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Moyen Orient et Monde - Entretien

Péter Szijjártó : Il y a un besoin de protéger les valeurs chrétiennes de nos jours

Le ministre hongrois des Affaires étrangères souligne l’importance d’aider les communautés chrétiennes à rester au Moyen-Orient.

Le ministre hongrois des Affaires étrangères a souligné l’importance d’aider les communautés chrétiennes au Moyen-Orient.

De passage à Beyrouth, le ministre hongrois des Affaires étrangères, Péter Szijjártó, a accordé un entretien à L’Orient-Le Jour au cours duquel il a abordé différents thèmes – allant des chrétiens d’Orient, de la politique migratoire de son pays aux liens entre la Hongrie et les États-Unis. Rencontre.

Quelle est la raison de votre venue au Liban ?

Je représente ici un pays chrétien, un pays qui l’est depuis plus de 1 000 ans. C’est une base commune pour le Liban et la Hongrie afin de travailler ensemble, puisque nous n’avons pas beaucoup de points en commun dans l’histoire. Nous avons passé un accord l’année dernière avec le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil sur la participation de la Hongrie à la reconstruction de 33 églises au Liban et nous avons complété la première étape. Elle inclut 14 églises et nous débutons maintenant la seconde étape qui en comprend 19 autres à rénover et reconstruire. Nous avons octroyé 1,5 million de dollars pour ce projet.

Pourquoi est-il si important pour vous de défendre la chrétienté, surtout actuellement au Moyen-Orient ?

Il y a un besoin de protéger les valeurs chrétiennes de nos jours. Il y a beaucoup d’hypocrisie dans les politiques européennes et globales et c’est pourquoi beaucoup de pays et de politiciens ont honte de parler de la chrétienté et des chrétiens. Mais nous croyons que la priorité doit être donnée à la chrétienté et la culture chrétienne en Europe, car c’est un continent chrétien qui a été fondé sur des valeurs chrétiennes. Nous devons nous battre contre une perception qui laisse suggérer que la christianophobie serait la dernière forme de discrimination acceptable sur le globe.

C’est pourquoi nous soutenons les communautés chrétiennes ici au Moyen-Orient. Des évêques et des dirigeants de ces communautés qui viennent nous voir à Budapest nous demandent toujours de ne pas encourager les chrétiens du Moyen-Orient à quitter cette région pour l’Europe, mais de les aider à rester. Nous avons déjà dépensé 29 millions de dollars pour la reconstruction de maisons de familles chrétiennes en Irak, nous couvrons les coûts médicaux annuels des plus grands hôpitaux chrétiens gratuits en Syrie, nous reconstruisons les églises au Liban, nous finançons les activités humanitaires de l’Église maronite catholique syrienne et l’Église chrétienne orthodoxe syrienne, nous sommes en train de finaliser un programme de réintégration pour les communautés qui ont dû quitter le Nigeria à cause de Boko Haram.



(Lire aussi : Les militaires à la retraite menacent d'"une escalade à Beyrouth et dans tout le Liban")



Quelle est votre politique étrangère à l’égard du Moyen-Orient ?

Nous sommes intéressés par des relations équilibrées d’État à État et basées sur le respect mutuel. Notre stratégie en matière de politique étrangère est de ne pas donner des leçons aux autres et d’aider uniquement quand un pays nous le demande. C’est important ici car la stabilité de ces pays a un énorme impact sur la sécurité en Europe et les flux migratoires vers le continent. C’est quelque chose que nous voulons absolument éviter. En outre, nous envoyons 54 militaires à la mission de l’ONU au Liban, nous offrons 50 bourses annuellement à des étudiants libanais, nous avons un programme à part pour les jeunes chrétiens qui sont discriminés pour une raison ou une autre pour venir étudier en Hongrie.

Considérez-vous les demandeurs d’asile, en provenance de Syrie par exemple, de la même manière qu’un migrant illégal qui vient en Hongrie pour des raisons économiques ?

Nous comprenons qu’il y a un grand nombre de personnes qui doivent quitter leur foyer à cause de la guerre ou de l’instabilité. Comme nous le comprenons, elles ont le droit d’atteindre le premier lieu sûr et sécurisé. Si elles quittent ces lieux, nous ne pouvons alors plus les considérer comme des réfugiés. Il y a un droit humain fondamental selon lequel nous avons le droit de vivre en paix, de manière sûre et sécurisée là où nous vivons. Si cela n’est pas possible, cela doit nous être assuré à l’endroit le plus proche. Nous sommes en faveur du soutien de pays comme le Liban avec des mesures d’assistance financière plus robustes au nom de l’Union européenne, par exemple, et qui sont situés dans des zones touchées par la guerre et qui doivent s’occuper des réfugiés et des migrants. Selon notre position, si ces personnes quittent ces pays voisins et s’installent loin, elles ne reviendront jamais. La question est alors de savoir qui reconstruira leur pays.

Mais la plupart des réfugiés qui sont dispersés à travers le monde, en provenance de Syrie par exemple, disent qu’ils aimeraient bien rentrer chez eux. Parmi eux, les jeunes ont notamment besoin d’aller étudier ailleurs, dans un pays en paix, pour pouvoir ensuite rentrer et prendre part à la reconstruction de leur pays. Cela n’est-il pas contradictoire avec votre argument ?

Nous pensons que la communauté internationale a l’obligation d’offrir toutes les garanties physiques, légales et sécuritaires aux personnes qui ont dû partir (de leurs pays) pour qu’elles puissent rentrer. Nous donnons aussi des bourses à plus de 5 000 étudiants de pays émergents et en développement, incluant l’Afrique et le Moyen-Orient, pour étudier en Hongrie et repartir. Nous nous en tenons à notre droit de prendre une décision souveraine à propos des personnes avec lesquelles nous voulons vivre et celles avec qui nous ne le souhaitons pas.

Nous sommes au Liban, où le modèle multiconfessionnel est enraciné dans le pays. Que vous inspire-t-il comparé à un modèle qui promeut une société homogène avec une identité unique ?

Que nous l’aimions ou non, l’histoire détermine la culture et l’histoire détermine ce qui est en train de se passer aujourd’hui. Nous respectons le fait que le Liban a toujours été une nation multiculturelle car cela a toujours été le cas et ceci est votre vie. Nous ne pensons pas que cela aurait moins de valeur que notre société, qui est historiquement homogène et que nous souhaitons garder telle qu’elle l’est. Dans la partie occidentale de l’Europe, des exemples ne sont pas très bons. Des sociétés parallèles ont été établies, non pas des sociétés mixtes, ce qui est une menace sécuritaire.



(Lire aussi : La Hongrie prive de nourriture des migrants refoulés du droit d'asile, selon l'ONU)



Les élections européennes approchent. Y a-t-il une confrontation entre un camp libéral, avec le président français Emmanuel Macron, contre un camp plus conservateur, avec le Premier ministre hongrois Viktor Orban ?

Vous avez raison. Les lignes de division entre les mouvements politiques en Europe ne sont pas actuellement déterminées par les familles politiques mais par la politique migratoire. Vous avez une aile libérale promigration, qui souhaite un Bruxelles fort et des États membres affaiblis avec l’intention de créer les États-Unis d’Europe. Il y a l’autre camp, qui est composé de partis plus patriotiques, qui représente une position antimigration, qui parle ouvertement de chrétienté et de la culture chrétienne à qui la priorité doit être donnée en Europe et qui croit en une Europe des nations.

Est-ce que cela pourrait mener à une rupture avec l’autre camp ?

Non, je pense que c’est un sérieux débat, mais ce n’est pas un problème. L’Europe fait face à des défis gigantesques comme l’immigration, la sécurité, l’énergie, le Brexit... Donc je pense qu’il est naturel qu’il y ait un débat à propos de la voie à adopter pour aller de l’avant.

Est-ce que le modèle de l’Union européenne est viable ?

Le débat porte sur la manière d’avoir une Union européenne forte car nous estimons que le modèle promu par les pays d’Europe occidentale et par Bruxelles est une impasse, il sera un échec et l’a été jusqu’à maintenant. Sur le plan économique, les cinq dernières années ont été un tournant et nous croyons vraiment qu’un nouveau chemin doit être pris et que des réformes doivent être faites.

Israël et la Hongrie entretiennent de bonnes relations. Comment cela s’explique-t-il et cela complique-t-il vos relations avec d’autres États dans la région ?

Nous avons la même stratégie à l’égard d’Israël qu’avec les autres pays au Moyen-Orient. Nous avons toujours été en faveur d’une approche juste et équilibrée à l’égard d’Israël comme avec les autres parties dans la région. Les deux Premiers ministres (Benjamin Netanyahu et Viktor Orban) ont certainement une bonne relation sur le plan personnel, il y a une bonne coopération entre les partis au pouvoir et les deux pays. Mais je constate maintenant que de plus en plus de pays arabes de la région améliorent leurs relations avec Israël aussi. Notre relation avec Israël n’a jamais eu d’impact quel qu’il soit sur notre relation avec le Liban par exemple, nous la gardons à part.

Partagez-vous la position de certains pays européens, comme l’Allemagne ou la France, sur le président syrien Bachar el-Assad ?

J’estime que ce que nous pensons à propos du président syrien n’a pas d’importance car ce n’est pas à nous de décider de son sort. Si vous avez écouté les débats entre les ministres européens des Affaires étrangères sur la Syrie, il y a trois ou quatre ans, toutes les déclarations débutaient par « Bachar el-Assad doit partir ». Si vous écoutez les débats aujourd’hui, cette phrase est en quelque sorte occultée.

Quel est l’état de vos relations avec la Syrie ?

Nous donnons un soutien financier aux communautés chrétiennes.

Avec le gouvernement ?

Nous n’avons pas de relations.

Vous vous faites entendre au sujet de l’immigration illégale, et comme elle a surtout été en provenance de Syrie ces dernières années, le gouvernement syrien n’est-il pas à prendre en compte ?

Nous préférons essayer d’influencer la politique migratoire de l’Union européenne et non la situation en Syrie. Si nous pouvons avoir du poids dans l’UE, nous n’en avons certainement pas sur ce qui se passe en Syrie. Nous préférons l’approcher de l’autre côté en disant que l’UE devrait mettre un terme à sa politique qui consiste essentiellement à inviter les personnes à venir.

Viktor Orban et le président américain Donald Trump doivent se rencontrer le 13 mai. Que vont-ils aborder ? Sont-ils sur la même longueur d’onde sur le plan politique ? Et y a-t-il aujourd’hui un camp nationaliste dont ils sont les voix principales sur la scène internationale ?

Le président américain et le Premier ministre hongrois ont des approches très similaires au sujet de problèmes majeurs en politique internationale. Nos deux administrations représentent une politique antimigration, nous considérons la culture chrétienne comme importante et qu’elle doit être maintenue et sauvée, qu’assurer la sécurité de nos pays et citoyens est l’obligation première d’un pays et que, comme lui considère « l’Amérique d’abord », nous considérons « la Hongrie d’abord ». Cette rencontre va donner l’opportunité aux deux leaders de coordonner leurs positions sur l’immigration pour les représenter au sein des organisations internationales. La sécurité énergétique sera aussi à l’ordre du jour. L’Europe centrale est surtout exposée à une source pour son énergie qui est le gaz russe. Les Américains sont en train de pousser pour une diversification (des sources), donc nous allons voir comment nous pouvons coordonner ces efforts pour l’offre et la demande.



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De passage à Beyrouth, le ministre hongrois des Affaires étrangères, Péter Szijjártó, a accordé un entretien à L’Orient-Le Jour au cours duquel il a abordé différents thèmes – allant des chrétiens d’Orient, de la politique migratoire de son pays aux liens entre la Hongrie et les États-Unis. Rencontre.Quelle est la raison de votre venue au Liban ? Je représente ici un pays...

commentaires (4)

les valeurs chretiennes, mais pas la chretiente ni la religion. interessant.

SATURNE

15 h 58, le 11 mai 2019

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Commentaires (4)

  • les valeurs chretiennes, mais pas la chretiente ni la religion. interessant.

    SATURNE

    15 h 58, le 11 mai 2019

  • C'est intéressant qu'il donne la période 1 000 ans, si on compare avec la christianisation du monde punique (Tunésie actuelle) à partir de ses origines dans le moyen-orient, 1 800 ans car le christianisme c'est répandu vers le nord de l'afrique à l'époque 150-200 et puis par les romains-puniques vers les anciennes ports de l'Espagne (Tarragone etc. aussi de héritage punique). En Espagne on trouve des églises de l'an 400, donc christianisation de certainement 1 600 ans (Theodosius etc.) ca fait donc 600 ans plus que la Hongarie. Et en France Clovis autour de 497-508 donc 1 500 ans. La Hongarie et les peuples Saxes, Bulgarie etc. c'est relativement tard en termes de christianisation ... Au moment que par exemple les Hongares deviennent chrétiens, la Tunésie et le nord de l'afrique ont déjà commencé leur période de l'islam.

    Stes David

    10 h 00, le 11 mai 2019

  • LE TITRE DIT TOUT ! MAIS PRESERVER LES CHRETIENS POUR PRESERVER LES VALEURS DE LA CHRETIENTE. LES CHRETIENS ET LES OCCIDENTAUX EN TETE DOIVENT SE REVEILLER ET ARRETER D,IMPORTER DES LOUPS DANS LEURS BERGERIES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 55, le 11 mai 2019

  • Impeccable.Vrai et juste.merci,Hongrie!

    Marie Claude

    07 h 40, le 11 mai 2019

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