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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Que reste-t-il des Frères musulmans dans le monde arabe ?

Donald Trump a annoncé sa volonté d’ajouter la confrérie à la liste des organisations terorristes.


L’ancien président égyptien Mohammad Morsi en prison. Photo AFP archives

Ce fut leur moment d’apogée avant la disgrâce. Entre 2011 et 2013, les Frères musulmans, mieux organisés que le reste de l’opposition, ont réussi à récupérer les révolutions des printemps arabes – alors qu’ils avaient été eux-mêmes dépassés par les manifestations populaires – et à prendre le pouvoir dans le pays le plus symbolique de la région, l’Égypte. La vague « frériste » était soutenue par le Qatar et par la Turquie avant de se heurter au mur du mouvement anti-Ikhwane soutenu par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, et qui a entraîné la chute du président égyptien issu de l’organisation, Mohammad Morsi, en 2013, et le retour à la clandestinité pour la confrérie. Malgré la répression et la chasse aux sorcières qu’il subit, le mouvement semble toutefois ne pas encore avoir touché le fond. Après une rencontre avec le président égyptien, le général Abdel Fattah el-Sissi, le 9 avril, Donald Trump a déclaré le 30 avril dernier que les États-Unis envisageaient de placer les Frères musulmans sur la liste noire des « organisations terroristes ». Ce geste reviendrait à compliquer un peu plus les relations entre Washington et Ankara, et serait perçu comme un blanc-seing accordé à l’axe prosaoudien, qui considère déjà le mouvement comme terroriste.


« Une voix inaudible »
Née en Égypte en 1928, la confrérie est le plus ancien mouvement de l’islamisme sunnite. L’offensive antifrères, en Égypte et ailleurs, l’a considérablement affaiblie, réduisant son influence sur l’échiquier international. Les Frères musulmans égyptiens étant l’organisation mère, la répression exercée contre elle a eu des répercussions à travers tout le monde arabe.

Le régime militaire égyptien, depuis le massacre du square Rabia al-Adawiyya d’août 2013, où plus de 800 personnes ont été tuées, s’est livré à une répression violente et systématique des membres de la confrérie. Des dizaines de milliers de frères emprisonnés, des condamnations à mort en masse : si le mouvement disposait de 88 sièges au Parlement égyptien en 2010, il est désormais illégal, réduite à la clandestinité. Pour ce qui est de la vie associative égyptienne, même histoire. « Si les frères contrôlaient nombre de charités, d’hôpitaux et d’écoles, depuis cinq ans, tout cela est maintenant dans les mains de l’État – ils ont complètement perdu leur capacité organisationnelle », décrit pour L’OLJ Amr Mahmoud el-Shobaki, politologue spécialiste des Frères musulmans. Dissensions et désaccords internes ont notamment participé à ce déclin. Une aile dure, plus jeune, est favorable à un passage à l’action armée, alors que la vieille garde souhaite s’en tenir à une ligne d’opposition politique. « La confrérie est très affaiblie, résume pour L’OLJ Sarah ben Nefissa, politologue égyptienne. Sa direction est complètement éclatée et divisée, et ses cadres moyens sont également dispersés. » Conséquence, « au niveau de l’opposition politique aujourd’hui, la voix des Frères musulmans est inaudible », conclut la chercheuse.


(Lire aussi : Trump veut classer les Frères musulmans comme organisation « terroriste »)


Le coup subi par la confrérie en Égypte relève l’échec du projet de cooptation porté par le Qatar. Si Doha a cherché à étendre son influence régionale à travers son soutien aux frères, le mouvement, quand il n’est pas combattu, est aujourd’hui inféodé à la majorité des régimes au pouvoir. « Au Maroc, même s’ils sont toujours au gouvernement, ils restent sous le contrôle étroit de la monarchie, utilisés pour désamorcer le potentiel révolutionnaire qui s’est révélé dans le pays en 2011 », décrit pour L’OLJ Gilbert Achcar, professeur à la School of Oriental and African Studies de l’Université de Londres. En Algérie, ce qu’il reste des frères a aussi été coopté au pouvoir, ayant d’ailleurs fait partie de la coalition gouvernementale du président Bouteflika. En Syrie, au sein de l’opposition officielle, les frères ont été écartés du rôle central qu’ils avaient, sous pression saoudienne. « Ils n’ont pas l’influence sur le terrain qu’on leur prête parfois – forcés à un très long exil datant que la fin des années 1970, puis suite au massacre de Hama de 1982, les frères ont été coupés de tout contact avec la société syrienne jusqu’à 2011 », étaye pour L’OLJ Raphaël Lefèvre, spécialiste de l’islam sunnite à l’Université de Cambridge. En 2017, le Hamas prend ses distances avec la confrérie, retirant de sa nouvelle charte l’article faisant de lui « une des ailes des Frères musulmans en Palestine ». Son dirigeant, Khaled Mechaal, déclare que « si idéologiquement, nous faisons partie de l’école frériste (…) nous ne suivons aucun mouvement en termes d’organisation ». Finalement, en Jordanie, la confrérie, autrefois considérée comme le groupe d’opposition le plus légitime du pays, succombe aux divisions internes, l’échec des soulèvements arabes et la conséquente radicalisation de leur discours contribuant au déclin de leur influence.

La confrérie ne résiste qu’en Tunisie, en Libye et en Turquie. Au pouvoir à Tunis, le parti frériste Ennahda perd pourtant sa place de premier parti du pays au profit de Nidaa Tounes aux législatives de 2014. En 2015, Ennahda intègre à nouveau le gouvernement au sein de la coalition, pour cause de défections dans les rangs de son rival. En Libye, les Frères musulmans, avec le Parti de la justice et de la construction libyen (PJC), leur vitrine politique, disposent d’une quinzaine de sièges au Haut Conseil d’État, la Chambre haute du Parlement de Tripoli. Le maréchal Khalifa Haftar, qui mène actuellement une offensive pour prendre Tripoli, soutenu par l’axe prosaoudien, accuse le Premier ministre libyen Fayez Sarraj de s’être allié avec des milices islamistes se réclamant de la confrérie. En Turquie, le président Recep Tayyip Erdogan multiplie les signes de ralliement à la confrérie, mais sa politique est surtout guidée par des considérations nationalistes habillées de néo-ottomanisme.

« En général, la confrérie est affaiblie sur le plan régional, mais, si son rôle est aujourd’hui considérablement réduit par rapport à l’apogée de 2011, elle n’est pas pour autant sortie de la scène », conclut Gilbert Achcar.


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commentaires (2)

IL RESTE QUAND MEME LE NOM !

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 10, le 20 mai 2019

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Commentaires (2)

  • IL RESTE QUAND MEME LE NOM !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 10, le 20 mai 2019

  • Pauvres freres musulmans aneantis par les 2 puissances diaboliques que sont l iran et l arabie saoudite.

    HABIBI FRANCAIS

    07 h 23, le 20 mai 2019

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