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Culture - Édition

Des femmes, du chemin de fer et du cœur des hommes, en arabe...

Quatre livres en langue arabe survolent quatre pays de soleil. Du Liban à la Syrie en passant par le Soudan et l’Irak, la fiction vient tracer et capter la réalité, souvent explosive, tourmentée. Celle des femmes, des grandes œuvres architecturales et bien sûr des intermittences du cœur. Quatre plumes d’homme, mezzo voce et sans machisme, pour narrer et expliquer la vie.

Le dernier ouvrage de Amir Taj el-Ser.

Charif Majdalani, du pouvoir des femmes…

On ouvre la ronde avec Charif Majdalani, un auteur francophone libanais. Son dernier roman La villa des femmes vient d’être traduit en langue arabe par Daniel Saleh (221 pages, Naufal). Un riche négociant en tissu, Skandar Hayeck, est frappé par la mort avant que le chaos et la guerre n’éclatent. Pour lui succéder à la tête de l’empire qu’il s’est taillé, trois femmes aux caractères divergents : son acariâtre de sœur Mado, son épouse Marie et sa fille bien-aimée Karine. Face au clan des femmes, deux hommes : Noula le fils aîné, dépensier et vaniteux, et Hareth le cadet, plus porté à une gestion saine des acquis et des avoirs. Portrait de famille sur fond de crise sociale. Un ouvrage salué en France par le prix Jean-Giono et que les lecteurs arabophones découvriront dans sa force et saveur parfaitement libanaises, comme un juste retour au giron de la terre natale !


Amir Taj el-Ser, un ton romanesque nouveau…

Amir Taj el-Ser est un auteur soudanais établi à Doha qui était médecin à la base. Le démon (ou l’archange) de l’écriture (tout comme pour Alaa al-Aswany, l’auteur de L’immeuble Yacoubian) a fini par l’emporter après avoir établi dans sa vie un espace méditatif parallèle.

Les nouvelles, récits, recueils de poésie et romans de cet écrivain de 58 ans, proche parent de Tayeb Saleh (superbe auteur de La saison de la migration vers le nord), ont été traduits en plusieurs langues européennes (français, anglais, italien, espagnol…) et ont été retenus pour recevoir des prix prestigieux comme pour figurer sur la liste du célèbre Booker Prize.

Aujourd’hui, avec la parution de Jizee mouelem min hikaya (Partie pénible d’une histoire, 322 pages, Hachette Antoine), l’homme de lettres, déjà remarqué par une œuvre abondante, aborde le réalisme des sentiments humains. L’auteur explore également un style fantastique et flamboyant, passablement inédit en littérature arabe. L’histoire commence par un sourire ravageur qui saisit le narrateur à la pointe du cœur et le lie éperdument à une femme… Un conte aux abords du XVIIe siècle où opère la magie de la séduction à travers une plume brillante et inspirée qui offre tant de détails sur les chemins de traverse de l’inconscient, de l’imaginaire, de la perception à la fois réelle et rêvée.

Écrit dans une langue arabe aux nuances subtiles, avec des images poétiques, le roman déroule des personnages dotés d’une densité et d’une épaisseur singulières. Saluons le ton romanesque nouveau, à la fois témoignage sur une société engoncée dans ses traditions et mue par un besoin incoercible de se libérer et de s’évader…


Nizar Abdel Sattar, une femme contre trois pays puissants…

Roman historique par excellence, avec une touche de surprenante fantaisie, que ce Tirtir (ça aurait pu être un joli nom de femme aux sonorités de papillon, mais non, il s’agit plutôt d’un tuff-tuff d’un train qui ronronne !) signé Nizar Abdel Sattar (278 pages, Hachette Antoine).

Auteur irakien né à Bagdad en 1967, adulé en son pays pour son écriture dès son premier opus Laylat al-Malak (La nuit de l’ange), Nizar Abdel Sattar est aussi un journaliste chevronné dévoué à la cause culturelle arabe.

Ce roman s’ouvre sur l’année 1898 quand l’empereur Wilhelm II, qui entreprend un voyage à Istanbul pour rencontrer le sultan Abdülhamid II, décide de faire vivre un projet qui lui tient à cœur : construire un chemin de fer de Berlin à Bagdad pour concurrencer le commerce avec l’Angleterre et barrer ainsi la route de l’Inde…

Pour cette grande entreprise, le Kaiser veut introduire les commerçants allemands à Mossoul et fonder une industrie du tissage pour lutter contre le négoce anglais. C’était sans compter avec Enwar Hanes, née de père allemand et de mère turque, guide touristique avisée travaillant à l’agence Thomas Cook.

Surprise de taille avec cette jeune femme qui n’a guère froid aux yeux, a la langue bien pendue, est habitée par ses rêves et croit ferme à ce que lui dictent l’amour et son cœur. Personnage-clef dans ce projet grandiose, voyageuse passionnée, elle va renverser toutes les données et rompre tous les équilibres. Elle tiendra tête à trois puissances : l’Angleterre, la France et la Russie des tsars. On n’en dira pas plus pour garder le plaisir et le secret d’une lecture captivante d’un livre fourmillant de vie et de répliques cinglantes.


Fadi Azzam, les conseils d’un père

Établi à Londres, Fadi Azzam est un écrivain syrien ainsi qu’un réalisateur de films documentaires. Si ses livres ne sont pas nombreux, ils ont néanmoins fait beaucoup de vagues pour atteindre l’attention des jurés de Booker Prize arabe.

Son dernier né sur le papier s’appelle Al-Wassaya (Les conseils, 313 pages, Hachette Antoine). Un testament qu’il lègue en 99 phrases comme la litanie des 99 noms de Dieu dans la religion musulmane…

Bien sûr l’allusion au célèbre poème de Rudyard Kipling If (Si…), recommandations d’un père à son fils pour qu’il devienne un homme, un vrai, avec des valeurs nobles et positives, saute aux yeux… Mais que l’on ne s’y trompe pas, car il s’agit là d’une évocation non seulement de la vertu pour une fille, mais aussi de la force pour se sauver d’un monde moderne féroce et sans ménagement.

Le père s’adressant à sa fille (qui n’est pas encore née ou à toutes les filles du monde) parle d’un vécu difficile et douloureux. L’autorité de sa parole lui vient de son expérience. Il s’entretient de ce monde brutal et cruel que doit affronter un être féminin. Les conseils, les moins attendus au monde arabe, affleurent : combativité, sens économique pour la liberté et l’indépendance ainsi que l’affrontement, sans perdre la notion sentimentale, avec l’homme toujours prêt à tout annexer…

Un ton et une voix qu’on a plaisir à entendre dans cet univers arabe obscurantiste et rétrograde. Et la fille réplique au père dans le même registre d’enseignement, comme dans une conversation qui puise à la même source.

Deux citations (le premier et l’un des derniers conseils) en exemple de cette écriture singulière : « L’important n’est pas ce que tu mets sur ta tête mais dans ta tête. » Et : « Pourquoi le silence si la parole est possible, mon père, pourquoi crier quand un murmure peut tout résoudre… »

Charif Majdalani, du pouvoir des femmes… On ouvre la ronde avec Charif Majdalani, un auteur francophone libanais. Son dernier roman La villa des femmes vient d’être traduit en langue arabe par Daniel Saleh (221 pages, Naufal). Un riche négociant en tissu, Skandar Hayeck, est frappé par la mort avant que le chaos et la guerre n’éclatent. Pour lui succéder à la tête de l’empire...

commentaires (1)

L'occasion pour moi ici de saluer la décision nouvelle de l'OLJ de mentionner systématiquement les noms des éditeurs de livres et les adresses des lieux de spectacles, expos et autres manifestations!

Marionet

08 h 54, le 23 octobre 2018

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Commentaires (1)

  • L'occasion pour moi ici de saluer la décision nouvelle de l'OLJ de mentionner systématiquement les noms des éditeurs de livres et les adresses des lieux de spectacles, expos et autres manifestations!

    Marionet

    08 h 54, le 23 octobre 2018

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