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Culture - Littérature

Le pouls de la vie et les préoccupations de la mort dans le roman arabe

Trois ouvrages qui témoignent de la vitalité de la littérature régionale.

« Soukout hourr » de Abir Esber.

La littérature en langue arabe se porte bien, Dieu merci, n’en déplaise à toutes les Cassandre. En vitrine des librairies, un choix d’ouvrages (tous chez Hachette-Antoine) qui atteste de sa vitalité, de son élan, de son sens de l’analyse sociale aussi bien que de l’importance d’un vécu quotidien, guère facile, dans une région arabe livrée à tous les déséquilibres, prédations et embrasements...

De Abir Esber à Khalil Sweileh en passant par Amir Taj el-Ser, tir groupé, pour les mots de la langue de Gebran et Nagib Mahfouz, qui prennent le pouvoir et aident peut-être à (sur)vivre...On ouvre le chapelet de ces ouvrages nouveaux avec Abir Esber, cinéaste et auteur qui revendique avec véhémence son statut d’écrivain et non d’écrivaine. Car elle rappelle que la qualité et la force de son écriture, autant que sa filmographie, n’ont rien à envier à celle des hommes. Réputation par conséquent sulfureuse de batailleuse pour une femme qui manie aussi bien la plume que la caméra. Née en Syrie et vivant au Canada, polyglotte (elle maîtrise aussi bien l’arabe sa langue native que le français et l’anglais), elle a à son actif déjà trois romans – Lulu, Manazel al-ghiyab (Les demeures de l’absence) et Kaskas warak (Papier coupé) aux éditions al-Kawkab – tous retenus par le public et la critique. Par ailleurs, elle a collaboré dans le domaine cinématographique avec Haytham Hakki et Yousri Nasreldin, et elle a signé plusieurs films documentaires et un feuilleton intitulé al-Oubour (Le passage).

Son dernier et quatrième roman Soukout hourr (Chute libre, Hachette-Antoine, 109 pages) est un sombre récit d’une famille damascène qui se querelle autour d’une vieille demeure où s’érige le caveau de toute la généalogie. Combat des vivants ou des morts autour de leur tombeau ? La mort contre la vie ? Ou vice versa…

La narratrice Yasmina voyage de ville en ville avec des histoires poignantes. Ce roman est en rupture avec les œuvres antécédentes de la romancière, car elle ne procède pas à des règlements de comptes, mais un douloureux témoignage d’une réalité qui fait émigrer les enfants d’une terre, qui ne possèdent pas leur avenir et encore moins leur liberté…. Même par-delà la mort, pour une sépulture décente et juste. Récit dense et court écrit avec une sensibilité d’écorchée vive.


Khalil Sweileh entre cœur de loup et cœur d’oiseau….

Né dans le district de Hassaké, romancier, journaliste et critique littéraire syrien déjà remarqué et couronné en 2009 du Prix Naguib Mahfouz pour son premier opus Warrack el-Hob (traduit déjà en anglais sous le titre de Scribe of Love) ainsi que du Prix Cheikh Zayed l’année dernière pour Ikhtibar al-nadam (L’expérience du remords), Khalil Sweileh est aussi, par ailleurs, auteur de plus de six romans.

À soixante ans, il publie Ezlat al-Halzoun (Hachette-Antoine, 212 pages). Ses préoccupations de la guerre en Syrie ainsi que les conflits dans le monde arabe tout aussi que les intermittences du cœur sont à la pointe de sa plume. Dans son dernier livre, il s’interroge sur son identité, ses origines, fouille et démonte son arbre généalogique. Une fois de plus, la quête des racines s’impose…

Ses découvertes, surtout du passé oral, le mènent à une poignée de mensonges à travers le dédale des faits historiques tracés et rapportés, dans le doute, l’emphase des événements et surtout l’usage du faux… Des destinées contradictoires, avec comme fil conducteur l’histoire, pour un féroce combat entre tous ceux qui portent en eux des cœurs de loups ou des cœurs d’oiseaux…

Par-delà un verbe dense et souvent d’un lyrisme emporté, voilà une farouche quête pour la vérité d’une identité.


La tachycardie selon Amir Taj el-Ser

Entre le Soudan où il est né et Doha (Qatar) où il vit, entre la gynécologie, sa profession, et sa plume d’homme de lettres, Amir Taj el-Ser (proche parent de Tayeb Salih, auteur des romans cultes arabes Saison de la migration vers le Nord et Mariage de Zein) est déjà, à 59 ans, l’auteur de plus de six ouvrages (traduits en plusieurs langues européennes) tous portés vers la fiction mais se nourrissant de la réalité la plus profonde du monde arabe. Dont Ebola 76, L’invasion des fourmis, Tensions coptes et Le chasseur des chrysalides qui s’est rapproché en 2011, mais sans être retenu, du Prix du livre arabe…

En publiant son dernier opus Taccicardia (Tachycardie, Hachette-Antoine, 154 pages) ), Amir Taj el-Ser abandonne un peu la fiction pour se livrer, à travers des personnages rencontrés dans son parcours, à une sorte de confidence personnelle. Et s’il parle de tachycardie, ce phénomène du corps qui fait battre le cœur, au repos, à plus de cent pulsations à la minute, c’est que sa plume s’emballe quand il s’agit de lever le voile sur les secrets des êtres croisés sur son chemin, sans les nommer ouvertement, et surtout dans sa profession de médecin sous le serment d’Hippocrate… Pudique voile qui se sauve insensiblement vers la fiction, comme pour ne jamais trahir un aveu, une confession ou une auscultation clinique, pour parler de la vie, de ses bobos, des intermittences du cœur, des corps défaillants, des relations humaines, surtout entre sexes opposés où l’harmonie semble un oiseau rare…

Une plume alerte et bienveillante en un style fluide pour témoigner, par-delà hôpitaux ou cabinets médicaux de consultation, de la vie et des vivants dans leur état d’espoir ou de détresse, de maladie ou de guérison, de vigueur ou de fragilité, de misère ou de bonheur…


Pour mémoire

Des femmes, du chemin de fer et du cœur des hommes, en arabe...

La littérature en langue arabe se porte bien, Dieu merci, n’en déplaise à toutes les Cassandre. En vitrine des librairies, un choix d’ouvrages (tous chez Hachette-Antoine) qui atteste de sa vitalité, de son élan, de son sens de l’analyse sociale aussi bien que de l’importance d’un vécu quotidien, guère facile, dans une région arabe livrée à tous les déséquilibres,...

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