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À La Une - Egypte

A Port-Saïd, le son ancestral du semsemia résonne encore

En 1956, l'attaque anglo-franco-israélienne contre l'Egypte à la suite de la nationalisation du canal de Suez, visant en particulier Port-Saïd, avait engendré des chants nationalistes, accompagnés par cet instrument, qui sont depuis entrés dans la culture populaire.

Iman Haddo, musicienne de 20 ans, joue la semsemia, une harpe traditionnelle égyptienne, le 29 mai 2019 dans la ville de Port-Saïd. Photo AFP / Khaled DESOUKI

Lorsque son atelier à Port-Saïd a été rasé en février pour laisser place à un centre commercial, Mohamed Ghaly, l'un des derniers facteurs de semsemia, une harpe traditionnelle égyptienne, a craint pour son art.

Le semsemia, à cinq cordes ou plus, passe pour avoir de lointaines racines pharaoniques. Sa forme est singulière: une caisse de résonance ronde, un trapèze pour tendre les cordes. Au XXe siècle, l'instrument en bois de hêtre a surtout été associé à la région de Port-Saïd, dans le nord-est de l'Egypte, où il avait été introduit par des ouvriers nubiens venus travailler au chantier du canal de Suez, il y a plus de 150 ans. En 1956, l'attaque anglo-franco-israélienne contre l'Egypte à la suite de la nationalisation du canal, visant en particulier Port-Saïd, avait engendré des chants nationalistes, accompagnés par cet instrument, qui sont depuis entrés dans la culture populaire.

C'est dans ce contexte que le semsemia a été considéré comme un instrument de résistance nationale. "C'est un instrument envoûtant qui vous convoque d'une certaine façon et j'ai répondu à l'appel", explique à l'AFP M. Ghaly. En devenant facteur d'instruments, ce menuisier de formation a entrepris d'aider à la sauvegarde du patrimoine égyptien.


Culture populaire

Dès l'enfance, après la guerre des Six jours de 1967, M. Ghaly, dont la famille avait dû comme des milliers d'autres quitter Port-Saïd pour aller à l'arrière du front, a été sensibilisé au semsemia. "Je l'entendais à la radio et j'en suis tombé amoureux", dit-il à l'AFP, entouré de nombreux modèles de semsemias dans son atelier.

Un jour, un musicien lui a demandé de lui en fabriquer un. Mohamed Ghaly a relevé le défi, puis en a réalisé à partir de 2003 de façon professionnelle après avoir constaté la rareté de ces instruments sur le marché. "Je vis à travers cet art", dit avec enthousiasme cet homme de 52 ans. Il dirige l'association culturelle El Toratheyah, fondée en 2005, qui fabrique et commercialise des semsemias.

Les musiciens qui en jouent, souvent rassemblés en sessions au milieu de leur public, chantent au son de l'instrument. Ibrahim Awad, 35 ans, écoute les groupes de semsemia depuis son plus jeune âge. "Ce que j'aime, c'est que ce n'est pas un groupe avec un leader (...) l'esprit est vraiment interactif", déclare ce connaisseur qui participe à des sessions à Port-Saïd.

Mais les autorités n'ont pas toujours prêté une oreille attentive à la cause de ces passionnés. Elles ont fait détruire le célèbre marché aux poissons de Port-Saïd, où se trouvait l'atelier de M. Ghaly, au profit de promoteurs immobiliers. Au milieu des bulldozers, Mohamed Ghaly avait organisé une ultime session, pour montrer son attachement à cet instrument traditionnel. Des hommes de tous âges ont joué et chanté sur les ruines de ce quartier où il avait fabriqué des semsemias pendant plus de dix ans. Quelques semaines plus tard, avec l'aide d'un groupe de jeunes défenseurs du patrimoine culturel, le quinquagénaire a trouvé de nouveaux locaux pour son association.

Parallèlement, El Toratheyah a créé Canal 20, un musée et centre culturel dédié à l'instrument, pour transmettre la tradition du semsemia.


Les filles s'y mettent

Iman Haddo, 20 ans, fréquente le lieu, où sont exposées de petites figurines représentant l'histoire de l'instrument et de veilles photographies d'anciens maîtres de semsemia. La jeune femme dit être tombée amoureuse adolescente de cet instrument après avoir assisté à un concert avec son père. "J'ai entendu jouer du semsemia pour la première fois il y a environ sept ans. C'était très étrange pour moi", raconte-t-elle. Elle s'y est mise. Pincer les cordes de l'instrument lui est venu naturellement, confie-t-elle. Elle a pratiqué assidument et appris par coeur des dizaines de chansons avant de monter il y a un an le premier groupe de semsemia entièrement féminin, Amwag (vagues). "Dans notre culture populaire locale, les filles dansent au son du semsemia mais n'en jouent pas", souligne Iman. "J'ai dû faire face à beaucoup de difficultés en tant que jeune femme pour changer la perception des gens. (...) Mais quand j'ai commencé à faire des spectacles sur scène ici, le public était réceptif et m'encourageait." Son groupe a été invité dans plusieurs festivals de musique.

Lorsque son atelier à Port-Saïd a été rasé en février pour laisser place à un centre commercial, Mohamed Ghaly, l'un des derniers facteurs de semsemia, une harpe traditionnelle égyptienne, a craint pour son art.Le semsemia, à cinq cordes ou plus, passe pour avoir de lointaines racines pharaoniques. Sa forme est singulière: une caisse de résonance ronde, un trapèze pour tendre les...
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