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Culture - Photos

Joumana Jamhouri déchaîne son imagination et... titille la vôtre

Au Beirut Exhibition Center, Joumana Jamhouri réinvente l'univers industriel au gré de son « imagination déchaînée » !

Une photo de la série « Symphony for a Burst of Energy » (2011 ; 100 x 150 cm).

« Quand je dis aux gens que mes photos sont tendres, ça les fait rigoler » avoue, amusée, Joumana Jamhouri. Il est vrai que de prime abord, les éléments de métal ou de ciment, les transformateurs électriques, les turbines, tuyauteries, boulons et vis qu'elle immortalise via sa caméra n'incitent pas à la tendresse.
Mais voilà, cette photographe a indiscutablement une sensibilité, une poésie allègre, une intuition du beau qui, couplées à son savoir-faire technique, transforment ses images de sites industriels en véritables compositions artistiques.
Dans « Imagination Unchained : A Ripple Through Reality » (« Imagination déchaînée : une ondulation à travers la réalité »), l'exposition que lui consacre la Beirut Exhibition Center jusqu'au 7 septembre, Joumana Jamhouri présente plusieurs séries de photos, la plupart issues à l'origine de projets de commande pour de grandes usines, dont elle s'est réservée le droit d'en exposer certaines. Normal, car à la dimension documentaire de son travail, Jamhouri apporte souvent, sinon presque toujours, une perspective singulière, esthétisante, une quête d'harmonie qui transcendent la banale réalité des choses pour en débusquer la beauté cachée.

Trésors de la photo industrielle
Celle-ci pouvant se manifester aussi bien dans une vision rapprochée des éléments de détails (comme les fusibles) que dans des vues globales, prises en plongée ou contre-plongée, de machineries ou de bâtiments industriels (le barrage d'Itaipu au Brésil, par exemple, l'une des plus grandes centrales hydroélectriques du monde, dont elle réussit à exprimer le rôle vital, la puissance « dramatique », façon « grandes orgues » ou encore « temple spirituel » !), Jamhouri manie avec habileté le détournement d'architectures ou d'objets fonctionnels en œuvres artistiques. À la manière du ready-made, en quelque sorte.
« Pour moi, la photo n'a jamais été simplement un moyen de reproduire le réel. Elle est un vecteur d'exploration de l'inconnu, une façon d'essayer de toucher, ne serait-ce que de manière très éphémère, cette "sixième dimension" », confie-t-elle d'ailleurs dans sa note d'intention. Où elle explique aussi avoir choisi la photographie industrielle « parce qu'elle recèle des trésors encore relativement peu explorés : volume des installations, perspectives, couleurs, éclairages, formes et matières... Un mélange d'environnements insolites et d'interventions humaines qui donnent souvent des ambiances très particulières et m'inspirent beaucoup », cette artiste porte sur cet univers abrupt un regard subtilement inventif.
Parmi la soixantaine de photos, grand format, accrochées sur les cimaises du BEC, certaines plus que d'autres délient l'imaginaire du spectateur et le font voyager au gré de sa propre fantaisie, de ses propres interprétations, projections et références, musicales notamment, aiguillé en cela par les intitulés de plusieurs séries.
Ainsi, parmi les œuvres les plus intéressantes, une suite de vues rapprochées de transformateurs électriques baptisée « Symphony for a Burst of Energy » (aux grands formats variant de 100 x 150 cm jusqu'à 150 x 224 cm). Ces images colorées d'éléments parfaitement identiques capturés sous l'angle d'un alignement parfait, que viennent à peine troubler ici et là quelques points de déséquilibres, évoquent de manière aussi souterraine que ludique la soumission de l'homme contemporain à l'industrialisation, la robotisation et l'uniformisation de la marche du monde. Et là, on saisit ce que veut dire Joumana Jamhouri quand elle parle de tendresse dans ses photos ! Car, même s'il n'y figure pas expressément, l'humain y est très présent. C'est le cas notamment des images des bâtiments de la Cimenterie nationale, baptisées « Blues for Concrete » qui, par leurs rythmes, compositions et couleurs, transcendent leur côté documentaire pour exprimer ici aussi le gigantisme de la machine industrielle... Mais évoquer aussi, dans certaines photos de façades en tuyauteries, comme une compression des cuivres d'une formation jazzy !
Une thématique musicale donc pour décrire un univers industriel riche en sonorités diverses. Comme ce « Metallic Concerto » à l'abstraction géométrique, série issue d'une tournée dans une usine d'aluminium. Ou encore les « Variations for Winds », ces magnifiques paysages d'éoliennes dans un désert du Brésil qui, outre leur esthétisme formel, semblent bruisser d'un souffle spirituel...
Il faut dire que l'artiste, photos industrielles ou pas, peut attendre longtemps le moment parfait pour prendre la photo idéale, « à l'ancienne », dit-elle. Et souvent au crépuscule, qui reste son temps de prédilection. Comme cela a été le cas pour le duo de photos nimbées de mélancolie du chantier de l'immeuble Rossini, à Paris, présentées dans une enclave intimiste, ainsi que pour celles, quasi abstraites, des cascades d'Iguaçu au Brésil... Deux séries qui sortent du lot « industrialisant » de l'exposition. Et lui donnent, avec une troisième, architecturale celle-ci, représentant le projet d'habitations hypercolorées (qu'on dirait au Brésil !) des pêcheurs de Tyr, au Liban (conçues, entre autres, par Hashim Sarkis) et qui avait été exposée, en 2010, au MoMa de New York, un esprit de rétrospective partielle, revenant sur la première décennie de travail de Jamhouri. Au regard à découvrir !

« Quand je dis aux gens que mes photos sont tendres, ça les fait rigoler » avoue, amusée, Joumana Jamhouri. Il est vrai que de prime abord, les éléments de métal ou de ciment, les transformateurs électriques, les turbines, tuyauteries, boulons et vis qu'elle immortalise via sa caméra n'incitent pas à la tendresse.Mais voilà, cette photographe a indiscutablement une sensibilité, une...

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