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Liban - Entretien

Djerejian : Ni Nasrallah ni les Israéliens ne veulent d’une guerre

« Il appartient au peuple libanais et à ses dirigeants de déterminer la voie à suivre pour des réformes socio-économiques et politiques », affirme le diplomate américain.

Edward Djerejian en compagnie des membres de la Fondation Ibrahim Najjar.

De passage à Beyrouth, Edward P. Djerejian, ancien ambassadeur des États-Unis en Syrie et en Israël et actuel directeur et fondateur du James A. Baker III Institute for Public Policy, un think tank de renommée mondiale, a été l’invité d’honneur de la « Fondation Ibrahim Najjar pour la culture et les libertés » – un groupe de réflexion créé à Beyrouth en 2017 par l’ancien ministre de la Justice Ibrahim Najjar –

pour participer à la conférence menée par Imad Salamay, professeur de sciences politiques à la LAU, ayant pour thème « la politique des États-Unis au Proche-Orient ». Cet ancien diplomate américain bardé de distinctions honorifiques a servi sous huit administrations américaines, allant de John F. Kennedy à Bill Clinton. Il est l’auteur du livre Danger and Opportunity : An American Ambassador’s Journey Through the Middle East, publié en 2008 par Simon & Schuster.

Doté d’une longue expérience en diplomatie et fin connaisseur de la géopolitique du Moyen-Orient, Edward Djerejian a livré devant une audience triée sur le volet son analyse et sa vision « personnelle » de la politique américaine actuelle au Moyen-Orient qu’il juge « incohérente » face aux graves défis de la région, couvrant à bâtons rompus le printemps arabe et les contre-révolutions, le « deal du siècle » de Jared Kushner sur le conflit israélo-palestinien, la crise syrienne et ses graves retombées internationales, la nécessité des réformes et la lutte contre la corruption au Liban, l’Iran et son influence régionale, l’Irak et l’Afghanistan.

Le Moyen-Orient sortira-t-il de ce bourbier ? Pour ce vétéran de la diplomatie, « la véritable menace qui pèse sur les pays du Proche-Orient vient de l’intérieur pour des raisons socio-économiques, politiques et en raison de la montée de l’extrémisme ». Éloignant d’emblée le spectre d’une confrontation entre le Hezbollah et Israël, parce que « ni Hassan Nasrallah (secrétaire général du parti chiite) ni les Israéliens ne veulent d’une guerre pour leurs propres raisons », l’ancien diplomate américain brosse un tableau bien « pessimiste » de la situation régionale qu’il qualifie de « très instable » et « préoccupante » avec à l’horizon le « deal du siècle », concocté dans le plus grand secret par le président Donald Trump et son entourage.

Le Liban sous pression
Qu’en est-il du Liban qui subit les pressions régionales ? Est-il sérieusement menacé et en danger imminent ? Dans une interview accordée à L’Orient-Le Jour, Edward Djerejian se montre rassurant : « Je ne crois pas que le Liban soit à l’heure actuelle clairement menacé par des forces extérieures. Néanmoins et comme l’histoire l’a montré, des événements régionaux peuvent avoir un impact négatif sur ce pays, en particulier dans le contexte arabo-israélien au niveau de la frontière sud du Liban avec Israël et en termes d’instabilité persistante en Syrie. » Au sujet des nouvelles sanctions qui frappent l’Iran et le Hezbollah, Edward Djerejian estime que « ces dernières ont certainement un impact économique et financier négatif sur le Hezbollah et l’Iran ; qu’elles entraînent ou non un changement de comportement ou de politique est en revanche beaucoup moins clair ».

Par ailleurs, le Liban subit d’énormes pressions en faveur de la mise en place de réformes et de lutte contre la corruption. Comment réparer cette situation délétère ? « En premier lieu, il appartient au peuple libanais et à ses dirigeants de déterminer la voie à suivre pour des réformes socio-économiques et politiques », confie-t-il à L’Orient-Le Jour. Et d’ajouter : « À mon avis, l’avenir du Liban dépend de la mise en œuvre de réformes institutionnelles et de la lutte contre la corruption systémique. Lors de ma visite au Liban, j’ai été vraiment frappé par le nombre de personnes de différents horizons ayant abordé le problème de la corruption, qui empêche le pays de réaliser tout son potentiel. »

Scepticisme face au « deal du siècle »
Ayant pris part en octobre 1991 à la conférence de Madrid, qui avait été soutenue conjointement par les États-Unis et l’Union soviétique (juste avant sa dissolution), l’ancien ambassadeur américain en Syrie a rappelé, lors de sa présentation, les difficiles pourparlers pour engager un processus de paix au Proche-Orient, par le biais de négociations directes impliquant Israël et les pays arabes dont la Syrie, le Liban, la Jordanie et les Palestiniens, qui ont conduit aux accords d’Oslo de 1993 et au traité de paix israélo-jordanien de 1994.

Le nouveau plan de paix visant à mettre fin à l’inextricable conflit entre Israéliens et Palestiniens qui sera dévoilé en juin par Jared Kushner définira-t-il de nouveaux paramètres pour une nouvelle réalité ? Edward Djerejian exprime à L’Orient-Le Jour sa « préoccupation » et son « scepticisme » quant au succès d’un tel plan qui reste un secret bien gardé. « Je ne sais pas ce que contient le plan de paix de l’administration Trump, il est donc difficile de spéculer. Néanmoins, j’estime que si ce plan n’est pas fondé sur le principe de “la terre contre la paix” tel qu’il est énoncé dans les résolutions 224 et 338 du Conseil de sécurité des Nations unies et dans le cadre de la conférence de Madrid, il ne réussira pas à parvenir à un accord de paix israélo-palestinien. Cela restera une formule qui permettra de maintenir un statu quo dangereux avec des tensions et un conflit potentiel aux frontières entre le Liban, Gaza et la Cisjordanie. En outre, le manque de progrès significatifs sur un règlement israélo-palestinien réduira les perspectives d’une “solution à deux États” et renforcera les perspectives d’une “solution à un État” qui pose un problème politique. »

Crise syrienne et transition politique
Pour Edward Djerejian, « la période actuelle du Moyen-Orient, avec le printemps arabe et à l’ère des smartphones et des réseaux sociaux, subit un changement tectonique du paysage politique, non seulement des pays arabes mais aussi du Moyen-Orient au sens large. Il n’existe pas toutefois de politique cohérente américaine pour cette région », déplore-t-il.

Concernant la Syrie, l’ex-ambassadeur à Damas estime que « ce qui s’est passé en Syrie a eu un impact non seulement au Moyen-Orient mais dans le monde entier. Aujourd’hui, l’Iran a la plus grande influence en Syrie sur les plans économique et politique. La Russie a évidemment une influence. Mais la Russie n’est plus l’Union soviétique. Elle rencontre de graves problèmes économiques et démographiques ». L’avenir de la Syrie demeure incertain. Sous la pression des militaires, le président Trump a pris la décision de garder ses troupes en Syrie dans l’espoir de stabiliser la situation contre l’État islamique et aussi pour jouer un rôle dans les négociations sur la transition politique et l’avenir de la Syrie.

Où va le Moyen-Orient ? « La situation est vraiment dangereuse en raison notamment des problèmes socio-économiques et de l’impasse politique. Au final, nous devons avoir une politique cohérente qui s’attaque aux problèmes à long terme, mais sans se faire d’illusion. Les États-Unis restent le pouvoir prééminent, pas autant qu’avant certes, mais nous pouvons influer sur les événements en marge de manière intelligente, en modifiant véritablement les processus dans ces pays, en s’attaquant aux problèmes fondamentaux et dans la perspective du règlement des conflits », conclut M. Djerejian.

De passage à Beyrouth, Edward P. Djerejian, ancien ambassadeur des États-Unis en Syrie et en Israël et actuel directeur et fondateur du James A. Baker III Institute for Public Policy, un think tank de renommée mondiale, a été l’invité d’honneur de la « Fondation Ibrahim Najjar pour la culture et les libertés » – un groupe de réflexion créé à Beyrouth en 2017 par...

commentaires (4)

La politique des USA a-t-elle d'ailleurs jamais ete coherente au MO? Si en fait; uniquement quand il s'agit des interets d'Israel.

Tina Chamoun

11 h 17, le 30 avril 2019

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Commentaires (4)

  • La politique des USA a-t-elle d'ailleurs jamais ete coherente au MO? Si en fait; uniquement quand il s'agit des interets d'Israel.

    Tina Chamoun

    11 h 17, le 30 avril 2019

  • ET PUISQU,ON NE VEUT PAS DE GUERRE CONTRE L,AUTRE C,EST QU,ON A PERDU LA RAISON D,ETRE. ALLEZ DONC, DISPERSEZ-VOUS ET LIVREZ VOTRE ARSENAL A L,ARMEE NATIONALE ET FINISSONS EN.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 34, le 30 avril 2019

  • Tant mieux si personne ne veut faire la guerre. Le Liban.non plus.

    Sarkis Serge Tateossian

    09 h 16, le 30 avril 2019

  • Donc cette ambassadeur à délivrer de la part de son pays carte blanche a Hafez d occuper le Liban?

    Bery tus

    06 h 10, le 30 avril 2019

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