites, y compris de manière active », a-t-il insisté. La future stratégie spatiale française doit être présentée ce jeudi par la ministre française des Armées Florence Parly.Le président américain Donald

Trump a, de son côté, signé un décret le 19 février dernier pour la création d’une SP américaine qui serait la sixième branche armée des États-Unis. « L’espace est devenu un terrain de combat et la simple présence américaine dans l’espace ne suffit pas, il faut une domination américaine dans l’espace », affirmait alors le locataire de la Maison-Blanche. Cette SP serait avant tout destinée à répondre aux menaces que représentent les nouveaux armements russes et chinois, mais aussi les missiles iraniens et nord-coréens. M. Trump remet ainsi à l’ordre du jour le projet de son prédécesseur Ronald Reagan (1981-1989), qui avait eu l’idée du projet de « bouclier spatial » IDS (initiative de défense stratégique) plus connu sous le nom de « Guerre des étoiles », afin de protéger les États-Unis et leurs alliés de l’Union soviétique durant la guerre froide. Il avait néanmoins été stoppé, jugé irréalisable malgré les fonds investis et l’ambition de Washington.

Les efforts de l’administration Trump pour créer une force spatiale pourraient, selon certains spécialistes, être le signe de la fin d’une ère de coopération internationale dans l’espace, voire d’une nouvelle « course à l’espace ». « Le terrain pourrait être préparé pour une course du même type que celle de la guerre froide et qui submergerait toute coopération multilatérale », estime Stewart M. Patrick, directeur du programme institutions internationales et gouvernance mondiale (IIGG) du Council on Foreign Relations (CFR), cité dans un article publié sur le site de l’institut.

Néanmoins, l’heure n’est pas à la préparation d’une guerre telle qu’illustrée dans les films de science-fiction, ni à l’envoi de supersoldats dans l’espace, mais à une meilleure compréhension de l’environnement spatial de la part des gouvernements. Dans ce cadre, face aux ambitions chinoises, la priorité américaine est d’abord de retourner sur la Lune, où l’homme n’est plus allé depuis la mission Apollo 17, en 1972. Le voyage est prévu pour 2024.



Pour mémoire

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