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Culture - Photo

De l’industrie à la nature, « Le chemin du retour » de Joumana Jamhouri...

L’esthétique industrielle et le détournement d’objets ont toujours été la marque de fabrique de cette talentueuse photographe. Elle ajoute cette fois à son travail une dimension sensiblement – et paradoxalement – écologique.

Capturer la mystérieuse beauté des matériaux, outils et éléments de l’industrie (Une vue de la cimenterie nationale (89x59 cm).

Donner aux résidus d’aluminium le glamour de la poussière d’étoiles, mais aussi la mélancolie des larmes de pluie; transformer l’alignement de grues du port de Beyrouth en êtres hybrides, à mi-chemin entre girafes mécaniques et flamants roses ; faire jaillir d’un amoncellement de plaques de métal des notes de musique ; évoquer l’uniformité des habitations urbaines à travers une image rapprochée d’un empilement de profilés en acier ou encore susciter l’idée de pêche miraculeuse devant une photographie de sacs en papier kraft remplis de fragments d’ardoise…

Photographe d’industrie, fascinée par cet univers abrupt qui recèle pour elle tous les sortilèges d’un terrain de jeu, Joumana Jamhouri hante depuis plus de 15 ans, caméra au poing, les principales sidérurgies, aciéries, cimenteries et chantiers de construction du pays. Cherchant, toujours avec la même passion, à capter la vie dans la chose inerte, à explorer la magique alliance de la lumière et de la matière, qui va transformer cette dernière, la transcender, quasi l’humaniser…

Dans la nouvelle série de clichés qu’elle expose actuellement à la galerie Tanit, elle réussit, comme à son habitude, à faire ressortir la beauté, parfois la poésie, d’autres fois l’aspect ludique ou intriguant des usines et de leurs mécaniques occupants.

Par contre, ce que même les amateurs les plus assidus de son travail ne connaissent pas, c’est son obsession, moins affichée, de « tout ce qui tourne autour de la consommation, de la surpopulation, de la pollution et de l’écologie », confie-t-elle. « Même si je pense que l’industrie est indispensable et qu’elle est très belle en elle-même, je suis aussi interpellée par la réhabilitation, le retour à la nature que sont en train d’opérer ceux que j’appellerais les « nouveaux industriels ». Ces capitaines d’industries lourdes qui, à l’instar des patrons de la cimenterie nationale, ont entamé une reforestation des terrains exploités et endommagés aux alentours de leurs usines ».

Prémices d’une conscience verte

Justement, la nouveauté de cette exposition réside dans une installation inédite composée d’une série de clichés réalisés au cours de cette dernière année, en extérieur. Vingt-trois photos de différentes dimensions qui questionnent l’industrie et son impact sur l’environnement. Et déroulent le récit d’une prise de conscience des méfaits de l’urbanisation à outrance et de sa corollaire l’industrie. Et cela à travers quatre chapitres visuels qui s’ouvrent par une vue « à la fois tendre et dure » (dixit son auteure) d’un Beyrouth respirant la pollution et la surpopulation. Suivent, alors naturellement, les images de grues et conteneurs du port, acteurs principaux d’une surconsommation éminemment nocive à la planète, puis c’est vers les bâtiments de la cimenterie de Chekka, ses extérieurs surtout, son environnement naturel, à la fois mort et en pleine renaissance, que le fil de l’installation va entraîner le spectateur. De cliché en cliché, la photographe met ainsi en lumière une subtile évolution du paysage industriel libanais qui, au moyen de la reforestation, de la création de points d’eau ou encore de la mise en place de cultures agricoles, signe « Le chemin du retour » d’une industrie triomphante et impitoyable vers une industrie à conscience verte. Comme le signale Naïla Kettaneh Kunigk dans une note explicative qui accompagne l’exposition, « en photographiant ce cheminement dont son objectif est le témoin, Joumana Jamhouri nous montre cette remise en état (de la nature), de manière aussi explicite, si ce n’est plus qu’un texte destiné à faciliter la prise de conscience collective de ce phénomène ». Ou quand l’art a valeur de témoignage et d’exemple…

« Le chemin du retour » à la galerie Naïla Kettaneh Kunigk, jusqu’au 8 juin.


Pour mémoire 

Joumana Jamhouri déchaîne son imagination et... titille la vôtre

Donner aux résidus d’aluminium le glamour de la poussière d’étoiles, mais aussi la mélancolie des larmes de pluie; transformer l’alignement de grues du port de Beyrouth en êtres hybrides, à mi-chemin entre girafes mécaniques et flamants roses ; faire jaillir d’un amoncellement de plaques de métal des notes de musique ; évoquer l’uniformité des habitations urbaines à travers...

commentaires (1)

Que c’est bien évoqué : ""Donner aux résidus d’aluminium le glamour de la poussière d’étoiles, mais aussi la mélancolie des larmes de pluie… !"" Les quelques photographies qui illustrent l’article sont dans le sillage du travail historique de Bernd et Hilla Becher. On peut dire également comme sans être très flatteur, et sans ironie aucune, qu’elle a du ""génie civil""… Se réjouir du reboisement !, d’accord quand on a la fibre écologique, mais il n’est pas sûr de retrouver sur ""le chemin du retour"" d’aussi belles photos. C’est souvent ennuyeux des photos de reboisement… Bonne chance pour l’exposition ! C. F.

L'ARCHIPEL LIBANAIS

10 h 28, le 18 mai 2019

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Commentaires (1)

  • Que c’est bien évoqué : ""Donner aux résidus d’aluminium le glamour de la poussière d’étoiles, mais aussi la mélancolie des larmes de pluie… !"" Les quelques photographies qui illustrent l’article sont dans le sillage du travail historique de Bernd et Hilla Becher. On peut dire également comme sans être très flatteur, et sans ironie aucune, qu’elle a du ""génie civil""… Se réjouir du reboisement !, d’accord quand on a la fibre écologique, mais il n’est pas sûr de retrouver sur ""le chemin du retour"" d’aussi belles photos. C’est souvent ennuyeux des photos de reboisement… Bonne chance pour l’exposition ! C. F.

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    10 h 28, le 18 mai 2019

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