En parallèle à la dimension religieuse de la cathédrale Notre-Dame et du drame atroce de l’incendie dont les causes et responsabilités devront être déterminées suite à l’enquête en cours, il est concevable que l’émotion et la consternation touchent aussi bien les chrétiens que les croyants d’autres religions, ou encore les athées, en France ou dans le monde entier, vu la dimension universelle des symboles que Notre-Dame représente pour la civilisation et l’histoire humaine.
Aussi, en parallèle aux autres trésors du patrimoine, partout dans le monde, qu’il faut bien sûr préserver et reconstruire le cas échéant, le drame de Notre-Dame est fédérateur car c’est un rappel que ce qui est menacé de disparaître est ce qui se trouve dans nos cœurs et dans nos esprits d’humains du XXIe siècle.
C’est aussi peut-être, à une moindre échelle, une image maternelle pour notre planète qui nous rassemble, elle aussi menacée dans son écosystème. Notre nef de terriens dans l’univers.
Nous sommes sur-sollicités par l’information en continu. Et vite submergés par le sentiment de porter le malheur du monde sur nos épaules.
Des drames comme celui de l’incendie de Notre-Dame, ou d’autres même plus graves dans le monde, au Liban ou dans la région, sont autant d’électrochocs qui réveillent les consciences engourdies et épuisées de tant de drames.
Le drame de Notre-Dame est fédérateur car c’est un rappel que ce qui est menacé de disparition, c’est un rattachement à une certaine manière de vivre que l’on croyait éternelle et à l’abri, une civilité, des savoirs, une idée de la science, de la religion et des sociétés en évolution. De plusieurs pays, vers l’Europe, vers le monde. Une référence à notre passé, nos racines, afin de pouvoir continuer à construire ensemble l’avenir et l’imaginer.
La proximité n’est pas seulement géographique, n’en déplaise à certains. Elle est aussi et surtout au niveau des valeurs communes émergentes d’un passé commun ; autour de la Méditerranée d’abord et du monde ensuite; où ceux et celles venus avant nous ont rêvé, planifié, agi et payé au prix de leur vie, pour créer le monde de libertés, jamais acquises, dans lequel nous évoluons aujourd’hui.
Un grand mot alors qui englobe choix, rêves, droits et devoirs guidés par la boussole intérieure de notre libre-arbitre.
La cathédrale de Notre-Dame est aussi, peut-être, une image de notre édifice intérieur, propre à chacun de nous.
Croyant ou pas qui s’attache à notre humanité et la construit au jour le jour. Brique par brique malgré tous les défis. Avec une spiritualité, une foi, une science en dialogue permanent.
D’aucuns s’offusquent que la sympathie et la mobilisation n’aient pas été les mêmes pour d’autres crises, guerres ou atrocités, proches ou lointaines à eux. Mauvaise foi mise à part, ils se trompent pour six raisons. C’est méconnaître la puissance des symboles sur la psychologie des foules et de l’individu. Ces symboles sur lesquels s’érigent les civilisations et la société qui se mondialise aujourd’hui. Il n’y a pas de hiérarchie dans les drames. L’on peut tout aussi bien se mobiliser pour telle ou telle cause humaine, sociale ou lutter contre cette tragédie ou une autre sans avoir à exclure celle-ci ou une autre.
L’Humain est dans chacun et chacune de nous, ou il n’est pas. L’Amour est total ou il n’est pas. L’être humain est, hélas, infini dans ses désirs et limité dans ses moyens. L’empathie est pour tous ou elle n’est pour personne.
Le dénominateur commun, c’est l’Humain avec un grand H. Quelle que soit sa couleur de peau, religion, spiritualité, classe sociale, âge, genre ou autre.
Et que ceux qui critiquent tout effort de reconstruction, de persévérance, de lutte contre la tragédie ou la misère n’importe où dans le monde au prétexte que d’autres sont plus dans l’urgence, montrent l’exemple eux mêmes, car une pierre ajoutée à l’édifice de notre humanité, qu’importe où cela se fait dans le monde, vaut tous les discours moralisateurs et de haines. Et une seule lumière d’espoir allumée dans l’obscurité vaut tous les sifflets ou les applaudissements.
Ce texte est le courrier d'un lecteur. A ce titre, il n'engage que son auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue de L'Orient-Le Jour.