Jared Kushner à l’ouverture, hier à Manama, de la conférence sur le volet économique du plan américain de paix pour le Proche-Orient. Reuters TV via Reuters
Jared Kushner, conseiller du président Donald Trump, a exhorté hier les Palestiniens à saisir « l’occasion du siècle », à l’ouverture à Bahreïn d’une conférence sur le volet économique d’un plan américain de règlement au Proche-Orient, un préalable selon lui à un accord de paix.
Les Palestiniens boycottent la conférence de Manama. Ils jugent la démarche inopportune sans une solution des questions politiques, pourtant au cœur du conflit au Proche-Orient. Ils réclament notamment la fin de l’occupation israélienne afin de constituer un État indépendant.
La politique suivra, assure l’administration Trump. Pour l’instant, son plan va se concentrer sur des propositions économiques, présentées pendant deux jours « d’atelier » dans un palace surplombant les eaux du Golfe, à Bahreïn.
Intitulé « De la paix à la prospérité », le volet économique du plan dévoilé samedi fait miroiter 50 milliards de dollars d’investissements internationaux dans les territoires palestiniens et les pays arabes voisins sur dix ans.
« Accepter une voie de développement économique est une condition préalable pour parvenir à régler ce problème politique auparavant insoluble », a affirmé dans son discours d’ouverture Jared Kushner, également gendre du président Trump. Bien que les questions politiques ne doivent pas être abordées au cours des deux jours de travaux à Manama, il a reconnu qu’elles devraient être traitées ultérieurement. « Il faut être clair », a-t-il déclaré : « La croissance économique et la prospérité pour le peuple palestinien ne pourront être atteintes sans une solution politique juste et durable, qui garantisse la sécurité d’Israël et respecte la dignité du peuple palestinien. »S’exprimant dans un entretien à la chaîne al-Jazeera diffusé hier, M. Kushner a livré un rare aperçu de ce que pourrait être le volet politique du projet. Il a confié qu’un accord sortirait du cadre de l’initiative de paix arabe de 2002. Un potentiel accord se situerait « entre l’initiative de paix arabe et la position israélienne », a-t-il dit.
(Lire aussi : La paix à crédit, l'édito de Issa GORAIEB)
Rejet a priori
« Mon message direct au peuple palestinien est que (...) le président Trump et l’Amérique ne vous ont pas abandonnés », a encore dit M. Kushner à l’ouverture de la conférence. Ce plan de développement économique pourrait être « l’occasion du siècle, si la direction (palestinienne) a le courage de la saisir », a-t-il insisté.
Selon Washington, le plan pourrait permettre, grâce à de grands travaux et au développement du tourisme, la création d’un million d’emplois pour des Palestiniens englués dans une crise économique. Mais les Palestiniens ont dès le départ rejeté cette initiative, estimant qu’il s’agissait, de la part d’un Trump ouvertement pro-israélien, de tenter de les acheter.
Saëb Erakat, le secrétaire général de l’OLP, a indiqué que l’administration Trump « insinue qu’elle sait ce qui est le mieux pour le peuple palestinien ». « Ce genre de campagne vise à faire accepter au peuple et aux dirigeants palestiniens les dictats, les menaces et la tyrannie à la fois des États-Unis et d’Israël : elle est vouée à l’échec », a-t-il assuré. Des manifestations ont eu lieu lundi en Cisjordanie occupée pour protester contre la tenue de cette conférence, brûlant des portraits du président Trump et du roi de Bahreïn.
Fait sans précédent, Manama a accueilli pour cette conférence des dizaines d’Israéliens, dont des chercheurs et des journalistes, en dépit de l’absence de relations diplomatiques entre les deux pays. Les États-Unis se félicitent de la tenue de cette conférence, qui réunit leurs alliés du Golfe et Israël, unis dans leur hostilité envers l’Iran. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui a aussi critiqué le boycott palestinien, a évoqué au cours des derniers mois la possibilité d’annexer une partie des territoires occupés, ce qui mettrait fin aux espoirs des Palestiniens de parvenir à fonder leur propre État. L’administration américaine a laissé entendre qu’elle pourrait accepter cette annexion et que le volet politique de son plan pourrait ne pas faire référence à un État palestinien, contrairement à la position américaine depuis des décennies.
Quels résultats ?
Le président Trump a déjà reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël et Jared Kushner est un ami de la famille Netanyahu. L’Arabie saoudite, qui a envoyé à Manama son ministre des Finances, a dit soutenir « tous les efforts internationaux destinés à parvenir à la prospérité dans la région ». Mais elle s’est également prononcée en faveur d’une paix « totale et juste » et a réitéré son soutien à l’établissement d’un État palestinien.
La Jordanie et l’Égypte, les deux seules nations arabes ayant signé un accord de paix avec Israël, ont envoyé à Manama des fonctionnaires, de même que le Maroc.
En l’absence des principaux intéressés, la conférence ne devrait pas parvenir à des résultats tangibles, estiment les experts. Selon Richard LeBaron, ancien diplomate américain au Moyen-Orient, l’absence des dirigeants palestiniens va permettre à Jared Kushner de les décrire comme des personnes faisant fi du bien-être économique de leur peuple. « L’échec de l’atelier de Manama sera en fait un succès pour la stratégie de Trump, juge M. LeBaron, du groupe de réflexion Atlantic Council. Cela permettra à Kushner et son équipe de prétendre qu’ils ont tout fait pour parvenir à une solution et de reprocher à d’autres leur manque de coopération. »
Jared Kushner, conseiller du président Donald Trump, a exhorté hier les Palestiniens à saisir « l’occasion du siècle », à l’ouverture à Bahreïn d’une conférence sur le volet économique d’un plan américain de règlement au Proche-Orient, un préalable selon lui à un accord de paix.Les Palestiniens boycottent la conférence de Manama. Ils jugent la démarche...
commentaires (5)
Si l’on observe de près la valse des milliards proposés, (La part du Liban se monte à un peu plus de six milliards), c’est une grande erreur de ne pas proposer la gestion de ce patrimoine à notre cher daron économique et financier, M. Carlos Ghosn. Je l’écris avec tout le sérieux dont je suis toujours capable, car notre chevalier d’industrie a fait ses preuves dans ce domaine. Et là je ne prends pas le risque de me contredire. C’est inexplicable, mais j’ai une affection particulière pour Carlos Ghosn. Allons, allons, toute cette réunion à Manama, ville cosmopolite dans tous les sens du terme, n’est que pour rapprocher les protagonistes. Encore un effort messieurs les émirs pour une meilleure normalisation… C.F.
L'ARCHIPEL LIBANAIS
12 h 50, le 26 juin 2019