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Santé - Cardiologie

Hypertension artérielle, quelles normes pour le Liban ?

Confrontée à deux définitions de la maladie, la Société libanaise de cardiologie a finalement décidé d’adopter les chiffres européens.

Au Liban, est considérée comme hypertendue toute personne dont la tension artérielle est supérieure à 140/90 mm Hg. Photo Bigstock

La définition de l’hypertension artérielle (HTA) n’a jamais été aussi complexe pour les pays qui se situent en dehors du Vieux Continent et des États-Unis. En effet, jusqu’en 2017, une personne était considérée comme hypertendue si elle affichait une tension artérielle supérieure à 140/90 mm Hg. Or, lors de sa réunion de 2017, la Société américaine de cardiologie (American College of Cardiology-ACC) a émis de nouvelles recommandations, abaissant les chiffres de la tension. Selon l’ACC, est désormais considérée comme hypertendue toute personne dont la tension artérielle est supérieure à 130/80 mm Hg. De son côté, la Société européenne de cardiologie a, lors de sa réunion tenue l’an dernier maintenu les chiffres de 140/90 mm Hg pour définir l’hypertension artérielle. Quelle définition doivent donc adopter les pays non américains et non européens ? Le point avec le Dr Rabih Azar, chef du département de cardiologie à l’Hôtel-Dieu de France.

Cette différence d’un point entre les définitions américaine et européenne est-elle cliniquement importante ?

Oui parce qu’elle va considérablement augmenter le nombre d’hypertendus. De même, elle va augmenter, mais à un moindre degré, le nombre de patients sous traitement médicamenteux. Cependant, les Européens estiment que traiter des patients ayant une tension entre 130/80 et 140/90 mm Hg augmentera les dépenses du système de santé sans abaisser de façon significative les complications de l’hypertension (infarctus, accident vasculaire cérébral, insuffisance rénale…). Les Américains, d’ailleurs, sont d’accord sur ce dernier point et ne recommandent le traitement à ces personnes ayant une tension inferieure à 140/90 mm Hg que lorsqu’elles sont à haut risque cardio-vasculaire.

Quelles normes la Société libanaise de cardiologie a-t-elle adoptées ?

Il y a quelques années, j’ai mené une étude avec mon équipe du département de cardiologie de l’Hôtel-Dieu de France sur la prévalence de l’hypertension au Liban. Il en est ressorti que 36 % de la population, âgée de plus de 21 ans, était hypertendue, avec une tension artérielle qui dépasse les 140/90 mm Hg. Chez les personnes âgées de plus de 50 ans, la prévalence de la HTA était de 50 %. Par ailleurs, l’étude a montré que seule la moitié des personnes hypertendues était consciente de leur situation et, par conséquent, suivaient un traitement, et 50 % de ces patients traités avaient leur HTA contrôlée. Donc, seulement 25 % des personnes hypertendues au Liban étaient contrôlées. Ce qui est grave.

Face à ces nouvelles recommandations américaine et européenne, le président de la Société libanaise de cardiologie, Antoine Sarkis, et moi-même avons procédé à une analyse de l’étude susmentionnée. Il s’est avéré que si on appliquait les recommandations de l’ACC, 58 % de la population libanaise âgée de plus de 21 ans serait hypertendue (68 % des hommes et 45 % des femmes). En ce qui concerne le taux des personnes hypertendues dont la maladie est contrôlée, il sera inférieur à 25 %. Nous avons constaté que cette nouvelle définition va créer de nombreux problèmes au Liban et risquera de banaliser le problème. Comme cette différence d’un point n’est pas cliniquement très significative et n’a pas beaucoup d’implications pour le traitement, il a été décidé de suivre les recommandations européennes et de maintenir les chiffres de 140/90 mm Hg pour définir une hypertension et entamer un traitement médicamenteux.

Pourquoi seuls 50 % des patients savent qu’ils sont hypertendus ?

Parce que l’hypertension est une maladie silencieuse. Contrairement à ce que l’on pense, rares sont les patients qui ressentent les symptômes de la HTA, comme des vertiges, des bourdonnements aux oreilles ou un mal de tête. D’où l’importance de mener des campagnes de dépistage. Idéalement, il faudrait, dès l’âge de 18 ans, effectuer un examen médical annuel qui comporte une prise de la tension artérielle. Parce que, si la HTA n’est pas contrôlée, elle peut entraîner des complications cardio-vasculaires – comme un infarctus du myocarde, un accident vasculaire cérébral – ou rénales.

Pourquoi, selon votre étude, les médecins ne réussissent pas à contrôler la HTA par le médicament ?

Il existe deux facteurs. Le premier dépend du patient lui-même qui ne suit pas les recommandations hygiéno-diététiques ou ne se conforme pas au traitement. Le second facteur dépend des médecins qui ont peur de prescrire plusieurs médicaments. Dans notre étude, nous avons constaté que de nombreux médecins prescrivent un seul médicament. Or, selon les recommandations américaines et européennes, le traitement de la HTA doit commencer par une bithérapie puisque les études ont montré qu’un seul médicament est insuffisant pour bien contrôler la tension. Si, avec la bithérapie, la HTA n’est toujours pas contrôlée, il faut ajouter un troisième médicament. Il faut préciser dans ce cas que la tension systolique (maxima) est aussi importante que la tension diastolique (minima). On est hypertendu si l’une des deux tensions est élevée ou si les deux sont élevées.

Est-il possible d’arrêter un traitement médicamenteux de la HTA ?

Rarement et dans certains cas bien précis. L’HTA a deux origines : génétique et environnementale, qui dépend du mode de vie. L’adoption de mesures hygiéno-diététiques peut abaisser la tension artérielle. Celles-ci consistent à perdre du poids (une perte de dix kilos entraîne en moyenne une baisse de 10 mm Hg de la tension artérielle, ce qui correspond à l’effet d’un médicament), à suivre un régime hyposodé (pauvre en sel), riche en légumes, fruits et produits laitiers (régime DASH), à réduire la consommation de stimulants comme la caféine et l’alcool, à pratiquer une activité physique régulière à raison d’au moins trente minutes, trois fois par semaine, et à bien dormir.

En agissant sur les causes environnementales, on agit sur une partie des causes de la HTA. Souvent, malgré toutes les précautions prises, elle reste élevée en raison des facteurs génétiques. Elle sera toutefois plus facile à traiter. Donc, dans certains cas bien précis, il est possible d’arrêter le traitement, mais dans la majorité des cas, cela est difficile en raison de la composante génétique.


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