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Culture - Festival de Beiteddine / Photo

« Les Maîtres du secret » s’exposent, mais ne se dévoilent jamais

Sous les voûtes ancestrales du palais de Beiteddine, les druzes de la Montagne, superbement portraiturés par le photographe Jack Dabaghian, accueillent les festivaliers, dans un clair-obscur qui sied à leur énigmatique aura...

Réincarnation, une image signée Jack Dabaghian.

Ils intriguent, fascinent, passionnent ou irritent par leur propension au mystère… Ces druzes, « Maîtres du secret » ainsi que les a baptisés Jack Dabaghian, membres essentiels de la mosaïque interconfessionnelle libanaise, le photographe franco-libanais les avait côtoyés durant la guerre, alors qu’il était reporter à l’agence Reuters. Il en avait gardé un souvenir assez fort. Séduit par « leur charisme, leur fierté, leur attachement à leurs traditions, l’aura énigmatique de leur religion », il s’était promis de leur consacrer, un jour, un travail plus approfondi. Trois décennies plus tard, libéré des contraintes du photojournalisme, il se lance enfin dans ce projet qui lui trottait dans la tête depuis si longtemps. Avec comme idée directrice le désir de mettre en lumière la pérennité de cette communauté qui a fêté en 2018 son premier millénaire.

D’autant qu’en entamant ses recherches, il avait découvert que « contrairement aux chrétiens, dont les monastères ont entretenu la mémoire de leur histoire dans la région par une trace imprimée, les banques d’images et les musées disposent de très peu de clichés anciens se rapportant aux druzes ».

Pour combler une partie de ce vide dans le patrimoine photographique druze, Dabaghian décide d’axer son projet sur « leur passage dans le temps ». Ce parti pris documentaire et anthropologique l’orientera dès lors vers une « esthétique surannée ». Et lui imposera quasiment le recours à une technique photographique ancienne. « Car même s’il ne s’agit absolument pas de montrer cette communauté sous un jour archaïque ou figé, ce qui m’intéressait, c’était de proposer des photos à sauvegarder pour les générations futures », insiste le photographe.

Il signale avoir été largement aidé dans son entreprise par Sid Rouis, le directeur de l’Institut français de Deir el-Qamar qui a mis à contribution ses relations pour le mettre en contact avec « ces gens qui ne se laissent pas approcher, encore moins se dévoiler, facilement ».


Jusqu’aux chardons…
C’est ainsi qu’à l’ère du digital, Jack Dabaghian choisit de revenir à la chambre photographique, à son temps de pause long et à son procédé chimique ancien dit du collodion humide (qui date des tout débuts de l’ère photographique) pour réaliser des images artisanales, sans film, sur des plaques en verre ou en aluminium noir… que l’on dirait tirées des albums du passé.

Des portraits de cheikhs aux regards insondables et à la noble prestance ; de paysans portant crânement la calotte et le sherwal ; d’hommes réunis en une jalsa rouhania (réunion spirituelle) à Khelwet Jornaya ; d’artisans et de calligraphes perpétuant des métiers traditionnels ; ou encore des femmes parées du mandil blanc… Des druzes photographiés en 2018 représentatifs d’une société séculaire et contemporaine tout à la fois. Une intemporalité délibérément voulue par Jack Dabaghian qui a, à cet effet, fait poser ses modèles dans des lieux cultes et symboliques, à l’instar du palais de Baadaran, « qui est le premier construit par les Joumblatt », celui de Beiteddine, les forêts de Maasser el-Chouf et du Barouk, les champs d’oliviers de Moukhtara… « Pour accentuer leur lien intrinsèque à la nature et la manière dont ils se sont implantés dans cette région », indique-t-il. Signalant avoir dans cette optique été même « jusqu’à photographier les chardons dont ils se sont nourris durant la Première Guerre mondiale quand l’Empire ottoman a voulu affamer les habitants de la montagne ».


Empreintes oniriques
Placés dans des cadres en chêne cérusé, la quarantaine de portraits, de paysages et de natures mortes que Dabaghian expose dans l’une des salles aux voûtes en pierres de taille du palais de Beiteddine, entraînent en effet le visiteur dans un temps indéterminé, aux effluves certes passéistes et cependant indiciblement connectés au présent. Comme une empreinte visuelle de cette religion philosophique, mystique et onirique… Et que l’on peut déceler autant dans les vibrants clichés de pure nature (représentant un cèdre ou un chardon) que dans ce portrait d’un cheikh entouré des cèdres du Barouk et enveloppé dans une nappe de brouillard. L’une des photos phares de cette exposition, avec celle abordant le thème de la réincarnation à travers le portrait dédoublé d’un cheikh, photographié sur deux plaques de verre superposées.

Une série d’œuvres tout à la fois artistiques, anthropologiques et documentaires, que le photographe franco-libanais a voulu comme un hommage à une communauté millénaire, fascinante gardienne d’une religion mystérieuse.

Une exposition proposée par l’Institut français de Deir el-Qamar, en partenariat avec le Festival de Beiteddine, et avec le soutien du Comité culturel du conseil religieux de la communauté druze. À ne pas rater.

Jusqu’au 10 août au palais de Beiteddine.

Ils intriguent, fascinent, passionnent ou irritent par leur propension au mystère… Ces druzes, « Maîtres du secret » ainsi que les a baptisés Jack Dabaghian, membres essentiels de la mosaïque interconfessionnelle libanaise, le photographe franco-libanais les avait côtoyés durant la guerre, alors qu’il était reporter à l’agence Reuters. Il en avait gardé un souvenir...

commentaires (1)

Un tel sujet, relatif à une communauté importante qui compose le Liban mérite quand même quelques mots. Je trouve d'une grande classe de la part d'un artiste, photographe ou reporter, (Jack Dabaghian) de traiter et mettre en lumière la sagesse, et la raison druze. Les druzes (adeptes du prophète Hamzé ibn Ali qui a crée cette religion semble être un mélange de croyances néo-platonicienne, du judaïsme, du christianisme et de l'islam. (au fond toutes les religions cités sont un peu mélangées quand on regarde à la loupe). Chez les druzes il existe les épitres de la sagesse, fierté et spiritualité qui remontent au XI siècle et le mot Hakim prend tout son sens. Ne me demandez pas si je suis druze ? Car je ne connais pas la réponse, mais si vous me demandez qui sont les druzes ? Je vous répondrai : Ceux qui écrivent le pacte de leur propre main, et adorent le Hakim, le créateur. Allez un sourire et vive le Liban dans toute sa diversité.... Mais j'aimerais savoir quand nos dirigeants vont nous faire l'honneur de s'entendre et de faire prospérer le Liban sans penser à leurs intérêts propres ? Un idéale à atteindre

Sarkis Serge Tateossian

20 h 00, le 19 juillet 2019

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Commentaires (1)

  • Un tel sujet, relatif à une communauté importante qui compose le Liban mérite quand même quelques mots. Je trouve d'une grande classe de la part d'un artiste, photographe ou reporter, (Jack Dabaghian) de traiter et mettre en lumière la sagesse, et la raison druze. Les druzes (adeptes du prophète Hamzé ibn Ali qui a crée cette religion semble être un mélange de croyances néo-platonicienne, du judaïsme, du christianisme et de l'islam. (au fond toutes les religions cités sont un peu mélangées quand on regarde à la loupe). Chez les druzes il existe les épitres de la sagesse, fierté et spiritualité qui remontent au XI siècle et le mot Hakim prend tout son sens. Ne me demandez pas si je suis druze ? Car je ne connais pas la réponse, mais si vous me demandez qui sont les druzes ? Je vous répondrai : Ceux qui écrivent le pacte de leur propre main, et adorent le Hakim, le créateur. Allez un sourire et vive le Liban dans toute sa diversité.... Mais j'aimerais savoir quand nos dirigeants vont nous faire l'honneur de s'entendre et de faire prospérer le Liban sans penser à leurs intérêts propres ? Un idéale à atteindre

    Sarkis Serge Tateossian

    20 h 00, le 19 juillet 2019

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