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Nos Lecteurs ont la Parole - par Carole Georges CHELHOT

Ô Canada, terre promise

Bonjour ma Josée ;

Cela fait une mèche que je ne t’ai plus écrit ma pitoune et j’en suis désolée.

Par où commencer ?…

Par notre président peut être ? Le Très Honorable a été élu pour présider notre République, c’est du moins ce que j’ai cru comprendre. Mais on murmure entre les branches que c’est pas lui qui mène mais qu’il est plutôt mené. On n’est pas tombé de la dernière averse, mais parfois j’ai l’impression qu’on est perdu comme des fous dans la forêt. On n’arrive pas à tirer notre bout. On se réveille tous les matins et on voit ben que l’on continue à se faire amancher ! On va au boulot, mais on n’avance pas, bien que l’on s’tourne pas les pouces. Le jour de la sainte touche, ben c’est une autre affaire, ce n’est pas toujours comme la visite de tante Rose, une fois tous les 28 jours, ça peut accuser des retards, le tout est laissé à l’humeur des boss qui débarquent avec leurs gros chars et leurs troupes de bouncer. Sans te parler de nos piastres qu’ils flambent alors que nous nous creusons les méninges pour nous serrer la ceinture ! Je te dis, on est saigné à blanc !

Nous plaindre, à qui ? Pour quoi faire? À nos dirigeants ? Que feront-ils? Bon on fait la grève et on bloque les rues, avec des lumières tout le tour de la tête, on n’est pas venu au monde hier, t’sais. Mais ça revient au même, on crie dans le bois ! Chacun tire la couverture de son bord et nous, on se fait crosser en masse par des cabaleurs. Ils se fichent de nous. C’est tous des visages à deux faces, c’est des p’tits criss qu’il faudrait dumper mais on n’y arrive pas. Que veux-tu ? Ils ont tous l’air mais pas la chanson ! J’sais pas où on s’en va ? Et pourtant nous n’étions pas nés pour du ptit pain par icit. Beaucoup tirent le diable par la queue pour subsister. On dirait qu’ils ont mangé tout leur foin et traînent la misère avec eux. Quoi qu’ils fassent, ils récoltent plus de roches que de patates et se retrouvent plus pauvres que la galle. Ils se sont faits plumer, sont cassés comme un clou et pis, cerise sur le gâteau, le bailli est passé et il a tout pris !

Je ne comprends toujours rien, par icit, ni du devant, ni du derrière. D’un côté on bourrasse, on crie sa colère, on braille, mais de l’autre, il y en a qui ne veulent rien savoir, qui se prêtent les bretelles, qui s’en balancent et qui te jettent plein la vue. Ils appellent ça prendre la vie du bon côté. Moi je trouve qu’ils sont épais comme des dictionnaires, C’est queq’chose mais que veux-tu, on est rendu là, le top du top. J’ai beau dit que nous avons le dos large et qu’on prend la vie par le bon boutte, mais trop, c’est trop, c’est à se péter la tête sur les murs. On est tout simplement dans un état complet de déni et sais-tu lequel, celui de notre réalité quotidienne.

La crise des vidanges ? De l’eau ? De l’électricité ? On est toujours inondé par la shnoute tout le long. Pour l’électricité, les génératrices font l’affaire et nos bonhommes leurs affaires. En guise de courant électrique régulier, ils nous ont offert des compteurs sur nos génératrices, la folie ! Au lieu de l’eau, ils nous chient de la broue à pleine gueule. Ils se chicanent tous dans la cabane et pis, ils jouent aux innocents ! On cavale toujours pour rien. Plus ça change, plus c’est pareil !

T’sais nos amis syriens, ben il y en a qui sont toujours là. Ils ont tellement adoré le pays qu’ils nous collent dessus. On les a libanisés, comme ça du jour au lendemain. Ça prend pas un cours classique pour comprendre la magouille. C’est pas de la ptite bière cette affaire. Ils se sont pognés dans une combine et se retrouvent dans leurs petits souliers. Ils nous ont cassé les oreilles avec, et pis plus rien, ils gardent ça mort. Les autres sont partis chez eux, mais la masse se plante chez nous !

À nous voir, on dirait qu’on est parti tous à nouveau pour la gloire : chez nous, le paraître est beaucoup plus important que l’être, des doubles ou triples faces, c’est comme on veut, on est tous si beaux, si smart, si fins ! Le soir venu, tu nous verras affaissés sur des terrasses, émerveillés par un banal coucher d’soleil, ou encore vautrés dans les resto devant le draught, boucanant le narguilé ou encore gros cigare en bouche, ça fait classe les cigares par icit et parlant à travers notre chapeau, pour terminer bourré comme une dinde et pacté comme un œuf rond. On a même eu un mort sur les bras, oui, oui, quelqu’un a dû voir rouge, et vlan un coup de feu et puis c’est fini. T’sais beaucoup se font barber alors ils prennent les narfes, comme ça pour un ptit rien. On devient comme un fusil à baguette, on dirait qu’on a le feu au cul et notre colère devient noire, mais que veux-tu ?

On nous met plein la vue pour les festivals d’été, c’est écœurant. Je ne sais plus quel wise, probablement bouché par les deux bouts, nous a crié que notre gazon demeure plus vert que chez le voisin et pis chanceux, on a les quatre saisons. Alors on se la ferme. Notre été sera très chaud, quoiqu’on n’a pas les touristes d’autrefois, t’sais, alors on zigonne. Nos copains arabes doivent faire le tour de la planète pour arriver chez nous ; leur gouvernement leur interdit de venir au Liban, je ne comprends pas. À la télé leurs représentants nous font des beaux sourires, mais interdisent à leurs citoyens la visite chez nous !

Mais bientôt on recevra nos chers expatriés. Ils viendront s’extasier par icit, s’existeront à la vue de notre mer, se promèneront à travers nos montagnes, feront des randonnées, c’est à la mode de chez nous, ces fameuses randonnées, iront se goinfrer dans les restos et se plaindront en masse à chaque fois qu’ils mettront le nez dehors : notre air est pollué, notre trafic insupportable, nos routes bloquées, notre eau non potable, nos poubelles non triées, notre air irrespirable, notre ciel tantôt trop couvert, tantôt trop ensoleillé, notre courant coupé, nos lignes téléphoniques encombrées, notre wifi non updaté et puis des vacances au Liban, ça leur revient dispendieux ! Que veux-tu, ils veulent péter dans de la soie, mais n’y arrivent pas ! Tout devient croche pour eux, même nous, libanais, avec le même sang coulant dans nos veines, leur sont insupportables, comme si nous étions des êtres venus d’un autre monde, complètement toqués, des soumis, des malades mentaux, des zombies… Et surprise, vacances terminées, ils s’en iront (enfin) chez eux, mais en larmes, ils nous quittent, ils sont alors en dépression, il paraît qu’ils souffrent du mal du pays chez eux ! Alors, moi je ne les comprends pas, ils veulent rester icit, rentrer chez eux, une jambe par icit, une jambe chez eux ! Ils pleurent, pourquoi au fond, pour nous ? Pour eux ? Pour se sentir bien, mieux ?

Tu es très loin de tout cela ma jolie dans ton Canada tout fleuri.

Chez toi tu vis autrement. Tu vis simplement, tu sais où tu t’en vas. D’abord tu es en sécurité, tu vis dans un État de droit, tout est garanti pour toi. Et puis, tu es protégée, respectée, appréciée. Tu jouis de l’indépendance, tu goûtes à la liberté !

Tu fais partie d’une nation. Tu prends ça aisé. Tu ne te pognes pas les nerfs pour rien. Tu peux danser plus vite que les violons. Tu n’as pas un mal de chien pour assurer le quotidien. T’as pas à te mettre dans tous tes états pour t’assumer ou à lécher des culs pour t’assurer. Tu vis en étant vraie. Tu n’en mets pas plein la vue pour épater le monde. Tu ne racontes pas des contes à dormir debout.

Tu vis chez toi dans un monde qui t’appartient. Ta vie est à toi, tu fais comme tu veux, ce que tu veux, sans contrainte, sans artifice, sans ce fardeau que tu traînes sur tes épaules au point où tu finis écrasée.

Ça file en grand chez toi, chez nous ça va toujours mal. Ça sent le pas bon.

Allez ma toutoune, je bois à ta santé en ce 1er juillet, à la santé du Canada, ce pays merveilleux où liberté, solidarité, vérité, communauté, coopération, convention, transparence et indépendance se conjuguent ensemble au présent plus-que-parfait !

Bonne fête du Canada, ma chouette, je penserai à toi !


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour.

Bonjour ma Josée ;Cela fait une mèche que je ne t’ai plus écrit ma pitoune et j’en suis désolée.Par où commencer ?…Par notre président peut être ? Le Très Honorable a été élu pour présider notre République, c’est du moins ce que j’ai cru comprendre. Mais on murmure entre les branches que c’est pas lui qui mène mais qu’il est plutôt mené. On n’est pas tombé de la...

commentaires (1)

PAS COMPRIS LE BUT &/OU LE MESSAGE "cache" DANS CE TEXTE . EST CE POUR ANNONCER FINALEMENT APRES TANT D'ANNEES VOTRE EXIL VERS CE PAYS ET/OU ENCOURAGER LES AUTRES A S'Y EXILER ?

Gaby SIOUFI

18 h 31, le 13 juillet 2019

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Commentaires (1)

  • PAS COMPRIS LE BUT &/OU LE MESSAGE "cache" DANS CE TEXTE . EST CE POUR ANNONCER FINALEMENT APRES TANT D'ANNEES VOTRE EXIL VERS CE PAYS ET/OU ENCOURAGER LES AUTRES A S'Y EXILER ?

    Gaby SIOUFI

    18 h 31, le 13 juillet 2019

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